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étant alors praiquement en tous points ideniques aux autres membres du groupe. A mes yeux, beaucoup d’entre nous se seniront plus à l’aise en travaillant comme les autres au bureau plutôt que de prendre de longues vacances et d’être mal vu. Quand on est en dehors de ce contexte il est très diicile d’imaginer comment les Japonais peuvent préférer ne pas avoir de vacances, et il est peut-être même arrogant de les considérer comme « des pauvres Japonais sans vacances »… Aujourd’hui le niveau de vie au Japon, est un des plus haut dans le monde, et le Japon ne manque de rien matériellement. Toutefois, en donnant toujours la priorité à la rentabilité et la convenance, j’ai le seniment que ce peuple a délaissé quelque chose d’important. Etant une Japonaise qui a découvert les vacances à l’européenne depuis plus de 20 ans, j’aimerais recommander à mes concitoyens japonais d’apprendre la valeur des vacances auprès des européens. Certes c’est une période totalement improducive matériellement et économiquement mais très riche en qualité de vie. © Photodisc Société Les vacances : une période improducive et pourtant riche L’invenion des maladies à but lucraif par Rosangela Barcaro* D epuis quelques années, même parmi les experts en bioéthique, on discute d’un phénomène que l’on pourrait appeler, Rosangela Barcaro de manière un peu provocatrice, « invenion de maladies à but lucraif ». Au centre de cete discussion, il y a la tendance, toujours plus difuse de la part des laboratoires pharmaceuiques, à médicaliser la société et la vie des personnes. Les laboratoires pharmaceuiques – dit-on – s’éloignent progressivement de leur engagement à poursuivre les objecifs de la santé et du bien-être des personnes pour se concentrer sur la réalisaion de proits croissants obtenus en arrivant à convaincre des personnes saines qu’elles sont en fait malades. Des malaises passagers, de normaux processus vitaux ou changements physiologiques du corps, sont montrés comme de sérieuses dysfoncions, contre lesquelles il est indispensable de recourir à des médicaments appropriés. Un exemple probant est donné par le vieillissement naturel 24 accompagné de phénomènes tels que la chute de cheveux, l’appariion de rides, la diminuion de prestaions physiques. Il existe toute une gamme de produits «indispensables» pour le traitement contre la calviie, la perte de poids et pour garder un aspect juvénile ou réacquérir de bonnes prestaions dans les rapports inimes. Ces produits, qui ne guérissent pas les pathologies (bien que des personnes soient amenées à le croire à cause du batage publicitaire, la calviie ou les rides ne sont pas des pathologies!), sont vendus – chèrement – avec ou sans ordonnance et sont présentés comme le fruit d’années de recherches scieniiques des plus grands laboratoires. Que ces traitements soient eicaces ou pas, n’est pas le point sur lequel nous voulons ici concentrer notre atenion. Le noyau de la rélexion est ailleurs: pourquoi croyons-nous qu’il est indispensable de faire recours à des produits pharmaceuiques si nous ne sommes afectés d’aucune pathologie? On pourrait répondre de manière cynique que si l’on est disposé à payer de notre propre poche pour des remèdes qui aident à nous Société Tout être bien portant est un malade qui s’ignore… Knock - Jules Romain mieux nous senir avec nous-mêmes et avec les autres mais non pas à guérir, il n’y a pas à discuter. Ceux qui sont convaincus de ressenir dans leur propre organisme les signes des «efets bénéiques» des produits qu’on leur administre ne sont certainement pas disposés à y renoncer. Ceux qui sont prêts à croire la publicité et à acheter ces produits ne font aucun mal, même s’ils ne sont pas toujours très conscients de succomber à des stratégies commerciales agressives programmées par les laboratoires pharmaceuiques qui ne se limitent plus à produire des médicaments ou des vaccins. Le problème réside dans le fait que bien souvent nous n’arrivons pas à comprendre quand nous sommes vraiment malades, anxieux sur