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Penser la fiction

Fiction, existence et référence

Amie L. Thomasson
Traduction de Julie Ruelle

Résumés

L’article publié ici se propose d’emprunter une voie qui n’avait pas été empruntée dans les explorations précédentes de l’auteur. En effet, on verra qu’il s’agit ici de surmonter les difficultés auxquelles sont confrontées les théories réalistes de la fiction et en particulier la théorie artefactuelle dont Amie Thomasson est l’auteur.

La question principale s’édicte en ces termes : s’il y a des personnages de fiction, comment se fait-il qu’il nous soit naturel de dire que tel ou tel personnage n’existe pas ?  Comment rendre compte des affirmations de non-existence des personnages de fiction, en particulier lorsqu’on est un réaliste de la fiction ?

L’auteur confronte trois manières de traiter ces affirmations : l’approche par la quantification restreinte et l’approche linguistique et enfin l’approche des conditions d’application, point de vue auquel l’auteur se rallie. La première approche consiste à faire des restrictions spatiales ou catégorielles afin de cerner le champ de la référence. La seconde approche, qui est celle que les théoriciens de la référence directe emploient majoritairement, consiste à passer par le métalangage, c’est-à-dire de passer à un niveau sémantique supérieur. La dernière approche, celle par les conditions d’application, est construite sur les vertus des deux premières approches. Enfin, l’auteur élargira l’apport de cette dernière approche aux débats métaphysiques.

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Notes de la rédaction

Cet article est le résultat d’une conférence donnée à l’Université Lille 3 dans le cadre du séminaire Facta et Ficta, organisé par Claudio Majolino et soutenu par STL (UMR 8163) et la MESHS (USR 3185) (NdT)

Texte intégral

1En tant que réaliste en ce qui concerne les personnages de fiction, je maintiens qu’il y a des personnages de fiction tels que Meursault, Hamlet et Precious Ramotwe. Cela ne consiste bien sûr pas à dire qu’il y ait (ou qu’il y ait jamais eu) de tels gens, pas plus ici que dans un « monde fictionnel » modalement ou spatialement lointain. Les personnages de fiction, à mon avis, sont un type particulier d’artefacts abstraits, créés dans le processus de narration des œuvres de fiction, et pas très différents d’autres créations culturelles abstraites telles que les lois, les contrats, et même les histoires (Thomasson, 1999, 2001, 2003).

  • 1  La théorie artefactuelle des fictions défendue par Amie Thomason propose de traiter les objets fic (...)

2Les positions réalistes concernant la fiction ont visiblement certains avantages par rapport à celles qui répètent sans cesse que tout discours sur les personnages de fiction implique le faire-semblant et le manque de référence, car elles nous permettent de prendre au sérieux des affirmations du type « Meursault est la plus célèbre des créations de Camus », « Hamlet a été inspiré par un personnage du XVIème siècle », ou que « Precious Ramotswe apparaît dans sept romans ». Ailleurs, j’ai argumenté en faveur de la théorie artefactuelle1, en raison du fait qu’elle nous permet de donner une explication souple et faiblement “révisionniste” du discours fictionnel, et que nous semblons négocier de toute façon avec de telles entités – elles sont (comme je l’ai soutenu dans Thomasson 1999, 2003a, 2003b) relatives « au moins » à des entités telles que les histoires. De plus, j’ai essayé de désamorcer tous les arguments habituels utilisés pour nier l’existence des personnages de fiction, de la peur des contradictions à la prodigalité ontologique.

3Mais dans cet article il ne s’agira pas de défendre la théorie artefactuelle, ni même de discuter les détails de son fonctionnement. Je vais plutôt m’intéresser, tout simplement, à ce qui est généralement considéré comme le plus sérieux des problèmes auxquels la théorie artefactuelle des fictions (ainsi que d’autres théories réalistes) doit faire face : s’il y a des personnages de fiction, comment se fait-il qu’il nous est naturel de dire que Meursault, Hamlet, et Ramotswe n’existent pas ? En faisant ainsi, j’espère montrer comment la solidarité entre les différentes parties de la théorie [artefactuelle] permet de prouver sa capacité à surmonter de telles difficultés apparentes.

4Je vais commencer par reconsidérer les problèmes posés par le traitement des assertions existentielles qui contiennent des noms fictionnels, et montrer que la question est encore plus compliquée que ce que les critiques de la position artefactuelle laissent entendre, et qu’en réalité, la plupart des théories standards de la fiction ont du mal à surmonter pleinement de telles difficultés. Ensuite, dans les deuxième et troisième parties, j’examinerai d’abord deux manières de traiter les existentiels négatifs contenant des noms fictionnels, l’approche par la quantification restreinte et l’approche métalinguistique, en mettant en évidence à la fois leurs avantages et leurs inconvénients. Dans la quatrième partie, je présenterai une autre approche qui préserve les mêmes avantages que les deux premières : l’approche par les conditions d’application. Je soutiendrai que celle-ci peut surmonter un certain nombre d’objections, et qu’il ne s’agit pas d’un simple remaniement sur mesurede la théorie réaliste, car non seulement elle s’accorde avec le réalisme fictionnel mais elle est essentielle pour le soutenir. Finalement, en conclusion, j’indiquerai l’importance, bien plus large, qu’une telle approche des questions d’existence joue pour la métaphysique. En conséquence, il se pourrait que le travail présent fasse plus que sauver les théories réalistes de la fiction : il pourrait nous donner une raison d’adopter une manière de traiter les assertions d’existence qui a d’importantes implications ailleurs en philosophie.

1. Les problèmes dans le traitement des assertions existentielles contenant des noms fictionnels

5On dit souvent que le traitement des assertions de non-existence vraies constitue la difficulté majeure des théories réalistes de la fiction (Walton 1990, 386 et 2003 ; Sainsbury[à paraître] ; Brock 2002, 2). Comme l’écrit Kendall Walton, « la vérité littérale  évidente » de phrases telles que « Le Grand Méchant Loup n’existe pas » et «  Le Père Noël n’existe pas » pose « un problème grave pour les théories réalistes » (2003, 242). Remarquons que ces exemples ne sont pas exactement de la grande littérature et n’auraient pas leur place dans des discussions littéraires ; il s’agit plutôt des cas de personnages d’histoires ou de mythes racontés aux enfants, et on imagine que les destinataires de telles assertions de non-existence sont des enfants déconcertés. Cela est important pour des raisons qui deviendront apparentes plus tard.

6En réalité, les problèmes qui entourent les assertions d’existence et de non-existence sont difficiles pour tout le monde – non pas seulement pour le réaliste en ce qui concerne les fictions. Les théories de la référence directe font face à des difficultés notoires lorsqu’elles admettent que toute assertion d’existence singulière pourrait être sensée et vraie (voir §2 ci-dessous), et même les théories du faire-semblant, comme celle de Walton, ne peuvent pas traiter « Le Père Noël n’existe pas » comme étant littéralement vrai – le faire-semblant, tel qu’il le décrit, est plutôt évoqué lorsque le locuteur est en train de jouer avec l’usage standard du [mot] « Père Noël », alors que celui-ci trahit immédiatement le faire-semblant lorsqu’il ajoute les mots « n’existe pas » (1990, 422 ff.).

