Abstract
Le mot grec oı̈kos suppose d’abord qu’il y ait du commun concrètement institué entre les hommes, un espace collectif à gérer, quelque chose qui puisse faire l’objet d’une entreprise commune. Et ce que les hommes ont en commun relève moins d’une supposée bienfaisance de la nature, que d’un effet de culture, s’il est vrai comme l’affirme Aristote que ce qui définit la nature en l’homme est précisément ce qui le constitue comme être social. Qu’il s’agisse d’éco-nomie ou d’éco-logie, la loi d’un côté et la rationalité de l’autre ne se rapportent qu’à une possibilité d’agir, et d’être au monde comme sujet d’une décision, non comme objet d’un devenir. L’oı̈kos ne renvoie donc nullement à la présence édénique d’un corps dans la nature, ou à l’immédiateté d’une relation originelle. Bien au contraire, il se réfère à l’intervention permanente d’un sujet dans un monde non seulement construit, mais dont la construction même produit ses propres processus de subjectivation, et détermine son devenir plus radicalement que ne pourra jamais le faire son conditionnement biologique. Habiter le monde n’est donc pas habiter la nature, mais habiter les relations complexes que l’homme établit avec elle et contre elle, en la maîtrisant pour y aménager son espace. Et cette maîtrise ne conditionne pas seulement son devenir physique, mais les modalités mêmes de son devenir subjectif