Acessibilidade / Reportar erro

Rôle du dialogue et de la co-construction du discours dans l’acquisition de la morphosyntaxe: un processus interactionnel et dialogique

RÉSUMÉ

Cet article a pour objectif d’illustrer les apports, pour la description de l’acquisition des aspects morphosyntaxiques, d’une approche croisant une perspective “linguistique de l’acquisition” avec la perspective dialogique élaborée à partir des travaux de Bakhtine. La première approche décrit l’interaction comme étant le principal vecteur des processus d’acquisition de la structuration syntaxique, avec une attention particulière portée aux phénomènes d’adaptation de l’adulte aux essais de l’enfant, et aux reprises faites par celui-ci. En parallèle, une approche dialogique de l’acquisition se focalise sur la façon dont la co-construction du discours par les deux interlocuteurs amène l’enfant à mobiliser et acquérir des compétences linguistiques pour partager et construire les significations qui font l’objet du discours. Nos analyses portent sur des séquences conversationnelles entre adultes et enfants âgés de 2 à 4 ans, tout-venant et atypique. Elles illustrent comment le dialogue et ses phénomènes inter-discursifs, combinés aux mécanismes interactionnels de la reprise, sont constituants des processus d’acquisition langagière.

MOTS-CLÉS:
Acquisition; Dialogisme; Linguistique de l’acquisition; Dialogue adulte-enfant; Morphosyntaxe

RESUMO

Este artigo tem como objetivo ilustrar as contribuições, para a descrição da aquisição dos aspectos morfossintáticos, de uma abordagem que cruza uma perspectiva “linguística da aquisição” com a perspectiva dialógica, elaborada a partir dos trabalhos de Bakhtin. A primeira abordagem descreve a interação como o principal vetor dos processos de aquisição da estruturação sintática, com particular atenção dada aos fenômenos de adaptação dos adultos às tentativas da criança e às retomadas feitas por ela. Em paralelo, uma abordagem dialógica da aquisição concentra-se na maneira como a coconstrução do discurso pelos dois interlocutores leva a criança a mobilizar e adquirir competências linguísticas para compartilhar e construir as significações que constituem o objeto do discurso. Nossas análises tomam como base as sequências conversacionais entre adultos e crianças com idade entre 2 e 4 anos, típicas e atípicas. Elas ilustram como o diálogo e seus fenômenos interdiscursivos, combinados aos mecanismos interacionais da retomada, são constituintes dos processos de aquisição linguageira.

PALAVRAS-CHAVE:
Aquisição; Dialogismo; Linguística da aquisição; Diálogo adulto-criança; Morfossintaxe

ABSTRACT

This paper aims to illustrate the contribution of Acquisition Linguistics combined with the dialogic view driven by Bakhtin’s ideas, in order to describe morpho-syntactic acquisitions. According to the first approach, interaction is the main driver of syntactic acquisition processes, especially adults’ adjustments to the morpho-syntactic attempts of children and children’s repetitions of adults’ speech. In parallel, a dialogic approach to language acquisition focuses on how the two speakers’ co-construction of discourse leads children to use and acquire the linguistic ability to share and construct meaning in discourse. We analyse conversations between adults and children aged between 2 and 4 years old, with typical and atypical developments. Our results show how inter-discursive facts in dialogue and repetition in interaction are major contributors of language acquisition processes.

KEYWORDS:
Acquisition; Dialogism; Acquisition linguistics; Adult-child dialogue; Morphosyntax

Introduction

Le paysage actuel des théories en acquisition du langage fait apparaître à la fois une multiplicité d’approches qui discutent les unes avec les autres et des perspectives antagonistes. Le nœud central permettant de distinguer épistémologiquement les différentes orientations nous semble se trouver dans le rôle que l’on attribue à l’environnement linguistique et social de l’enfant dans les processus d’acquisition du langage. Ainsi, alors que certaines conceptions sont focalisées sur la dimension maturationnelle et innée du développement langagier, d’autres décrivent principalement les fonctionnements cognitifs généraux et spécifiques permettant l’acquisition du langage, accordant plus ou moins d’espace aux fonctions et usages langagiers. D’autres enfin replacent la mise en fonctionnement du langage dans une perspective socio-culturelle où l’interaction entre l’enfant et les adultes qui l’entourent contribue, à différents niveaux, aux processus d’acquisition langagière. Simple déclencheur de structures innées, input soumis à des mécanismes de traitement de l’information langagière, élément indissociable de la dimension sociale du langage et de son acquisition, les considérations pour l’environnement linguistique de l’enfant semblent s’inscrire dans un continuum, des approches générativistes jusqu’aux approches socio-interactionnistes (pour une revue de la question voir Karmiloff; Karmiloff-Smith, 2001KARMILOFF, K.; KARMILOFF-SMITH, A. The Developing Child. Pathways to Language: From Foetus to Adolescent. Cambridge M.A: Harvard University Press, 2001.).

