La justification du principe de non-contradiction*

I. Introduction

Dans un article fameux1, le logicien polonais Jan Lukasiewicz soulignait, au début de ce siècle, l'impossibilité de soumettre le principe de non-contradiction (PNC), tel qu'il est présenté par Aristote comme le premier de tous les principes, à une exigence totale d'apodicticité étant donné l'impossibilité, plus générale, de démontrer ce qui est absolument premier. Il en résultait, selon Lukasiewicz, que dans le cadre de la logique aristotélicienne le PNC ne pouvait valoir que comme une supposition, justifiée tout au plus par des considérations d'ordre «pratico- éthique»2, comme de lutter contre l'erreur et le mensonge:

«Si nous ne reconnaissions pas ce principe, et tenions pour possibles l'affirmation et la négation simultanées, alors nous ne pourrions pas nous défendre contre les déclarations fausses ou mensongères d'autrui. Une personne faussement inculpée de meurtre ne trouverait aucun moyen de démontrer son innocence devant un tribunal. Tout au plus pourrait-elle produire la preuve qu'elle n'a commis aucun meurtre; mais cette vérité négative ne peut expulser du monde celle, positive, qui la contredit, si le principe de contradiction n'est pas valable. Qu'il se trouve donc un seul témoin qui, sans reculer devant le parjure, charge du meurtre l'accusé, alors sa fausse déclaration ne peut d'aucune façon être réfutée et l'accusé est perdu sans remède. On voit ainsi que la nécessité de reconnaître le principe de contradiction est un signe de l'imperfection intellectuelle et éthique de l'homme. Mais c'est là un fait capable, beaucoup plus que n'importe quoi d'autre, de susciter et de justifier notre défiance à l'égard de la valeur logique de ce principe»3.

Il est, certes, permis d'imaginer des systèmes logiques qui prendraient pour point de départ d'autres axiomes que le PNC. Mais le même