7Les tenants de la logique libre négative (Sainsbury 2005 ; Burge 1974) peuvent traiter les assertions de non-existence qui contiennent des noms fictionnels comme étant littéralement vraies, et cela est un avantage important de ces théories. D’après eux (à condition qu’ils maintiennent que les noms fictionnels ne réfèrent pas), nous pouvons considérer les assertions de non-existence contenant des noms fictionnels comme vraies parce qu’elles sont simplement les négations des assertions d’existence, qui sont fausses en raison de leur manque de référence. Cependant ils [scil. les tenants de la logique libre négative] se trouvent devant un tout autre problème, qui nous montre justement combien il est compliqué de traiter proprement les assertions d’existence et de non-existence qui contiennent des noms fictionnels. Car même si dans beaucoup de contextes, les assertions de non-existence contenant des noms fictionnels semblent manifestement vraies, dans d’autres elles semblent être fausses.

8Les contextes dans lesquels ces assertions – comme celles citées par Walton – semblent être vraies sont ceux dans lesquels nous détrompons des gens troublés (souvent des enfants) qui pensent à tort qu’il y a des gens (ou des animaux) tels qu’ils sont décrits dans les histoires ou dans les mythes. Dans des cas moins extrêmes, nous pouvons utiliser les assertions de non-existence qui contiennent des noms fictionnels pour rappeler aux gens que ce qu’ils ont appris en lisant des fictions pourrait ne pas se reporter à la réalité ou pour justifier des assertions qui portent sur le monde réel. Si, par exemple, une jeune fille qui voudrait rejoindre une équipe de sport mixte cite la joueuse de Quidditch Angelina Johnson comme un exemple de réussite, on pourrait dûment lui rappeler que « Angelina Johnson n’existe pas ».

  • 2  Il s’agit d’un jeu de mot : en anglais le mot « Fake » veut dire faux,“bidon”, si bien que, en fra (...)

9Mais nous pouvons aussi faire des assertions de non-existence (et d’existence) au sujet des personnages de fiction dans le contexte des discussions critiques qui portent explicitement sur les œuvres littéraires et leurs contenus. Supposons, par exemple, que nous soyons en train de discuter des mérites de Dickens en tant que romancier, et que je vous dise qu’il ne m’intéresse pas, car tous ses personnages sont de simples clichés (cardbox cut-outs). « Non », répondrez-vous, « vous oubliez Miss Fakenham dans Notre Ami Commun, qui est esquissée avec une telle profondeur psychologique qu’elle devance de loin n’importe lequel des personnages de Jane Austen ». Je me dédis, admettant avoir oublié une bonne partie de cet interminable tome, et promets de le relire. Mais lorsque je le fais, je découvre que vous m’avez seulement fait marcher : Miss Fakenheim n’existe pas2.

10Ou encore, imaginez que je sois en train de chanter les louanges des séries de livres de Harry Potter, et que vous dites « Ils sont très bien, mais n’est-ce pas une honte que de nos jours et à notre époque il n’y ait toujours pas un seul personnage noir dans une telle série de livres éducatifs pour enfants ? ». « Ce n’est pas vrai », insistè-je, « il y a Angelina Johnson ». Dans ce contexte (à la différence du précédent) un interlocuteur dubitatif qui dirait : « Tu es en train de l’inventer. J’ai lu les Harry Potter, et il n’y a pas un tel personnage ; Angelina Johnson n’existe pas », affirmerait quelque chose de faux, comme cela peut être établi en lisant les histoires.

11En bref, traiter les assertions de non-existence contenant des personnages de fiction n’est pas facile : dans certains cas (dont les plus évidents sont le Père Noël ou le Grand Méchant Loup) elles sont clairement vraies ; dans d’autres cas (ceux qui peuvent être évoqués dans les discussions des historiens de la littérature, ou dans des sites web de fans inconditionnels) elles sont fausses. Le vrai défi sérieux est de trouver une manière de lire les assertions d’existence et de non-existence qui peut, pour ainsi dire, rendre compte des deux côtés de l’histoire.

2. L’approche par la quantification restreinte

12Le fait que les assertions d’existence contenant des noms fictionnels puissent être vraies dans certains cas (où l’intention est d’affirmer que certains personnages existent) et fausses dans d’autres (où l’intention est d’asserter qu’il y a de telles personnes) nous suggère tout naturellement l’idée selon laquelle ces derniers cas sont concernés par une forme de quantification restreinte. Et d’ailleurs la position selon laquelle, en dépit du fait qu’il y ait des personnages de fiction, les assertions de non-existence contenant des noms fictionnels peuvent néanmoins être vraies, pourvu que l’on restreigne tacitement la quantification par exemple aux gens, ou aux choses réelles – alors que si l'on considère qu’elles quantifient d’une manière non restreinte, elles sont alors fausses (puisque il y a de tels personnages de fiction) –, a été très répandue parmi les réalistes.

13Ainsi, par exemple, Terence Parsons écrit : « Dans les échanges linguistiques ordinaires où l’on discute d’une variété limitée de choses, aussi bien le locuteur que l’auditeur prennent les noms communs qu’ils utilisent comme étant implicitement restreints à ces choses […] » (1982, 366). En suivant Parsons, j’ai adopté cette stratégie dans ma défense initiale de la théorie artefactuelle (1999, 112-113), et je pense toujours que la stratégie de la quantification restreinte est à plusieurs égards la bonne voie pour nous aider à comprendre comment les assertions d’existence contenant des noms fictionnels peuvent être vraies dans certains cas et fausses dans d’autres. Bien que ce ne soit plus ma manière préférée de traiter les assertions de non-existence, je reviendrai dans la discussion sur des liens de continuité importants entre mon ancienne position et celle que je défends ici.

14Kendall Walton a soutenu, cependant, que l’approche par la quantificationrestreinte ne peut pas rendre compte de manière satisfaisante de la vérité des assertions de non-existence qui contiennent les noms fictionnels. Walton admet que les assertions « Il n’y a pas de bière » et « Il n’y a pas de guépards » peuvent naturellement être comprises comme engagées dans une quantification restreinte, si bien que (si on le comprend ainsi) elles peuvent être vraies, pourvu que, par exemple, la première soit restreinte au contenu de notre réfrigérateur et la seconde aux résidents du Zoo de Taronga, alors que les versions non restreintes de ces assertions seraient fausses.

15Mais, poursuit-il, alors que les assertions autour de ce qu’« il y a » acceptent naturellement de telles restrictions, les assertions explicitement formulées en termes d’existence ne se laissent pas construire si facilement de la même manière:

« Ce n’est qu’avec un effort considérable – et encore… – que je peux entendre [la phrase] "Les guépards n’existent pas" comme disant qu’aucun des animaux du Zoo de Taronga n’est un guépard (…) elle est presque inévitablement comprise comme disant qu’il n’y a pas de guépards du tout, même si le sujet de la conversation est le zoo et ses propriétés »  (2003, 241).

