Y a-t-il un chemin vers la vérité?
A propos de l'Introduction lia" Phénoménologie de l'Esprit " de Hegel <*'
La philosophie est recherche de la vérité, — de la vérité reconnue comme telle. Elle tend à savoir, et à savoir qu'elle sait. Si elle représente une activité spécifique, c'est parce que l'homme est capable de se contenter d'une non-vérité, ou d'une vérité non reconnue comme vérité : il peut errer, mal savoir, méconnaître, a être » dans le vrai à son insu. A la distinction entre la philosophie et la non-philosophie on fait généralement correspondre, du côté du sujet, une distinction entre l'attitude reflexive et l'attitude spontanée, la perspective critique et la perspective naïve ; en langage hégélien, c'est la distinction entre la conscience philosophique, le fur uns (pour nous, philosophes), et la conscience naturelle, le fur es (pour la conscience elle-même).
Nous nous demandons s'il y a un chemin qui mène à la vérité reconnue comme telle. Y a-t-il une voie d'accès à la philosophie, une manière d'y entrer ? Y a-t-il un passage de la conscience naturelle à la conscience philosophique ? Ou bien y a-t-il discontinuité, rupture de plan entre la non-philosophie et la philosophie, et les deux attitudes de la conscience constituent-elles comme deux niveaux différents ?
L'alternative n'est pas nouvelle ; elle figure parmi les questions classiques qu'on rencontre en épistémologie. De la manière dont on la tranchera dépend la nature même de l' épistémologie : sa possibilité, sa nécessité, surtout sa prétention à être une propé- deutique, une introduction à la philosophie véritable. Les partisans de l' épistémologie conçue comme introduction optent en faveur
f** Nous avons présenté sous le même titre un texte abrégé de cette étude, comme communication au XIIe Congrès des Sociétés de Philosophie de Langue française (Bruxelles-Louvain. 22-25 août 1964).