Abstract

Le 7 mars 1277 Etienne Tempier, évêque de Paris, publiait un mandement en forme de lettres patentes, interdisant d'enseigner ou de soutenir 219 propositions dont la liste était jointe au document; il s'agissait de thèses répandues à la Faculté des Arts, exposait le prélat, et il faisait remarquer que leurs partisans les suggéraient mais refusaient de les soutenir ouvertement, grâce à un subterfuge: ils disent que ces propositions sont vraies d'après la philosophie mais ne le sont pas d'après la foi chrétienne, comme s'il pouvait exister deux vérités contradictories. De cette description de l'attitude prise par les philosophes sont nées la théorie et la formule, qui leur furent attribuées, de la double vérité: le philosophe et le fidèle admettent des vérités différentes et qui s'excluent mutuellement; la raison humaine et la Révélation que reçoit l'homme aboutissent à des affirmations opposées. Et cependant il faut reconnaître comme simultanément valables ces positions antagonistes et les conclusions contradictoires auxquelles elles aboutissent. Théorie bien étrange, et Ton comprendrait qu'Etienne Tempier reproche à ceux qu'il condamne leurs erreurs, ou plutôt leurs sottises et leurs insanités. M. Gilson a très heureusement traduit le sentiment d'incompréhension que l'on éprouve devant cette théorie lorsqu'il parle de réduction à l'absurde tentée par des théologiens orthodoxes contre des philosophes qui ne l'étaient pas tout en constatant que, si l'on emploie couramment cette formule de la double‐vérité, il faut reconnaître que l'expression n'est pas des plus heureuses.