La physicothéologie
de F«Allgemeine Naturgeschichte
und Théorie des Himmels» (1755)
Développée pour la première fois dans Y Einzigmôgliche Beweis- grund zu einer Demonstration des Daseins Gottes (1763), la critique kantienne de la physicothéologie a été rendue célèbre par la Critique de la raison pure. Il nous arrive cependant d'oublier qu'au tout début de sa carrière, dans VAllgemeine Naturgeschichte und Théorie des Himmels (1755), Kant s'était fait le défenseur d'une physicothéologie à la fois originale et surprenante. Nous en proposons aujourd'hui une interprétation et une critique.
Nos positions seront les suivantes :
1) en 1755, Kant prétend prouver l'existence d'un Dieu créateur à partir de la finalité comprise comme harmonie entre le mécanisme (*) de la nature et l'utilité ou l'avantage de l'être raisonnable;
2) ce succès physicothéologique n'est rendu possible que dans la mesure où il dissimule ce que nous appellerons une théophysique.
Nous tenterons de les justifier par le biais d'une confrontation entre la physicothéologie de YAllgemeine Naturgeschichte et trois attitudes dont elle se veut le refus : celle du défenseur traditionnel de la religion, celle de Newton, celle d'Épicure (2).
(*) Nous n'employons pas le terme < mécanisme » au sens cartésien, au sens où le mécanisme s'oppose au dynamisme. La matière kantienne n'est pas inerte, ne se ramène pas à l'étendue, mais est aussi force d'attraction-répulsion. Nous entendons par « mécanisme » une explication du conséquent par l'antécédent. C'est d'ailleurs toujours en ce sens que Kant emploie le terme « mécanisme » dans VAllgemeine Naturgeschichte.
(2) Nous citons Kant d'après l'édition de l'Académie de Berlin (KGS). A moins d'avis contraire, toute traduction et tout souligné sont de nous.