16Telles que les décrit Walton, les assertions au sujet de ce qui existe (comme opposées aux assertions au sujet de ce qu’il y a) sont naturellement comprises comme faisant tomber toute restriction implicite de la portée du quantificateur. S’il en est ainsi, alors, bien que les réalistes, à propos des personnages de fiction, puissent lire d’une manière plausible une assertion comme « Il n’y a pas de Père Noël » comme étant vraie en raison de sa quantification restreinte, il en va tout à fait autrement d’assertions comme « Le Père Noël n’existe pas » ou « Le Grand Méchant Loup n’existe pas ». Lire ces assertions de non-existence comme étant soumises à une restriction implicite de la quantification aux gens et aux animaux (plutôt qu’aux personnages de fiction) serait ainsi, insinue Walton, une manière artificielle et insatisfaisante d’essayer de rendre compte de leur vérité.

17Il vaut la peine de noter, cependant, que les restrictions que Walton évoque pour rendre compte de la vérité de « Il n’y a pas de bière » et « Il n’y a pas de guépards » sont d’un genre différent par rapport à celles auxquelles recourrait un réaliste des fictions pour rendre compte de la vérité de « Il n’y a pas de Meursault ». Alors que celles-là introduisent des restrictions locales, spatiales (par exemple, au fait qu’il y ait de la bière par ici), celles-ci semblent introduire des restrictions catégorielles (par exemple aux personnes plutôt qu’aux personnages de fiction). Même si le fait de parler de ce qui existe plutôt que de ce qu’il y a implique naturellement d’abandonner des restrictions du premier type, il est moins sûr que cela puisse écarter les restrictions du deuxième type. Je ne défendrai pas ici la thèse de la quantification restreinte en tant que telle, mais seulement l’idée selon laquelle c’est le type d’entité à laquelle les locuteurs ont l’intention de se référer qui fait toute la différence au niveau des valeurs de vérité des assertions d’existence contenant des noms fictionnels.

3. L’approche métalinguistique

18Pour éviter d'être accusé d’avoir concocté une solution artificielle et sur mesure au problème, le mieux serait de chercher une manière de comprendre les assertions de non-existence qui contiennent des noms fictionnels comme une partie d’une étude plus générale portant sur la manière dont il faudrait lire les assertions d’existence et de non-existence. Mais on ne trouvera pas ici plus de facilité.

  • 3  Même si ce « traitement » est explicitement présenté comme une simple étude des conditions de véri (...)

19Lorsqu’il s’agit de dire comment des assertions singulières de non-existence peuvent être sensées et vraies, il est bien connu que les théories de la référence directe se trouvent face à un problème : si de telles assertions semblent sensées, c’est que le terme singulier doit être référentiel, ce qui rend l’assertion de non-existence fausse. La stratégie classique choisie par les théoriciens de la référence directe pour contourner cette difficulté est le passage au métalinguistique. Ainsi, par exemple, Keith Donnellan a soutenu que les théoriciens de la référence directe devraient traiter les assertions de non-existence comme ayant les conditions de vérité suivantes3 :

Si N est un nom propre qui a été utilisé dans des affirmations prédicatives avec l’intention de référer à un individu quelconque, alors « N n’existe pas » est vrai si et seulement si l’histoire de ces utilisations se termine par un bloc. (1974, 25)

20Mais qu’est-ce qu’un bloc ? Dans la formulation de Donnellan, la chaîne d’utilisation du nom se termine par un « bloc » quand, par exemple, elle se termine par l’introduction d’un nom par une erreur, un acte d’imagination, une œuvre de fiction, etc. (1974, 23-4).

21Cette solution nous permet ainsi de dire pourquoi des assertions telles que « Meursault n’existe pas » et « Le Grand Méchant Loup n’existe pas » sont vraies, car on peut faire remonter les usages de ces noms à leur introduction dans des œuvres de fiction. Et puisqu’elle porte explicitement sur des assertions autour de ce qui existe ou n’existe pas (à l’opposé des assertions autour de ce qu’« il y a »), les objections comme celles de Walton ne s’y appliquent pas. 

22Mais la seule solution métalinguistique n’est manifestement pas compatible avec le réalisme concernant les personnages de fiction, car, si nous admettons que les chaînes d’usage des noms se terminent par un bloc à chaque fois qu’elles se terminent par l’introduction d’un nom dans une œuvre de fiction, alors toute assertion de non-existence exprimée utilisant un nom fictionnel finit par être vraie. Étant donnée cette uniformité, la seule perspective métalinguistique n’arrive pas non plus à relever le défi proposé au départ : si nous prenons les assertions singulières de non-existence comme étant vraies à chaque fois que la chaîne d’usage du nom remonte à l’introduction du nom dans une œuvre de fiction, alors nous ne pouvons pas admettre que les assertions de non-existence qui contiennent des noms fictionnels puissent jamais être fausses (alors que les assertions d’existence correspondantes sont vraies). Mais comme je l’ai dit plus haut, dans le contexte des discussions littéraires (qui portent par exemple sur l’existence d’obscurs personnages, mise en cause par l’une des positions), des assertions telles que « Angelina Johnson n’existe pas » peuvent être fausses. La seule approche métalinguistique ne distingue pas les cas dans lesquels les assertions de non-existence contenant des noms fictionnels semblent être vraies de ceux dans lesquels elles semblent être fausses.

  • 4  Merci à Mark Colyvan pour cette belle remarque.

23De plus, la manière dont Donnellan caractérise les situations qui résultent dans le bloc lui-même semble confuse et artificielle4. On dit qu’il y a un bloc quand le nom via une chaîne d’utilisation se termine par l’introduction d’un nom par une erreur, un acte d’imagination, une œuvre de fiction etc. (1974, 23-4). Mais on ne sait toujours pas ce que tous ces cas d’introduction de nom devraient avoir en commun (comment on devrait allonger la liste du « etc. » n’est pas clair du tout), et on semble négliger les discontinuités importantes établies entre l’introduction d’un nom par une erreur et l’entreprise explicite du faire-semblant dans une œuvre de fiction.

4. L’approche par les conditions d’application

24L’approche par la quantificationrestreinte s’était apparemment lancée dans l’idée que les assertions d’existence contenant les noms fictionnels peuvent être vraies ou fausses selon que les locuteurs ont l’intention de se référer à un personnage ou à une personne – s’ils ont l’intention de se référer à une personne, l’assertion de non-existence contenant le nom fictionnel semble être vraie ; lorsqu’ils ont l’intention de se référer exclusivement à un personnage de fiction, l’assertion semble être fausse.

25Pour préserver cette différence, nous devons, semble-t-il, reconnaître que les intentions du locuteur jouent un rôle pour déterminer si oui ou non le terme est référentiel, et donc pour fixer les conditions de vérité des assertions existentielles qui utilisent ces termes. C’est une idée que j’ai soutenue ailleurs (et je ne suis pas la seule). Car les problèmes avec le traitement des différences dans les valeurs de vérité apparentes des assertions de non-existence contenant des noms fictionnels ne sont qu’un symptôme du besoin de modérer les théories de la référence directe pure, en acceptant l’idée que nos termes ont un certain type de contenu conceptuel très élémentaire.

