La causalité de l'agent

Pour une phénoménologie de la liberté

«Tout le sérieux de la vie lui vient de notre liberté», écrit Bergson dans son petit traité sur Le rire1. Peut-être s'agit-il d'une généralisation quelque peu hâtive. Tout de même, si on évite de l'extraire de son contexte, on sera mieux à même d'en saisir le noyau de vérité, qui en fait un pilier de la théorie bergsonienne du comique. Cette théorie nous livre une approche du problème de la liberté qui, pour être un chemin d'accès quelque peu souriant (ou léger, comme l'est souvent un problème d'esthétique) à une question éthique et métaphysique aussi sérieuse que celle du libre arbitre, n'en est pas moins une approche précieuse. Précieuse, comme on le verra, d'un point de vue phénoménologique. Car c'est de ce point de vue qu'on essaiera, dans les pages qui suivent, de réhabiliter une catégorie classique, par laquelle une longue tradition a défini la liberté (dans l'un des sens de ce terme), et à laquelle la plupart des philosophes contemporains refusent ce privilège: celle de la causalité de l'agent.

1. Le comi-tragique et la liberté: les aventures de M. H.H.

Voyons d'abord quelques exemples de situation ou d'action comique, choisis parmi ceux de la vie de tous les jours — ou tirés du petit livre bergsonien.

Les imitations, pour commencer. Pourquoi l'imitation de quelqu'un qui d'ordinaire ne nous amuse pas tellement a de si bonnes chances de nous faire rire? Imiter quelqu'un, nous dit Bergson, c'est dégager la part d'automatisme qu'il a laissé s'introduire dans sa personne. Ses tics, ses manies, les routines de son comportement. Mais qu'est-ce qu'il y a de ridicule dans la répétition? Pascal s'était déjà posé la question: pourquoi la répétition des mêmes gestes par un orateur nous fait-t-elle rire? Répé-