LA COLLE ET LE CLOU DE L'AME
DANS LA TRADITION NÉO-PLATONICIENNE ET CHRÉTIENNE
(Phédon 82e ; 83d)
Socrate déclare dans le Phédon : « C'est, vois-tu, une chose bien connue des amis du savoir que leur âme, lorsqu'elle a été prise en main par la philosophie, était complètement enchaînée dans un corps et collée à lui » (1). Et une page plus loin : « Tout plaisir et toute peine possèdent une manière de clou, avec quoi ils clouent l'âme au corps et la fichent en lui » (2). Ces deux métaphores appliquées au rapport entre l'âme et le corps n'apparaissent chez Platon, semble-t-il, qu'en ce passage (3). Elles allaient avoir un profond retentissement à l'époque néo-platonicienne et patristique.
Dès le premier siècle Philon ne manquait pas d'observer que le même verbe προσκολλαν est appliqué par la Septante au passage de la Genèse où il est dit que l'homme « collera » à la femme et formera avec elle une seule chair (II, 24) ; il propose de ce verset une exégèse platoni-
(1) Platon, Phédon, 82e, éd. L. Robin, Paris, 1926, p. 44 : Γιγνώσκουσι γάρ, ή δ' δς, oi φιλομαθείς δτι, παραλαβοϋσα αυτών την ψυχήν ή φιλοσοφία, άτεχνώς διαδεδεμένην εν τω σώματι καΐ προσκεκολλημενην, άναγκαζομένην δε ωσπερ δια είργμοΰ δια τούτον σκοπεΐσθαι τα οντά άλλα μη αυτήν δι' αυτής, καΐ εν πάσγι άμαθία κυλινδουμένην · και τοϋ είργμοΰ την δεινότητα κατιδοϋσα δτι δι' επιθυμίας εστίν.
(2) Ibid. 83d, p. 45 : 'Εκάστη ηδονή και λύπη, ωσπερ ή λ ο ν έχουσα, π ρ ο σ- ηλοϊ αυτήν προς το σώμα και προσπερονξ. και ποιεί σωματοειδή, δοξάζουσαν ταϋτα αληθή είναι απερ αν καΐ το σώμα φή.
(3) Cf. F. Ast, Lexicon Platonicum, 3 vol., Leipzig, 1835-1858 (réimpression en 1956) s.v. : κόλλα, κολλητός, κολλώ, κολλώδης, προσκολλώ, ήλος, προσηλώ, προσπερονώ. P.Louis Les métaphores de Platon, Paris, 1945, p. 114, omet celle de la colle.