  • 5  Sur le débat autour du problème de l’en tant que tel, voir Devitt et Sterelny (1999).

26Le problème dans sa forme la plus générale est celui de l’en tant que tel (the qua problem)5, qui, en gros, consiste à dire que l’appel aux seules relations causales laisse radicalement indéterminé le fait de savoir si les termes réfèrent, et, le cas échéant, à quelles choses ils réfèrent, à moins de mettre en jeu le rôle discriminant des intentions référentielles du locuteur. Le problème surgit notamment lorsqu’il s’agit de fonder la référence, car un locuteur qui tente de fonder la référence d’un terme est toujours en contact causal avec tout un tas de choses, ne serait-ce qu’avec ses vêtements, la lumière du soleil, ou le sol où il se pose. Mais alors, comment le fondement d’une référence peut-il jamais faire défaut, et un terme manquer de référence ?

  • 6  Nom littéralement intraduisible à moins de proposer une longue paraphrase (« la petite chose migno (...)
  • 7  Comme je l’ai soutenu ailleurs (2007), afin d’établir des distinctions parmi les nombreuses variét (...)

27D’une manière informelle, la réponse me semble être la suivante : si, par exemple, un locuteur tente de fonder la référence du nom « Squeaky »6 comme le nom de la souris qui est derrière le mur, alors que la cause du bruit qu’il entend n’était autre qu’un court-circuit dans le système électrique, le nom « Squeaky » n’a pas de référence (y compris au mur ou au fil électrique), puisqu’il n’y a rien auquel le locuteur soit causalement relié qui est du type auquel il avait l’intention de se référer. Il nous faudrait donc admettre que nos termes, y compris les noms, se présentent comme étant associés avec au moins des conditions d’application très élémentaires, conditions qui doivent être remplies si l’on veut réussir à fonder le terme, et donc s’il faut que celui-ci se réfère à quoi que ce soit.7

28Bien sûr, même les plus purs tenants de la théorie causale admettent souvent que le contenu conceptuel puisse jouer un rôle dans la fondation de la référence d’un terme – par exemple quand il faut référer « Smith » à « l’homme dans le coin avec son verre de martini » –, mais ils maintiennent qu’un tel contenu conceptuel a un rôle à jouer seulement lorsqu’il s’agit de fixer la référence du terme. Si bien que, même si la personne debout dans le coin était par exemple une femme qui boit de l’eau dans un verre à cocktail, le nom « Smith » pourrait tout de même réussir à garder sa référence.

29Mais ce n’est pas de ce type de contenu conceptuel, n’ayant de rôle à jouer que dans la fixation de la référence de nos termes, dont il question ici. Le point est ailleurs : dans notre cas, pour qu’il puisse jouer son rôle, le contenu conceptuel ne doit pas simplement déterminer à quel individu on se réfère (par exemple, laquelle des personnes présentes à une fête), il doit plutôt déterminer si le terme réussit à être fondé, et donc s’il a une référence ou pas. Visiblement, si « Squeaky » manque de référence (alors que « Smith » en a une), c’est qu’il n’y a absolument rien qui appartienne à l’espèce ou au type de base d’objet auquel le locuteur avait l’intention de se référer – à savoir, vraisemblablement, un animal. Car derrière le mur il n’y a que des câbles électriques, des planches en bois, et de la poussière. Dans la mesure où les conditions d’application du terme spécifique auquel on a l’intention de se référer (« animal ») ne sont pas remplies, le nom « Squeaky » manque de toute référence. Ces conditions d’application sont ainsi partie intégrante des critères conceptuels associés au nom, et non des simples fixateurs de référence.

  • 8  Je ne trancherai pas ici la question de savoir si oui ou non des locuteurs peuvent introduire des (...)
  • 9  Elles jouent à peu près le même rôle que les intentions-A dans l’approche de la sémantique bi-dime (...)

30Les conditions d’application permettent aux locuteurs qui comprennent le sens d’un terme de dire, à propos de situations hypothétiques diverses, si celles-ci peuvent être des situations où le terme est susceptible d’être appliqué et donc où on pourrait fonder la référence du terme. En d’autres termes, elles déterminent les conditions d’existence de base pour les choses (s’il y en a…) auxquelles on se réfère.8 Ces conditions d’application extrêmement générales sont les conditions qui sont conceptuellement déterminantes pour établir si un terme s’applique ou peut être réappliqué à la même chose9. Elles peuvent être plutôt vagues, et elles peuvent aussi se rapporter au monde en différentes manières dans le but d’en extraire l’ensemble des critères d’application et ré-application empiriquement déterminants. Donc, par exemple, alors que le fait d’être vivant peut être un critère conceptuellement déterminant pour l’application du nom d’un animal, les conditions chimiques précises nécessaires pour que quelque chose soit un être vivant (et donc pour que le nom puisse être appliqué) sont laissées à la découverte empirique.

31En tous cas, si nous acceptons une telle idée hybride de la référence, nous avons une raison de modifier aussi la proposition de Donnellan au sujet des conditions de vérité pour les assertions de non-existence. Selon sa formulation originale, un bloc surgit quand la chaîne d’utilisation du nom se termine par l’introduction du nom par une erreur, un acte d’imagination, une œuvre de fiction, etc. L'idée même que des blocs surgissent quand des chaînes d’utilisation du nom se terminent par des erreurs, cependant, accrédite déjà tacitement l'idée que l'existence ou non d'un bloc dans une chaîne donnée d’utilisation d’un nom dépend des intentions du locuteur, car le fait que les premiers locuteurs commettent ou non une erreur dépend du type d’entité à laquelle ils avaient l’intention de se référer. Si ceux qui utilisent le nom « Squeaky » ont juste l’intention de se référer à un mur, leur usage ne bute pas sur un bloc et peut donc établir une référence ; s’ils ont l’intention de se référer à un animal, ils commettent une erreur et leur usage bute sur un bloc.

32L’idée plus générale de bloc consiste en ceci : un bloc surgit là où la chaîne d’utilisation du nom ne peut pas remonter à une fondation propre. Mais alors, en raison de ce qu’on vient de dire, le fait d’être un bloc dépend de ce à quoi les premiers locuteurs (qui utilisaient le nom de façon prédicative) avaient l’intention de référer leur terme. Plus précisément, nous pouvons dire qu’une histoire des usages se termine par un bloc seulement si les conditions d’application que ces premiers locuteurs associaient au terme n’étaient pas remplies dans une situation de fondation.

33Mais si c’est ainsi, d’une manière générale, qu’il faut comprendre proprement la naissance d’un bloc, alors nous devons rejeter le reste de ce que Donnellan dit des blocs : faire remonter la chaîne d’utilisation du nom à l’introduction du nom, par exemple, dans une œuvre de fiction ne la fait pas nécessairement se terminer dans un bloc. Car si par leur usage du nom les premiers locuteurs avaient juste l’intention de se référer à un personnage de fiction, alors il n’y a pas d’erreur ; si bien que si leur utilisation du nom remonte au moment où celui-ci a été introduit par certains types d’usage au sein des œuvres de fiction, alors, de ce fait, les conditions d’application associées à l’usage du nom sont satisfaites.

