Réflexions sur la présence

comme signe d'immortalité,

d'après la pensée de Gabriel Marcel

Le treize septembre 1973 j'ai eu le plaisir et le privilège d'avoir une conversation de deux heures avec Gabriel Marcel. Il ne s'agissait pas d'un premier entretien. En 1958 j'ai fait la connaissance de Gabriel Marcel à Louvain, et je considère cette rencontre comme un des privilèges de ma vie philosophique. Depuis sa visite à Le Moyne College en 1965 je crois pouvoir dire, sans trop d'audace, qu'un véritable lien d'amitié nous unissait. J'ai parlé dans un autre article, des thèmes et du ton de cette conversation. Trois semaines plus tard, de retour aux États-Unis, j'appris avec tristesse que Gabriel Marcel était décédé le 8 octobre 1973.

Lors de notre dernière conversation, il était frappant de voir comme certains thèmes apparaissaient et réapparaissaient : ses préoccupations à l'égard de ceux qu'il aimait et qui étaient passés au delà de la mort, ses réflexions sur le fait que la vie immortelle devrait s'envisager comme une continuation d'engagements et de créativité puisque ces traits relèvent de l'essentiel de la vie, son idée d'une vie dans la lumière de Dieu et son assurance qu'un lien spirituel qui s'est noué ne serait pas rompu. Ces pensées touchent de façon si intime la trame de la vie humaine, que ses paroles étaient très émouvantes au moment même où il les prononçait. Avec sa mort, la portée de ces paroles semble prendre une signification nouvelle, car ces perspectives de réflexion rejoignent un thème central et fécond dans la pensée de Gabriel Marcel, à savoir celui de la mort et de l'immortalité.

Les pages qui suivent sont un humble témoignage envers une personne qui a si largement enrichi la compréhension et l'appréciation de l'homme du vingtième siècle. Le thème que nous allons considérer est celui de l'immortalité envisagée dans la perspective de l'amour et de la présence intersubjective. Comme ce thème est essentiel dans la réflexion existentielle de Marcel, nous espérons que ces pages aideront à mieux pénétrer sa pensée à ce sujet et qu'elles contri-