Revue des sciences religieuses 68 n° 2 (1994), p. 197-217

L'EGLISE COMME SACREMENT CHEZ HEINRICH KLEE

A parcourir les histoires de la théologie allemande au XIXe siècle, Heinrich Klee n'apparaît pas comme un grand théologien : il est bien moins étudié et commenté que ses contemporains tels Drey, Moehler ou Kuhn. L. Scheffczyck semble même l'ignorer totalement dans son histoire de la théologie allemande au xixe siècle (1). Certes, Klee n'est probablement pas un théologien de premier plan, mais il mérite cependant attention ne serait-ce que parce qu'il est le premier théologien allemand, avec A. Giinther, à employer l'expression « Eglise sacrement » dès 1835 (2). On pourrait donc aisément cantonner Klee dans le rôle de témoin de la réception en théologie de l'expression Eglise-sacrement. Cependant, pour qui fait l'effort de lire attentivement le millier de pages de sa dogmatique, malgré les difficultés de lecture liées au style, l'intérêt de Klee apparaît en plus d'un endroit : il n'est pas de l'Ecole de Tiibingen, et peut révéler l'influence de Schelling et du romantisme hors de la sphère d'influence commune des théologiens réputés schellingiens. Cependant il partage avec les Tiibinger les catégories, souvent par le truchement de Schelling, qui le rendent attentif à la nature, à l'histoire, aux origines, à une pensée organ ici ste.

Après quelques éléments de biographie nous essaierons de préciser le concept d'Eglise tel qu'il apparaît dans la Katholische Dogmatik de Klee, puis nous tenterons de comprendre l'émergence du concept d'Eglise « complexe de sacrements » dans son contexte. Cette étude fera large place à des citations de Klee. Nous pensons qu'il est important de reproduire ces textes car ils sont difficilement accessibles, d'autant qu'il n'en existe aucune traduction en français.