Cependant, les théories interactionnistes ne constituent pas un ensemble homogène mais regroupent des approches avec des conceptions et des analyses spécifiques du rôle de l’interaction entre l’enfant et l’adulte dans l’acquisition du langage. Ces différences reflètent des divergences dans l’intérêt porté à chacune des facettes du langage et des situations dialogiques. Quand certaines vont chercher dans l’interaction adulte-enfant l’influence des usages sur le développement langagier (TOMASELLO, 2003TOMASELLO, M. Constructing a Language: A Usage-Based Theory of Language Acquisition. Cambridge M.A: Harvard University Press, 2003.), d’autres vont se concentrer sur l’apport de modalités conversationnelles spécifiques (CLARK, 2014CLARK, E. V. Conversation et reformulation dans l’acquisition du langage. TRANEL - Travaux Neuchâtelois de Linguistique, Neuchâtel, n. 60, p.7-17, 2014.; VENEZIANO; PARISSE, 2010VENEZIANO, E.; PARISSE, C. The Acquisition of Early Verbs in French: Assessing the Role of Conversation and of Child-Directed speech. First Language, London: SAGE Publications, n°30-3/4, pp.287-311, 2010.). D’autres encore vont focaliser leurs analyses sur le rôle et l’acquisition des propriétés dialogiques comme support à l’acquisition du langage (DE WECK; SALAZAR ORVIG, 2019DE WECK, G.; SALAZAR ORVIG, A. L’apport des études de corpus à l’analyse de l’étayage. Corpus, OpenEdition Journals, 2019. Disponible sur https://journals.openedition.org/corpus/4173. Consulté le 20 octobre, 2020.
https://journals.openedition.org/corpus/...
; FRANÇOIS, 2005FRANÇOIS, F. Interprétation et dialogue chez des enfants et quelques autres: recueil d’articles 1988-1995. Lyon: Éditions de l’ENS, 2005. ; SALAZAR ORVIG et al., 2010SALAZAR ORVIG, A.; MARCOS, H.; MORGENSTERN, A.; HASSAN, R.; LEBER-MARIN, J.; PARES, J. Dialogical Beginnings of Anaphora: the Use of Third Person Pronouns before the Age of Three, Journal of Pragmatics, Oxford: Elsevier, n. 42, pp.1842-1865, 2010., 2013SALAZAR ORVIG, A.; MARCOS, H.; CAET, S.; CORLATEANU, C.; DA SILVA, C. et al. Definite and Indefinite Determiners in French-Speaking Toddlers: Distributional Features and Pragmatic-Discursive Factors. Journal of Pragmatics, Oxford: Elsevier, n. 56, pp.88-112, 2013.). Enfin, certaines vont mettre au cœur de l’acquisition les liens forts entre structuration de la pensée et du langage exprimés par la dimension syntaxique de la langue que l’enfant va expérimenter dans le cadre d’interactions adaptées avec l’adulte (CANUT et al., 2012CANUT, E.; BOCEREAN, C.; MUSIOL, M. How Do Adults Use Repetition? A Comparison of Conversations with Young Children and with Multiply-Handicapped Adolescents. Journal of Psycholinguistic Research. Springer Verlag, n. 41-2, pp.83-103, 2012.; CANUT et al., 2017CANUT, E.; MASSON, C.; LEROY-COLLOMBEL, M. Efficience de l’étayage dans les pratiques professionnelles: effets sur le développement du langage d’enfants atteints de déficience intellectuelle. Langage et Pratiques, Lausanne, p.69-86, 2017.; LENTIN, 2009LENTIN, L. Apprendre à penser, parler, lire, écrire. Acquisitio du langage oral et écrit. Paris: ESF, 2009. [1998] [1998]). Ainsi, si les postulats de Wallon, de Vygotski, de Bakhtine et de Bruner constituent le fondement des recherches interactionnistes, il n’en reste pas moins que chaque orientation va appuyer ses analyses plutôt sur l’une ou l’autre des approches, des plus dialogiques mobilisant les idées de Bakhtine, au plus structurelles, s’appuyant plutôt sur les conceptions vygotskiennes (FRANÇOIS, 1989FRANÇOIS, F. Langage et pensée: dialogue et mouvement discursif chez Vygotski et Bakhtine. Enfance, Paris: PUF, n. 42-1, p.39-47, 1989. Disponible sur https://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1989_num_42_1_1877 Consulté le 20 octobre 2020.
https://www.persee.fr/doc/enfan_0013-754...
).

Loin d’être étudiée dans des approches contradictoires, l’interaction adulte-enfant est décrite dans des approches qui s’entrecroisent : à la fois en termes de co-construction du sens entre l’enfant et l’adulte, en termes d’acquisition des fonctions et usages du langage (aspects pragmatico-discursifs) et enfin en termes d’acquisition des aspects structurels (morphosyntaxe). Mais force est de constater que ces facettes du langage sont le plus souvent étudiées de façon dissociée. De ce constat découle l’objectif que nous nous fixons dans cet article. Alors que la linguistique de l’acquisition permet d’analyser structurellement les reprises et reformulations dans l'interaction adulte-enfant, le dialogisme permet de saisir les phénomènes inter-discursifs que sont les échos, les traces analysables des discours antérieurs (BRES, 2017BRES, J. Dialogisme: éléments pour l’analyse. Recherches en didactique des langues et des cultures. Les Cahiers de l’Acedle, OpenEditions Journals, n. 14-2, 2017. Disponible sur https://journals.openedition.org/rdlc/1842. Consulté le 20 octobre 2020.
https://journals.openedition.org/rdlc/18...
). Notre but est donc de mettre en évidence l’intérêt de croiser cette approche structurelle et cette approche dialogique pour mieux appréhender les processus interactionnels d’acquisition du langage, en prenant pour exemple l’acquisition des aspects morphosyntaxiques de la langue. Ce croisement implique une prise en compte du fonctionnement interactionnel tant dans une perspective formelle des discours de l’adulte et de l’enfant, que du point de vue de leurs usages et de leurs fonctionnements dialogiques.

