Le mythe d'un monde éternel

Préambule

Le problème de l'origine de l'univers s'impose à tout esprit qui s'interroge sur la nature et l'histoire du monde dans lequel nous vivons. La science ouvre des horizons immenses sur ce monde prodigieusement grand : son extension spatiale se mesure en milliards d'années-lumière ; son évolution passée se chiffre en milliards d'années. Si l'on fixe son attention sur la minuscule planète que nous habitons, l'âge de la Terre s'élève également à des milliards d'années, tandis que l'apparition de la vie est un phénomène relativement récent, du moins sous ses formes supérieures.

En possession de ces données, on se pose inévitablement la question de l'origine. Comment l'évolution de l'univers a-t-elle commencé? Cet univers a-t-il toujours existé?

Le problème a été aperçu dès l'aurore de la philosophie par les présocratiques, et tous les philosophes païens l'ont résolu par l'affirmation de l'éternité du monde : avant le néoplatonisme, on considère que le monde a toujours existé parce qu'il est incausé', à partir de Plotin, on l'affirme éternel parce qu'il est l'émanation nécessaire d'une Cause étemelle et immuable. La Bible, au contraire, enseigne la création du monde «au commencement», comme effet contingent du libre vouloir du Créateur.

Les deux conceptions s'étaient déjà heurtées à l'époque patris- tique et dans le monde de l'Islam, mais la controverse a connu une animation nouvelle au xme siècle, dans le monde chrétien, par suite de la rencontre et du conflit inévitable entre la pensée chrétienne et la pensée païenne massivement introduite en Occident1. Les discussions ont été ranimées périodiquement depuis le xme siècle jusqu'à nos jours et chacun sait que Kant en a fait l'objet de la première antinomie dans la Critique de la raison pure.