Désiré Mercier et les débuts de l'Institut de Philosophie1

Durant les 32 années de sa semi-retraite studieuse dans son petit diocèse de Pérouse, Mgr Gioacchino Pecci, le futur Léon XIII, s'était de plus en plus intéressé à la renaissance du thomisme qui se développait de divers côtés en Italie depuis le milieu du siècle2. Mgr Pecci était surtout soucieux de trouver une solution au problème crucial du xixe siècle, à savoir les relations entre l'Église et la société moderne, et la lecture des traités de droit naturel du P. Taparelli d'Azeglio ainsi que d'articles publiés par le P. Liberatore dans la Civiltà Cattolica lui avait révélé la fécondité de la philosophie sociale de S. Thomas d'Aquin, plus adaptée aux aspirations du xrxe siècle que les systèmes élaborés par Suarez et ses disciples dans l'atmosphère absolutiste des xvie et xviie siècles. Mais en même temps, il avait de mieux en mieux compris que tout se tient dans la synthèse thomiste et qu'à la base de cette philosophie sociale, il y a une métaphysique, une psychologie, une épistémologie, dont on ne peut la dissocier. La cohérence et la solidité du système de Thomas d'Aquin, dont son frère Giuseppe l'avait aidé à prendre de mieux en mieux conscience, lui apparaissaient par ailleurs comme un excellent moyen de réagir contre la faiblesse de la pensée philosophique dans les milieux catholiques européens, ballotée entre le spiritualisme cartésien, l'ontologisme des disciples de Rosmini, nombreux en Italie