À PROPOS DE LA CONSTRUCTION DE LA LYRE
Telle qu'elle se présente sur les vases attiques, la lyre est construite conformément à la description qu'en donne l'Hymne Homérique à Hermès : sa caisse de résonance est faite d'une carapace de tortue évidée et découpée, sur laquelle est tendue une peau de bœuf, et d'où partent deux montants en bois ; au travers de ces bras légèrement incurvés est adaptée une traverse ou joug, où s'attachent sept ou huit cordes.
Outre l'Hymne Homérique, deux autres textes évoquent assez précisément la construction de la lyre : le Dialogue des Dieux de Lucien et les Images de Philostrate1, auxquels s'ajoutent encore les indications des lexicographes, Pollux, Hésychius et la Souda, qui, tout en ayant le mérite de définir sommairement telle ou telle partie de l'instrument, ne décrivent pas vraiment leur assemblage. Or, comme l'a montré l'étude de P. Gourbin à propos des carapaces de tortues trouvées à Argos2, c'est là le point le plus difficile : comment ajustait-on les différentes parties de la lyre?
Apparemment, l'enfant Hermès de l'Hymne, avec son ingéniosité, n'a guère de difficulté à construire sa lyre : il trouve sur place le matériau (la tortue, les roseaux, la peau de bœuf). Le texte, en réalité, ne détaille aucune des étapes de préparation de ces matériaux, ne serait-ce que celle du tannage de la peau.
C'est à une de ces lacunes que nous nous intéresserons : comment se fait l'ajustement des bras et de la traverse? En quelle matière étaient-ils faits? L'opération est décrite en un seul vers :
Και πήχεις ένέθηκ', επί δε ζυγον ήραρεν άμφοΐν « II enfonça (dans la caisse) des montants, et adapta des deux côtés une traverse. »
(1) Hymne Homérique à Hermès, v. 39-53 ; Lucien, Dialogue des Dieux 223-224 : Philostrate, Imagines I 10, (Amphion). (2) P. Courbin, BCH Suppl VI, Études argiennes, « Les lyres d'Argos », p. 93-1 14. Cet article se proposait essentiellement de « préciser la structure interne de la lyre, toujours cachée dans les représentations antiques, et sur laquelle, jusqu'ici, on ne savait rien » (p. 97). Plus récemment, P. Phaklaris a tenté à son tour de reconstituer ces dispositifs à partir d'une étude des carapaces trouvées en 1976 au temple d'Apollon Épikourios de Bassae, ArchDelt 32 (1977), p. 218-233. Les reconstitutions proposées concernent les arceaux de fixation des bras à l'intérieur des carapaces, qui se déduit de la disposition des trous sur leur pourtour et leur surface. La comparaison des différentes carapaces retrouvées à Reggio, Locres, Délos, Argos, Bassae et Athènes, montre que la disposition de ces trous varie considérablement. Nous ne nous intéresserons ici qu'à l'armature hors caisse des lyres, qui n'a pas encore fait l'objet d'une étude spéciale.