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Compléments en ligne : Clio a lu

Mary Wollstonecraft, Lettres de Scandinavie. Lettres écrites durant un court séjour en Suède, en Norvège, et au Danemark

Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, coll. « Textuelles. Écritures du Voyage », 2013, traduction et critique par Nathalie Bernard et Stéphanie Gourdon.
Marie-Odile Bernez
Référence(s) :

Mary Wollstonecraft, Lettres de Scandinavie. Lettres écrites durant un court séjour en Suède, en Norvège, et au Danemark, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, coll. « Textuelles. Écritures du Voyage », 2013, 191 p. Traduction et critique par Nathalie Bernard et Stéphanie Gourdon.

Texte intégral

1Mary Wollstonecraft (1759-1797) est une auteure majeure de la fin du dix-huitième siècle et on se réjouit de voir la première traduction en français de ses Lettres de Scandinavie, plus de deux siècles après leur parution en 1796. L’ouvrage se présente sous la forme d’une narration épistolaire. Wollstonecraft y fait le récit du séjour de trois mois qu’elle passa en Scandinavie durant l’été de 1795. Elle y avait été envoyée par son amant, que l’on supposait être son mari, un homme d’affaires américain, Gilbert Imlay, pour régler des litiges. Le secret que la narratrice garde sur sa présence en Scandinavie confère à l’ouvrage un air de mystère, et le lecteur est en droit de se demander pourquoi cette jeune femme, seulement accompagnée de sa fille Fanny, âgée d’un an, et d’une domestique française, Marguerite, voyage dans ces pays lointains.

2L’itinéraire de Wollstonecraft débute par son embarquement à Hull. Il la conduit d’abord en Suède, près de Göteborg, puis en Norvège, où elle visite Christiana (aujourd’hui Oslo), enfin au Danemark, où elle passe quelque temps à Copenhague, avant de reprendre le bateau pour Douvres à Hambourg, après avoir traversé le Schleswig-Holstein. Mary Wollstonecraft avait déjà voyagé longuement en Europe : elle s’était rendue d’abord au Portugal (1785) pour assister son amie d’enfance Fanny Blood lors de son accouchement, puis en Irlande (1786-1787) où elle avait été embauchée comme institutrice dans une famille aristocratique, et enfin en France, où elle séjourna de la fin de 1792 au printemps de 1795, après la publication de son œuvre majeure A Vindication of the Rights of Woman (1792). Elle avait eu aussi l’occasion de rendre compte de nombreux livres de voyage pour le journal The Analytical Review, publié par son éditeur Joseph Johnson. Ce faisant, elle avait déterminé que les récits de voyage devaient être plutôt des récits personnels que des accumulations de faits. C’est en effet ce que prouvent ses lettres, qui ont généralement été considérées comme le triomphe de son côté féminin sur un côté plus masculin et plus rationnel qui aurait prédominé auparavant, et que son expérience de femme abandonnée et de mère lui aurait permis d’exprimer.

3Il est intéressant en effet d’examiner les liens existant entre le récit de voyage plus ou moins fictionnel et la vie réelle de Wollstonecraft, le correspondant anonyme des Lettres étant généralement interprété comme étant Gilbert Imlay. Le ton très sombre de la narratrice a frappé ses premiers lecteurs qui n’ont pas manqué d’y voir une autobiographie à peine voilée. Godwin, qui épousa Wollstonecraft peu après son retour, dit qu’il en tomba amoureux en lisant ce récit de voyage et La Tocnaye, un émigré français qui voyagea en Scandinavie peu de temps après y vit aussi une autobiographie, même si sa vision est bien négative. Il écrivit : « Pauvre femme, chagrine avec tout le monde, avec elle-même : elle portait son humeur noire dans tout ce qu’elle faisait : elle était sans doute malheureuse, cela ne se voit que trop ». Cet aspect de quasi auto-fiction accentue également le caractère pré-romantique de ces lettres, que l’on perçoit dans les descriptions de paysages sublimes ou les nombreuses références à Shakespeare, sans que pour autant la narratrice néglige de nous offrir des observations concrètes sur la vie des habitants et une dénonciation particulièrement virulente de leur ivrognerie.

4Wollstonecraft nous confie ses sentiments sur la nature, les étapes de la civilisation, les modes et coutumes locales, ainsi que sur le système politique, souvent comparé à celui de la France. Comme l’indiquent les deux traductrices dans leurs Remarques liminaires sur la traduction, le style de Wollstonecraft est difficile à rendre, elle procède souvent par ellipses et condensation, ce qui oblige à des redites, explications ou raccourcis. En règle générale, le style a été sauvegardé, avec des efforts de traduction dans un français particulièrement soigné, qui ne se dérobe pas devant les imparfaits du subjonctif et les tournures complexes. Il est d’autant plus regrettable qu’un certain nombre d’erreurs entachent le texte, à des moments pourtant dépourvus d’ambiguïté : ainsi, « hog’s bristles » (« des soies de porc » ou « poils de sanglier ») traduits par des « épines de hérissons », ou la phrase « they have not been in possession of the estate many years » rendue par « cela fait des années qu’ils ne possèdent plus le domaine » alors qu’il s’agit ici de « ils ne possèdent ce domaine que depuis peu d’années ». Des erreurs à corriger dans une seconde édition. Sachons gré aux deux traductrices de mettre à la portée du public français un texte exceptionnel sur la découverte des marges de l’Europe du Nord à l’époque révolutionnaire, où l’on trouve toute la saveur d’un récit vécu avec ses rencontres de personnages importants ou secondaires, que Wollstonecraft nous dépeint en quelques traits révélateurs aussi bien de sa personnalité que de son époque.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Marie-Odile Bernez, « Mary Wollstonecraft, Lettres de Scandinavie. Lettres écrites durant un court séjour en Suède, en Norvège, et au Danemark »Clio [En ligne], 39 | 2014, mis en ligne le 15 août 2014, consulté le 19 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/clio/12004 ; DOI : https://doi.org/10.4000/clio.12004

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Auteur

Marie-Odile Bernez

EA 4182 : Centre de recherche Interlangues Texte /Image/Langage
Université de Bourgogne

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Droits d’auteur

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