Abstract
Comment peut-on interpréter l’usage de l’histoire par les décideurs dans les débats autour de la conflictualité contemporaine? Jusqu’à présent, les conceptualisations établies des usages de l’histoire dans les Relations internationales ont été dominées par des arguments individualistes. Or, la sociologie de la mémoire collective a montré l’existence intersubjective de cadres sociaux qui déterminent quelles histoires peuvent être mobilisées, et avec quelles fonctions. De plus, cette sociologie a souligné l’importance des représentations intersubjectives du rapport à l’Histoire même. En conséquence, on peut supposer l’existence de « régimes d’historicité » spécifiques qui influencent la manière dont les acteurs regardent l’Histoire comme une source d’enseignements utiles et mobilisables au présent. Ces deux propositions sont examinées grâce à une analyse de corpus semi-qualitative, basée sur les débats de presse français, allemand et américain autour de la crise au Kosovo. Cette analyse confirme que les acteurs de discours font en effet plus souvent référence à des événements à fort impact sur l’histoire nationale. De plus, une analyse qualitative des références à la Guerre de 14-18 et à la Guerre du Vietnam montre également l’existence de variations nationales au niveau des types d’usages de l’histoire préférés par les acteurs discursifs. Aux États-Unis, non seulement les décideurs mais aussi les journalistes et les experts semblent plus prêts à tirer des leçons du passé pour guider l’action au présent. Ceci semble confirmer l’existence d’un régime d’historicité spécifique, lié à une notion de continuité historique qui peut être associée à l’identité de la politique internationale américaine