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Slava LISZEK, Marie Guillot. De l’émancipation des femmes à celle du syndicalisme

Christine BARD
Référence(s) :

Paris, L’Harmattan, Coll. « Chemins de la mémoire », 1994, 315 p.

Texte intégral

1On comprend aisément pourquoi Slava Liszek, qui fut l’une des rédactrices d’Antoinette - le journal féminin de la CGT - a été touchée par Marie Guillot, au point de lui consacrer plusieurs années de recherche et, finalement, une biographie. À l’évidence, il s’agit d’un hommage rendu à une militante lucide et « incorruptible ». Le style trahit une profonde sympathie pour « Marie », qui pourra, selon les goûts, charmer, ou agacer. De toutes façons, le redoutable défi d’une biographie de Marie Guillot - dont la discrétion et l’humilité font une anti-héroïne par excellence - a été relevé, et, avec elle, ce sont des pages passionnantes et décisives de l’histoire du mouvement ouvrier qui défilent.

2Née en 1880 dans un petit village bressan, élevée, avec sa sœur, par sa mère, jeune veuve exerçant le dur métier de lavandière, Marie Guillot conquit, en devenant institutrice, son indépendance économique, même si elle gagnait moins qu’un manœuvre, et découvrit la voie de son épanouissement intellectuel. En rejoignant le syndicalisme enseignant naissant, elle se mêla à deux combats qui occuperont toute sa vie : l’émancipation de la classe ouvrière et l’émancipation des femmes. Elle batailla pour la « capacité syndicale » des instituteurs, pour l’égalité des traitements entre instituteurs et institutrices, pour le droit au travail des femmes, lors de l’Affaire Couriau.

3En 1914, écœurée par l’Union sacrée, elle se joignit à la minorité pacifiste de la CGT; c’est, entre autres, grâce à sa détermination que la fédération des instituteurs bascula dès 1915 dans le camp de la paix. Son rôle devint alors décisif dans l’évolution du syndicalisme français. Elle fut une des premières animatrices des Comités syndicalistes révolutionnaires qui adhérèrent à la IIIe Internationale. Accusés de noyautage, ils inquiétèrent la majorité réformiste de la CGT qui les exclut aussitôt. Marie Guillot, qui avait presque miraculeusement échappé à la répression des « menées défaitistes », fut cette fois-ci révoquée. Elle devint secrétaire générale de la Fédération nationale des syndicats de l’enseignement laïque, puis secrétaire confédérale de la CGTU. Bien que la Révolution russe ait eu toute sa sympathie, elle refusa la subordination du syndicat au parti communiste et lança en faveur de l’indépendance un combat désespéré. En 1923, la cause fut définitivement perdue. La commission féminine, qu’elle avait créée, lui échappa également. Elle continua à militer à un niveau plus modeste avec les minoritaires fidèles au principe d’un syndicalisme révolutionnaire, autonome et unifié. Elle se mêla aussi aux activités des Groupes féministes de l’enseignement laïque, ce qui lui valut d’être inculpée, en 1927, avec Henriette Alquier, pour la publication d’un rapport favorable au contrôle des naissances, La maternité, fonction sociale.

4Tenace, courageuse, talentueuse organisatrice, Marie Guillot apparaît plus effacée qu’Hélène Brion, institutrice à Pantin, féministe plus radicale, autre grande figure du syndicalisme enseignant, connue pour son procès devant le Conseil de guerre qui défraya la chronique en mars 1918. Les rares sources et témoignages sur la vie privée de Marie Guillot laissent deviner le peu de cas qu’elle faisait de cette notion : c’est à l’émancipation collective que cette célibataire dédia sa vie. Les fortes déconvenues qu’elle dut affronter lui furent fatales. Hélène Brion trouva le réconfort dans le spiritisme. Mais la dépression, chez Marie Guillot, laissa s’engouffrer un délire de persécution. Elle fut admise, à sa demande, en 1933, dans un hôpital où elle mourut l’année suivante.

5Tout en résumant clairement les batailles internes au mouvement syndical, parfois complexes, Slava Liszek décrit de manière sensible cette vie tissée de souffrance, de renoncements, illuminée parfois par l’espérance et la foi. Pour les femmes, sans doute plus que pour les hommes, l’engagement révolutionnaire est un apostolat.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Christine BARD, « Slava LISZEK, Marie Guillot. De l’émancipation des femmes à celle du syndicalisme »Clio [En ligne], 3 | 1996, mis en ligne le 01 janvier 2005, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/clio/481 ; DOI : https://doi.org/10.4000/clio.481

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