«JA

La corporalité selon saint Thomas

I. Les présupposés de la doctrine

1. L'hylémorphisme aristotélicien

On sait que la psychologie d'Aristote a traversé plusieurs étapes, dont la dernière, dépassant le dualisme et l'instrumentisme mécaniciste, est caractérisée par la conception de l'âme comme entéléchie du corps. C'est dans le Traité de l'âme, le texte le plus significatif de cette dernière période, qu'Aristote se décide à appliquer à l'homme la théorie hylé- morphique qu'il avait préalablement élaborée dans la Physique comme explication valable de la structure ontologique de tous les autres êtres corporels. Cette généralisation du champ d'application de l'hylémorphisme permet à Aristote d'élaborer une psychologie générale, fondée sur une définition de l'âme valable pour tous les êtres vivants, l'homme y compris. En fait Aristote a légué quatre définitions, ou plutôt quatre approches successives de la nature de l'âme: De anima II, 1,412 a 19-21 ; 412 a 28-29; 412 b 4-6 et II, 2, 414 a 12-13. Elles mettent en valeur la doctrine centrale du Stagirite : si l'âme peut continuer d'être appelée substance, elle ne l'est qu'«en ce sens qu'elle est la forme d'un corps naturel ayant la vie en puissance». En tant que telle, l'âme doit être définie comme «l'entéléchie première d'un corps naturel organisé». Sa nature d'acte premier implique qu'elle est le principe de l'être et de l'agir de l'être vivant («ce par quoi nous vivons, percevons et sentons»), et que son corrélat est «matière et substrat». Ces développements ont, précise Aristote, une portée générale, «applicable à toute espèce d'âme».

Il est clair, d'après ces définitions, que pour Aristote l'âme n'est plus une substance au sens de sujet subsistant. Elle l'est seulement en tant que principe de la substance, en tant que forme substantielle. Cela veut dire qu'elle est le principe déterminant, la perfection première (c'est le sens d'entéléchie) qui, jointe au principe déterminable (la matière), constitue l'être vraiment existant, la substance au sens premier du mot. L'unité de l'homme comme être vivant est ainsi pleinement sauvegardée, parce que