34En bref, ce qu’on peut considérer comme un « bloc » peut visiblement varier en fonction des conditions d’application que les premiers locuteurs déterminants (dont les usages sont dénoncés par celui qui énonce l’assertion de non-existence) associaient au terme. S’ils avaient l’intention d’appliquer le nom seulement à une personne, alors faire remonter le nom à son introduction dans la fiction montre que la chaîne se termine par un bloc. D’un autre côté, s’ils voulaient se référer à un personnage de fiction, faire remonter le nom à son introduction dans une œuvre de fiction n’est pas un bloc (bien au contraire, cela prouve que l’assertion de non-existence est fausse, à condition que tout ce qui fait qu'il y aît un personnage de fiction est l'existence d'une œuvre de fiction de référence dans laquelle le nom est proprement introduit) alors que faire remonter le nom à quelqu’un qui fait une erreur (ou essaie de duper les autres à son sujet) à propos des contenus d’une œuvre de fiction serait un bloc.

35Comme un nom peut être utilisé avec différentes conditions d’application en tête, nous devons reconnaître cette relativité dans le traitement des assertions d’existence. Quelqu’un qui énonce une assertion de non-existence est en train de critiquer implicitement les usages passés du nom (qui manquent d’un fondement propre). Les conditions de vérité d’une assertion d’existence varient en fonction de l’éventail d’usages préalables du nom (des conditions d’applications qu’il présuppose) présupposés par la critique de celui qui énonce l’assertion de non-existence. En conséquence, la suggestion originale de Donnellan peut être modifiée comme suit :

Si N est un nom propre qui a été utilisé dans l’éventail d’énoncés prédicatifs présupposés avec les conditions d’application associées C, alors « N n’existe pas » est vrai si et seulement si l’histoire de ces utilisations ne remonte pas à une fondation dans laquelle les conditions C sont remplies.

36Les conditions d’application d’un nom de personnage sont satisfaites par le fait qu’il y ait un certain usage du nom dans une œuvre de fiction littéraire (cf. Thomasson 2001), alors que les conditions d’application d’un nom de personne ne le sont pas, et cela nous permet de distinguer les assertions de non-existence contenant des noms fictionnels vraies de celles qui sont fausses par le biais des conditions d’application associées avec les usages préalables présupposées par le nom.

37Il n’y a pas de rupture entre cette approche et les deux positions étudiées plus haut.

381) Elle préserve visiblement la position métalinguistique de Donnellan, qui considère les assertions de non-existence comme vraies seulement si l’histoire des utilisations en question se termine dans un bloc. Mais elle en modifie la manière de concevoir ce qu’est un « bloc » : on tombe sur un bloc à chaque fois que les conditions d’application associées par les locuteurs originaux ne sont pas remplies dans la situation ou les situations de fondation. Et puisque, selon cette idée, ce que l’on peut considérer comme un bloc peut varier selon les différentes conditions d’application (présupposées par celui qui énonce l’assertion de non-existence) que les premiers locuteurs ont associées au terme, nous sommes maintenant en mesure de rendre compte des variations contextuelles dans les valeurs de vérité apparentes des assertions de non-existence énoncées en utilisant les noms fictionnels, en fonction de ce à quoi les premiers locuteurs avaient l’intention de se référer, à une personne ou à un personnage de fiction.

392) Elle prolonge aussi l’idée familière venant de l’approche par la quantification restreinte, selon laquelle les assertions de non-existence vraies qui contiennent des noms fictionnels nient implicitement l’existence de toute personne (ou animal) de la sorte. Sauf que maintenant cette idée n’est plus à prendre comme si elle allait proposer que les assertions de non-existence vraies contenant des personnages de fiction exigent une restriction du quantificateur (qui porterait seulement sur les personnes), alors que les assertions de non-existence fausses contenant des personnages de fiction laissent le quantificateur « grand ouvert ». L’idée est plutôt que les assertions existentielles en général (qu’elles soient positives ou négatives) présupposent toujours, au moins implicitement, certaines conditions d’application qui spécifient ce qu’il faudrait pour que le terme en question soit appliqué, et qu’elles peuvent avoir une valeur de vérité seulement dans la mesure où de telles conditions sont présupposées. Les conditions d’application pour les termes de personnes et celles pour les termes de personnages de fiction ne sont pas les mêmes, elles fournissent des conditions de vérité différentes, qui varient en fonction du fait qu’on a l’intention d’utiliser le terme pour se référer à une personne ou à un personnage.

5. Objections et réponses

40Parce qu’elles prennent les noms comme des marques dépourvues de sens, simplement mentionnés dans les assertions de non-existence, les positions métalinguistiques ont prêté le flanc à de nombreuses critiques, dans la mesure où elles représentent d’une manière inadéquate ce sur quoi portent nos assertions de non-existence, ou ce qu’il faut pour les comprendre. Dans la mesure où l’idée défendue ici repose sur l’approche métalinguistique, on pourrait penser qu’elle souffre des mêmes défauts.

  • 10  Une telle objection à l’égard de Donnellan pourrait cependant apparaître quelque peu injuste, dans (...)

41Une objection commune à l’égard de la position métalinguistique est que, comme le dit David Braun, ces assertions semblent « porter sur l’existence d’un individu », alors que la position métalinguistique les présente comme si elles portaient « sur des mots et des relations sémantiques, bien qu’elles ne semblent pas non plus les citer » (Braun 1993, 455).10

42Mais l’idée proposée ne consiste pas à dire et elle n’implique pas non plus que les assertions d’existence portent sur des mots et des relations sémantiques ; elle se limite à affirmer que leurs valeurs de vérité peuvent être formulées en termes d’assertions qui portent sur les premiers usages et le contenu conceptuel du terme, c’est-à-dire sur les conditions d’application de celui-ci et sur le fait que de telles conditions soient remplies ou pas. Certes, les assertions d’existence (et de non-existence) sont formulées dans la langue-objet, en utilisant le nom en question, et c’est précisément pour cela, en un sens, qu’elles semblent porter « sur le monde ». Cependant, par de simples mouvements sémantiques, nous pouvons toujours monter et descendre du langage-objet au métalangage, de sorte que (si nous avons le nom pourvu de sens « Holmes », et que nous gardons son contenu conceptuel et l’historique de son usage comme déjà fixés) nous pouvons passer du métalangage – où l’on dit que « [Le nom] “Holmes”, tel qu’il est utilisé actuellement (avec ces conditions d’application), se termine par un bloc » – aux assertions de la langue-objet qui utilisent le même terme qui est cité dans les assertions du métalangage et qui ne perd pas le sens (et la tradition d’usage) fixé(e) – comme dans la phrase « Holmes n’existe pas », qui utilise le même nom cité dans l’assertion du métalangage, mais (étant donné que cela s’ensuit trivialement de l’assertion de métalangage) dont la vérité est garantie par la vérité de l’assertion du métalangage. Selon cette idée, les assertions de non-existence sont juste les ombres dans le langage-objet des assertions qui portent sur des problèmes de référence, et elles en partagent aussi les conditions de vérité. Et cela est également une bonne chose, car, étant donné la possibilité de la montée sémantique vers le haut, nous pouvons formuler les conditions de vérité d’une assertion de non-existence dans le métalangage et éviter ainsi les problèmes qui surgissent notoirement quand on pense qu’il doit y avoir des objets non-existants pour que des assertions de non-existence puissent s’y référer et donc pour qu’elles puissent être vraies.

