Construction de modalités par des agents rationnels

Jean Sallantin,

Jacques Divol,

Patrice Duroux

et Jean Jacques Sczczéciniarz

0. Introduction

En Français, on distingue « langue » de « langage ». L'aspect du langage que nous retiendrons est celui d'être un système de communication élaboré par les hommes pour parvenir à échanger des informations. La langue est considérée ici comme une institution sociale durable (Lalande : 1 926), qui explicite les normes permettant aux hommes d'attribuer une signification aux expressions du langage. Parmi les fonctions d'une langue, nous retiendrons la capacité pour un individu de produire des opinions et des convictions et la capacité pour un groupe de les faire mûrir et évoluer vers un consensus (Jacques : 1979).

L'Intelligence Artificielle problématise langue et langage. Quand elle propose de nouveaux protocoles pour les communications entre les personnes et des entités autonomes (agents rationnels), son appréhension du langage se réalise en utilisant une appréhension logique et syntaxique du langage selon une démarche poursuivie par les logiciens dans la ligne des travaux d'Aristote. Et, quand elle fournit de nouveaux outils interactifs pour produire des informations ayant du sens pour une personne, son intervention sur la langue se fait selon une appréhension géométrique de la construction du sens des expressions à la manière de Platon, Descartes ou Leibniz. Dans cette étude, nous conjuguons les deux démarches de manière à appréhender une construction interactive de savoir lors de laquelle la progression du savoir se fait par la levée de paradoxes associés aux modalités épistémiques et déontiques.

Bien entendu, le traitement de l'information est profondément marqué par l'asymétrie de la relation au langage entretenue par l'homme et par la machine. En effet, l'homme a la capacité de nommer et d'ordonner les objets du monde. Aussi peut-il lever des paradoxes en approfondissant sa description du monde. La machine ne peut nommer et ordonner que les objets intervenant dans ses calculs. Cette asymétrie est comparable à celle existant entre l'écriture manuelle et l'imprimerie si on admet que l'imprimerie élimine beaucoup d'éléments signifiants pour l'homme. Les calculs introduisent davantage de syntaxe dans le traitement de l'information et donc ils obligent l'homme à juger de plus en plus de paradoxes provenant de la violation de la syntaxe. En laissant aux machines les manipulations syntaxiques, l'Homme doit se concentrer sur la supervision des informations dont il contrôle la portée dans son environnement.