Amitié, attirance et amour chez S. Thomas d'Aquin'

La Somme théologique contient deux traités substantiels sur l'amour: le De amore2 et le De caritate3. Tous deux concernent l'amitié (amicitia), dans un sens qui reste à déterminer. En effet, quand il parle de l'amitié, S. Thomas utilise un vocabulaire extraordinairement riche, évoquant à la fois l'union réelle et affective entre amis, la bienveillance, l'intimité, la réciprocité, l'égalité, l'appartenance mutuelle, la ressemblance et le partage des expériences de la vie. La grande richesse de ces concepts fait qu'il n'est pas toujours facile de saisir le sens de leur entrelacement. Ma tâche sera donc, en premier lieu, d'établir quel est, parmi les termes mentionnés, celui qui est fondamental, et de détecter les rapports qu'il entretient avec les autres. Ceci dit, les mots que l'Aquinate utilise, tels que benevolentia, mutua inhaesio et communication avaient déjà un long passé dans l'histoire de la philosophie ou de la Révélation, et lui-même était bien conscient de ce fait. C'est pourquoi je tâcherai, dans un deuxième temps, de remonter vers les sources de la pensée de l'Aquinate et d'étudier les options qu'il a prises en lisant par exemple Aristote ou S. Augustin, de façon à déterminer l'originalité qui marque, selon moi, ses propres réflexions, par-delà les dettes évidentes qu'il avait contractées envers ses devanciers et qu'il tient d'ailleurs à signaler lui- même, en attirant l'attention de ses lecteurs sur ses sources. Ensuite, je tenterai de préciser la contribution personnelle qu'il a apportée au développement de la réflexion philosophique sur l'amitié. On sait, en effet, qu'inaugurée par Socrate et Platon, cette réflexion fut intensément poursuivie par Aristote, Epicure et les stoïciens, avant de passer dans le