43De plus, si nous considérons non pas la forme superficielle des assertions de non-existence, mais les manières dans lesquelles celles-ci sont effectivement utilisées dans le discours, je pense qu’il n’est pas tiré par les cheveux de considérer que les assertions de non-existence sont des critiques implicites des usages précédents, en raison du fait que ceux-ci sont mal fondés. Car normalement, on énonce des assertions de non-existence comme « Holmes n’existe pas » seulement dans des contextes où l’on pense que quelqu’un a fait une erreur dans son utilisation préalable du terme – une erreur que nous cherchons à rectifier en énonçant les assertions de non-existence. C’est pourquoi les meilleurs exemples pour ceux qui sont intéressés par les assertions de non-existence vraies sont presque toujours, comme les exemples utilisés par Walton, des cas de noms tirés des mythes ou des histoires racontées à des enfants (troublés) – des cas comme « le Père Noël n’existe pas » et « le Grand Méchant Loup n’existe pas » – et non des négations de l’existence de personnages proprement littéraires.

44De plus, le fait que dans différents contextes, avec différents usages du terme présupposé, les valeurs de vérité des assertions de non-existence puissent varier montre que les assertions de non-existence font tacitement appel à certaines traditions d’usage d’un nom, avec l’idée de les dénoncer comme étant bâties sur une erreur. Et même, en faisant de telles assertions, nous utilisons souvent des guillemets sarcastiques à l’égard de l’usage en question duquel nous voulons nous désolidariser (par exemple : « Ton idole “Angelina” n’existe pas vraiment… »). Il paraît donc parfaitement raisonnable de penser que les assertions de non-existence sont des commentaires implicites des usages précédents des noms et que, en tant qu’assertions qui portent sur ces noms (sensés, employés correctement), elles en partagent les conditions de vérité.

45Mark Sainsbury montre que la position métalinguistique est confrontée au problème classique de savoir « si la phrase contenant un mot qui est cité mais non utilisé peut être comprise par quelqu’un qui ne comprend pas le nom, car comprendre [les assertions de non-existence] exige que l’on comprenne le nom ». Mais pour la position qui est celle que nous avons défendue plus haut ce problème est vite réglé, car celle-ci n’est ni présentée ni conçue comme solidaire de la tentative de préserver une théorie pure de la référence directe. Car pour nous les noms ne sont pas considérés comme de simples « marques dépourvues de sens » que les assertions de non-existence (proprement comprises) se limiteraient à citer. De même que, selon l’idée que j’ai proposée ci-dessus, comprendre une assertion de non-existence exige de comprendre quelle est l’histoire de l’usage du terme (avec quelles conditions d’application) qui a été critiquée, et donc, en ce sens, elle exige la compréhension du nom.

46Mark Sainsbury (dans un texte à paraître) a soulevé une autre objection importante qui s’applique plus directement à une approche comme la mienne. Il remarque que cette approche est motivée par la volonté de montrer que les problèmes apparents pour les théories réalistes de la fiction découlent tout particulièrement de l’idiome de l’« existence » (par exemple « Sherlock Holmes n’existe pas »), alors que ces mêmes théories n’ont aucune difficulté à expliquer la vérité d’assertions très proches comme « il n’y a pas une personne telle que Sherlock Holmes ». Mais le fait d’utiliser la stratégie de Donnellan modifiée pour rendre compte du sens dans lequel [1] « Sherlock Holmes n’existe pas » apparaît comme vrai ne nous permet pas de nous débarrasser d’autres bizarreries, puisque cela est « proche de la négation de » [2] « il y a quelque chose qui est Sherlock Holmes », alors que pour la théorie artefactuelle [2] est vrai, étant donné qu’il y a un artefact abstrait qui est Holmes (Sainsbury, à paraître, 11).

47Cette observation [de Sainsbury] est tout à fait intéressante et, correctement comprise, je pense qu’en réalité, elle renforce l’approche par la quantification catégorielle aux assertions d’existence qui veut que les termes singuliers utilisés dans les assertions d’existence doivent être associés avec certaines conditions d’application. L’assertion de non-existence [1] doit présupposer que les conditions d’application soient remplies seulement s’il y a une personne, et comme la chaîne d’utilisation du nom n’arrive pas à remonter jusqu’au baptême de la personne, l’assertion est vraie.

  • 11  Sainsbury soulève d’ailleurs d’autres problèmes intéressants à partir de l’étude d’assertions d’ex (...)

48Mais qu’en est-il de l’assertion quantifiée [2] : « il y a quelque chose qui est Sherlock Holmes » ? Sous quelles conditions les assertions quantifiées d’une manière simplement existentielle sont-elles vraies ? Une conséquence intéressante de l’approche hybride de la référence, que je discute en détail ailleurs (2008), est que des assertions quantificationnelles – telles les assertions d’existence faites en utilisant des termes singuliers – sont complètes et susceptibles d’avoir une valeur de vérité seulement dans la mesure où on établit si certaines conditions d’application sont remplies ou non. Car, comme l'on sait, les assertions de vérité ne sont complètes et susceptibles d’avoir une valeur de vérité que si l'on en précise le domaine de quantification. Mais en raison des problèmes de référence discutés ci-dessus, nous ne pouvons préciser véritablement le type de choses sur lesquelles porte le quantificateur que si nous utilisons des termes spécifiques qui nous permettent de déterminer le domaine : des termes dont l’utilisation est associée avec des conditions d’application de cadre-niveau (frame-level application conditions) (établissant les conditions sous lesquelles le terme est référentiel) et des conditions de co-application (établissant sous quelles conditions le terme peut être encore utilisé pour se référer à « la même chose »). Donc selon cette position, même si nous formulons une assertion d’existence dans une forme quantificationnelle, celle-ci présuppose implicitement une certaine espèce ou des espèces de choses sur lesquelles porte notre quantification, et elle n’est vraie que si les conditions d’application de l’une des espèces associées sont remplies. Il en découle que l’assertion quantifiée [2] « il y a quelque chose qui est Sherlock Holmes » est vraie si les catégories présupposées incluent celle des personnages de fiction (c’est le sens dans lequel le réaliste en ce qui concerne les personnages de fiction donne son accord). Mais étant donné que [2] fait appel à des espèces qui ne sont pas sollicitées par [1], [2] n’est visiblement pas la négation de [1]11.