notre état de santé et confus entre les craintes et les condiionnements extérieurs que nous recevons: en efet, pour mieux nous habituer à entrer dans la logique des traitements médicaux, on nous bombarde de nombreuses séries télévisées, provenant du monde enier, se déroulant dans des hôpitaux ou cliniques où des professionnels de la santé, pourvus d’instruments hypertechnologiques, travaillent ain de sauver des vies humaines. Et on montre à leurs côtés, les médicaments en première ligne… Les stratégies de marché des mulinaionales C’est précisément à ce niveau-là qu’entrent en foncion les stratégies de marché adoptées par les mulinaionales pharmaceuiques: elles exploitent, à travers des agences publicitaires spécialisées, l’anxiété de la populaion concernant la santé et le bien-être. L’acion de «persuasion» des industries ne s’arrête même pas lorsque les personnes s’adressent à leur médecin traitant (appelé généraliste ou médecin de coniance, qui représente, en Italie, la «première ligne» de l’assistance médicale), pour évaluer d’éventuels symptômes qui pourraient exiger des traitements spéciiques. Les industries en efet forment et informent les médecins de base à travers la collaboraion de visiteurs médicaux qui leur illustrent les dernières nouveautés pharmacologiques, leur en vantent l’eicacité, la spéciicité et les diférences par rapport à d’autres produits «plus vieux». Ils uilisent des données obtenues par des études inancées par les mulinaionales, réélaborées par des agences qui s’occupent de relaions publiques et difusées grâce à des aricles d’experts médicaux bien rétribués qui exercent leur inluence dans des revues spécialisées. Praiquement, les individus se sentent désarmés devant ce mécanisme pervers lorsqu’ils vont à la pharmacie ou chez leur médecin. Il ne faut pas confondre lesdites «campagnes d’informaion» adressées à la populaion, ayant pour principale inalité la prévenion à l’encontre de certaines pathologies comme le cancer, avec les campagnes publicitaires créées ain de vendre des produits uilisés pour la ménopause, ou pour luter contre la faigue due simplement à un rythme de vie exténuant, ou pour garder sous contrôle l’acidité gastrique ou n’importe quel autre trouble qui nous assaille dans la vie quoidienne. Pour la guérison ou pour le proit ? C’est précisément sur cet équilibre délicat que travaillent les agences publicitaires et les laboratoires pharmaceuiques qui évaluent les modalités à uiliser ain de promouvoir leurs médicaments auprès des médecins. Il est incontestable que de nombreuses découvertes du secteur pharmaceuique ont été absolument décisives pour grand nombre de paients, et ont contribué à sauver des vies humaines (le cas de la pénicilline pour le traitement des infecions en est une preuve). Mais aujourd’hui l’objecif de créer de nouveaux idèles consommateurs de médicaments est arrivé au point d’estomper la ligne de fronière entre santé et maladie, de rendre les personnes «dépendantes» de médicaments, uniquement parce que ces derniers garanissent un proit et non pas parce qu’ils contribuent à une guérison. Il est condamnable, tant sous le proil moral que scieniique, que les laboratoires pharmaceuiques uilisent des stratégies commerciales agressives, ayant pour inalités évidentes de créer chez les gens, d’un côté le besoin de produits non nécessaires à la santé et de l’autre, de dicter aux médecins la ligne de conduite en maière d’ordonnances à prescrire à leurs paients. Les citoyens réussiront-ils un jour à s’afranchir des condiionnements et à se réapproprier leur propre santé et leur libre arbitre? A ce propos, le travail des associaions et de médecins «rebelles», en contre-tendance car non disposés à se plier aux «inventeurs de maladies», est un travail ardu mais qu’il nous faut soutenir avec opimisme. *Rosangela Barcaro, maîtrise de philosophie, Docteur de recherche en bioéthique, Conservateur du Servizio Documentazione Scieniica dell’Area di Ricerca del C.N.R. di Genova, auteur de plusieurs aricles et monographies dédiés à l’éthique et à la bioéthique. 25