49Un autre groupe d’objections à l’égard de mon approche s’appuie non pas sur l’idée que celle-ci n’est pas capable de démêler les fils du discours fictionnel, mais sur le fait qu’elle soit peu vraisemblable et plutôt artificielle. Kendall Walton choisit cette voie lorsqu’il refuse ma suggestion selon laquelle la stratégie de Donnellan dûment modifiée pourrait être utilisée pour traiter les assertions de non-existence impliquant les noms fictionnels. Il écrit :

Mais Donnellan introduit la notion de bloc précisément pour expliquer les échecs de la référence ; un nom dont la chaîne historique se termine par un bloc est un nom qui ne réfère à rien (Donnellan 1974, 22-30). Le réalisme de Thomasson la pousse à insister, inutilement, que, malgré le bloc, « Holmes » réfère à un personnage (2003, 240, n.4).

50Mais cette critique se fonde sur une mécompréhension de ma position ainsi que des raisons qui la soutiennent. Il faut comprendre, et cela est tout à fait crucial, que l’approche des assertions existentielles que j’ai soutenue ci-dessus est largement motivée par des facteurs qui sont indépendants de la théorie de la fiction : elle n’est pas arbitrairement attachée aux théories réalistes de la fiction mais elle est une partie intégrante de leur soutien ainsi que de leur défense.

51Premièrement, l’idée n’est pas qu’en dépit des blocs les noms comme « Holmes » se réfèrent à des personnages. D’ailleurs, si l’idée était que de tels termes réfèrent toujours aux personnages en dépit des blocs, en aucune manière je ne pourrais invoquer une stratégie comme celle de Donnellan pour rendre compte de tout sens dans lequel les assertions d’existence contenant des noms fictionnels pourraient être vraies ! Plutôt, l’idée est que ce que l’on considère comme un bloc varie en fonction des conditions d’application que les premiers locuteurs associaient au nom. Là où les conditions d’application présupposées ne sont pas remplies dans une situation de fondation, la chaîne d’utilisation du nom se termine par un bloc. Dans les cas où les premiers locuteurs avaient l’intention d’utiliser « Holmes » comme un nom de personne, la chaîne de référence se termine donc par un bloc, et l’assertion de non-existence est vraie (cf. Thomasson 2003b, 141). Mais si les premiers locuteurs avaient l’intention d’utiliser « Holmes » comme un nom de personnage, alors la chaîne de référence n’est pas bloquée, elle est proprement fondée sur certains usages du nom dans les œuvres de fiction littéraire.

52Deuxièmement, et c'est le plus important, permettre cette variation dans la manière de concevoir le « bloc » (et ainsi dans les conditions de vérité pour les assertions de non-existence) est loin d’être inutile. Comme je l’ai déjà soutenu ci-dessus, nous devons admettre cette sorte de variation afin d’expliquer les « deux côtés de l’histoire » concernant les assertions de non-existence impliquant les noms fictionnels, en distinguant les usages dans lesquels elles sont vraies de ceux dans lesquels elles sont fausses. Comme je l’ai déjà suggéré, cela est un défi que toute théorie qui veut rendre compte d’une manière intégrale du discours fictionnel se doit de relever. De plus, comme je l’ai dit plus haut, ces modifications sont de toute façon nécessaires pour nous permettre de régler le problème de l’en tant que et de rendre justice à l’idée que les blocs surgissent là où les chaînes d’usage des noms se terminent par une erreur (ou, plus précisément, par certaines sortes d’erreurs).

53Le point important à remarquer ici est le suivant : comment ces idées qui portent sur la fiction, l’existence et la référence tiennent-elles ensemble ? Ce n’est pas un hasard si cette approche particulière de la référence et des questions d’existence est jointe à une théorie réaliste de la fiction, et elle n’est pas introduite à la dernière minute pour sauver une théorie en difficulté. Ce sont plutôt les problèmes de compréhension du discours fictionnel qui nous donnent de bonnes raisons pour adopter l’approche des conditions d’application des assertions existentielles ainsi qu’une théorie hybride de la référence. Mais comme je l’ai souligné, ce n’est pas là la seule raison d’adopter de telles théories de la référence ; d’autres questions comme le problème de l’en tant que nous fournissent d’autres raisons indépendantes pour adopter une idée hybride de la référence. Une fois que l’on adopte l’approche par les conditions d’application aux assertions existentielles et la théorie hybride de la référence qui va naturellement avec elle, nous pouvons voir comment défendre une idée réaliste des personnages de fiction de l’objection la plus redoutable, selon laquelle une telle idée n’est pas capable d’expliquer en quel sens les assertions de non-existence contenant des noms fictionnels sont vraies. Nous pouvons le faire sur la base d'une théorie tout à fait générale et non par une modification ad hoc d'une autre approche par ailleurs correcte]

54De façon plus large, nous pouvons utiliser cette approche pour les assertions existentielles en comme base pour défendre le réalisme fictionnel lui-même (cf. Thomasson 2001, 2003b). Car si nous nous posons des questions d’existence en demandant à quelle catégorie d’entités le terme est censé se référer, et en regardant si les conditions d’application en question sont remplies dans la situation fondamentale, nous pouvons voir que le fait d’utiliser des noms d’une manière propre dans les œuvres de fiction littéraire suffit largement pour s’assurer que les conditions d’application pour les noms de personnage de fiction sont remplies. Et étant données les interrelations étroites entre ces idées, il est tout à fait incorrect de penser que la solution que j’ai proposée aux problèmes des assertions de non-existence soit artificielle et sur mesure ; l’approche par les assertions d’existence est à la fois motivée d’une manière indépendante, et intrinsèque à ma manière d’argumenter en faveur du réalisme concernant les personnages de fiction aussi bien que pour la défendre contre les objections.

6. L’importance plus vaste de l’approche des conditions d’application

55Si ce que l’on vient de dire est correct, alors le fait de remarquer les difficultés de lecture des assertions de non-existence dans les différents contextes a un intérêt qui va bien au-delà des théories de la fiction. Car cela peut nous aider à reconnaître la nécessité d’une approche différente de la compréhension des assertions d’existence en général – une approche qui a une grande importance pour nos théories du langage, et même pour comprendre et reconsidérer un grand nombre d’autres débats métaphysiques.

56Car la solution du traitement des assertions de non-existence est liée à l’idée générale que les assertions d’existence et de non-existence sont complètes et susceptibles d’avoir une valeur de vérité dans la mesure où elles sont associées à certaines conditions d’application de base qui contribuent à fixer l’espèce ou les espèces d’entités dont nous sommes en train de discuter l’existence. Cela nous donne une raison de penser que des assertions qui portent purement et simplement sur ce qui existe, ou sur le fait qu’il y a ou il n’y a pas une « chose » ou un « objet » dans une situation donnée, si la « chose » ou l’ « objet » en question ne sont pas (comme il est souvent proposé) utilisés dans des utilisations associées à des conditions d’application, sont des assertions mal formées et non susceptibles d’avoir une valeur de vérité. Comme les assertions qui portent sur le fait qu’il y a (ou il n’y a pas) certaines « choses » ou certains « objets » jouent un rôle central dans tous les débats en métaphysique, et notamment dans les débats autour de la composition et de la constitution matérielle, cela pourrait nous mener à réévaluer un nombre de débats centraux en métaphysique, insinuant que beaucoup d’entre eux se fondent sur des tentatives de réponse à des questions mal formulées et sans réponses possibles (voir Thomasson 2007 et 2007b). L’approche par les conditions d’application a ainsi un potentiel qui lui permet non seulement de soutenir une idée réaliste de la fiction, mais aussi de contribuer au diagnostic de ce qui ne va pas dans nombre de débats métaphysiques. Mais ceci est le sujet d’une autre histoire, beaucoup plus longue, et encore plus controversée.

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Bibliographie

Œuvres citées

Braun, David (2005). “Empty Names, Fictional Names, Mythical Names”, Nous 39, Question 4, p. 596-631.

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Parsons, Terence (1982). “Are there Nonexistent Objects?”, American Philosophical Quarterly 19, n°4, p. 365-371.

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Thomasson, Amie L. (2007 b). “Answerable and Unanswerable Questions”, paru dans David Chalmers, Ryan Wasserman, et David Manley, eds. Volume de Metametaphysics.

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Thomasson, Amie L. (2003b). “Fictional Characters and Literary Practices”, British Journal of Aesthetics 43, n°. 2 (Avril 2003), p. 138-157.

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Walton, Kendall (2003). “Restricted Quantification, Negative Existentials and Fiction”.  Dialectica 57, n°2 (2003), p. 239-242.

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Notes

1  La théorie artefactuelle des fictions défendue par Amie Thomason propose de traiter les objets fictionnels comme des artefacts abstraits, c’est-à-dire comme des objets créés par des actes de langage et dotés d’une existence à part entière bien que dépendante de l’existence d’objets de type spatio-temporel. En ce sens, elle s’oppose aux deux traitements ontologiques des objets fictionnels les plus courants : le premier, celui réductionniste, qui refuserait aux objets fictionnels toute forme d’existence ; le second, meinongien, qui leur accorderait un statut extra-ontologique, par-delà l’être et le non-être. La théorie artefactuelle propose ainsi une ontologie réaliste s’appuyant sur une théorie de la dépendance, lui permettant ainsi de rendre compte autant du caractère abstrait des objets fictionnels (ce qui les différencie des objets spatio-temporels) que de leur caractère contingent et historique (ce qui les différencie des objets mathématiques). Les objets fictionnels ne sont en effet qu’un exemple parmi bien d’autres d’artefacts abstraits. Tout objet culturel (lois, conventions sociales, œuvres littéraires etc.) est en effet un artefact abstrait, c’est-à-dire un objet fondé auquel on peut se référer et que l’on peut identifier par le biais d’actes mentaux et linguistiques. En pensant cependant une telle référence dans le cadre d’une théorie de la référence directe la théorie artefactuelle se doit de faire face à certaines difficultés qui portent notamment sur le statut des assertions de non-existence [NdT].

2  Il s’agit d’un jeu de mot : en anglais le mot « Fake » veut dire faux,“bidon”, si bien que, en français, le nom Mrs Fakenham donnerait quelque chose comme Mme Dufaux [NdT].

3  Même si ce « traitement » est explicitement présenté comme une simple étude des conditions de vérité de ces énoncés, et non de ce que ces affirmations signifient ou des propositions qu’elles expriment [25].

4  Merci à Mark Colyvan pour cette belle remarque.

5  Sur le débat autour du problème de l’en tant que tel, voir Devitt et Sterelny (1999).

6  Nom littéralement intraduisible à moins de proposer une longue paraphrase (« la petite chose mignonne qui pousse de petits cris aigus »), on pourrait rendre en français le nom « Squeaky » par « Petit-cri », nom utilisé, dans l’exemple de Thomasson, par un locuteur hypothétique pour se référer à celle qu’on croit être la petite souris qui se cache derrière le mur [NdT].

7  Comme je l’ai soutenu ailleurs (2007), afin d’établir des distinctions parmi les nombreuses variétés de catégories d’entités auxquelles un locuteur pourrait avoir l’intention de se référer, nous devons dès lors admettre que nos termes soient accompagnés d’un certain nombre de conditions de coapplication de base conceptuellement pertinentes, permettant aux locuteurs compétents de dire si, dans des situations hypothétiques diverses, un terme est susceptible d’être réappliqué à une seule et même chose ou pas ; nos termes fournissent donc les conditions d’identité de base des choses auxquelles ils se référent (s’il y en a). Cependant, dans la mesure où nous n’avons pas directement besoin de traiter de celles-ci pour aborder les questions d’existence, je n’en parlerai pas dans cet article.

8  Je ne trancherai pas ici la question de savoir si oui ou non des locuteurs peuvent introduire des références parasites sans saisir le sens des termes et me bornerai à parler des capacités de ces locuteurs qui saisissent réellement le sens des termes.

9  Elles jouent à peu près le même rôle que les intentions-A dans l’approche de la sémantique bi-dimensionnelle de Chalmers/Jackson (2001).

10  Une telle objection à l’égard de Donnellan pourrait cependant apparaître quelque peu injuste, dans la mesure où celui-ci prétend seulement offrir une étude des conditions de vérité de telles assertions, sans affirmer pour autant qu’elles sont synonymes d’assertions portant sur les mots.

11  Sainsbury soulève d’ailleurs d’autres problèmes intéressants à partir de l’étude d’assertions d’existence plus compliquées, telles que « Sherlock Holmes n’existe pas vraiment, il est juste un personnage de fiction » (à paraître b, p. 14-15 ; à paraître, p. 11). Une telle assertion devrait, à peu près, être comprise de la manière suivante : « les usages de “Holmes” se terminent par un bloc, il n’est qu’un personnage de fiction ». Mais ainsi on laisse le « il » anaphorique de la dernière assertion tronqué. Sainsbury arrive ainsi à fournir une belle analyse des difficultés relatives à la référence anaphorique, dans les assertions qui contiennent des noms fictionnels mais pas seulement. Dans beaucoup de cas qui comportent des glissements de référence (comme lorsque l’on utilise des noms de personnages fictionnels en tant que surnoms pour indiquer des personnes réelles ; ou des noms de personnes réelles pour indiquer des personnages de fiction) ou dans les cas de métonymie  (comme lorsque l’on glisse de la description relative au bureau à celle du propriétaire, de l’individu à l’espèce, etc.) les pronoms peuvent fonctionner non pas comme des références anaphoriques, qui remontent à la même chose à laquelle on réfère initialement, mais plutôt comme de simples « pronoms de paresse », qui indiquent un endroit auquel nous devrions simplement substituer à nouveau le nom original. Pour revenir à notre exemple, nous pouvons comprendre l’assertion de cette manière : « Sherlock Holmes n’existe pas, Sherlock Holmes est juste un personnage de fiction », où les présuppositions catégorielles de la première et de la seconde phrase sont différentes. Cela permet de rendre les deux assertions vraies bien que les noms utilisés dans l’une et dans l’autre n’aient pas la même référence (à paraître b, 16).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Amie L. Thomasson, « Fiction, existence et référence »Methodos [En ligne], 10 | 2010, mis en ligne le 09 avril 2010, consulté le 16 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/methodos/2446 ; DOI : https://doi.org/10.4000/methodos.2446

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Auteur

Amie L. Thomasson

Université de Miami

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

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