1 Interaction et développement langagier

Toutes les études interactionnistes portant sur le développement du langage mobilisent des éléments de réflexion issus d’approches complémentaires pour affiner l’analyse du fonctionnement de la dyade adulte-enfant, comme l’approche en linguistique de l’acquisition qui s’appuie notamment sur les travaux menés en sociolinguistique (CANUT; VERTALIER, 2014CANUT, E.; VERTALIER, M. Les schèmes sémantico-syntaxiques dans le processus interactionnel d’acquisition. In: ESPINOSA, N., VERTALIER, M., CANUT, E. Linguistique de l'acquisition du langage oral et écrit. Convergences entre les travaux fondateurs de Laurence Lentin et les problématiques actuelles. Paris: L’Harmattan, 2014. p.85-116.; CANUT et al., 2018CANUT, E.; MASSON, C.; LEROY-COLLOMBEL, M. Accompagner l'enfant dans son apprentissage du langage. De la recherche en acquisition à l'intervention des professionnels. Paris: Hachette Éducation, 2018. ; LENTIN, 2009LENTIN, L. Apprendre à penser, parler, lire, écrire. Acquisitio du langage oral et écrit. Paris: ESF, 2009. [1998] [1998]) ou celles qui vont s’appuyer sur des conceptions dialogiques du fonctionnement langagier (SALAZAR ORVIG, 2017SALAZAR ORVIG, A. Dialogue et interaction au cœur de la réflexion sur l’acquisition et la pathologie du langage, TRANEL - Travaux neuchâtelois de linguistique, Neuchâtel, n. 66, p.5-26, 2017.).

De multiples éléments sont en jeu dans les interactions langagières entre adulte et enfant, du point de vue de l’acquisition du langage mais également du point de vue du fonctionnement même de la communication. Les prises de parole de l’adulte, qu’il soit parent, éducateur, enseignant ou thérapeute, s’inscrivent toujours dans des contextes discursifs particuliers (explications, narrations, injonctions, descriptions…) et visent à s’ajuster, de façon plus ou moins consciente et systématique, aux capacités de compréhension et de production de l’enfant (DE PONTONX et al., 2017DE PONTONX, S.; LEROY-COLLOMBEL, M.; MASSON, C.; MORGENSTERN, A. Transmission et élaboration du langage dans le dialogue. In: MORGENSTERN, A.; PARISSE, C. Le langage de l’enfant: de l’éclosion à l’explosion [en ligne], Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2017. p.27-40.). Cette adaptation va permettre de maintenir la communication, en favorisant la circulation du sens et de la forme et installer l’enfant dans un véritable statut d’interlocuteur (DE PONTONX et al., 2019DE PONTONX, S.; LEROY-COLLOMBEL, M.; MORGENSTERN, A. How Mother and Child Co-(Re)Construct Non-Conventional Productions in Spontaneous Interaction. First Language, London: SAGE Publications, v. 2, n. 39, pp.220-242, 2019. ). Dans ces dialogues, l’adulte apporte ainsi à l’enfant non seulement un étayage linguistique mais également un étayage de la tâche pour la gestion ou la réalisation d’une activité (BRUNER, 1983aBRUNER, J. S. Le développement de l’enfant: savoir-faire, savoir-dire. Paris: PUF, 1983a., 1983bBRUNER, J. S. Child’s Talk: Learning to Use Language. New York: Norton, 1983b.; DE WECK; SALAZAR ORVIG, 2019DE WECK, G.; SALAZAR ORVIG, A. L’apport des études de corpus à l’analyse de l’étayage. Corpus, OpenEdition Journals, 2019. Disponible sur https://journals.openedition.org/corpus/4173. Consulté le 20 octobre, 2020.
https://journals.openedition.org/corpus/...
). Quand il soutient l’enfant au niveau langagier, l’adulte peut intervenir sur différents niveaux, tant structurels (voir Clark, 2010CLARK, E. V. Interaction et acquisition des mots. In: BERNICOT, J., VENEZIANO, E., MUSIOL, M., BERT-ERBOUL, A. Interactions verbales et acquisition du langage. Paris: L’Harmattan, 2010. p.25-43. pour le lexique; Bertin, 2014BERTIN, T. Rôle des reprises dans l’acquisition des articles et des clitiques sujets chez des enfants francophones âgés de 2 à 3 ans. TRANEL - Travaux Neuchâtelois de Linguistique, Neuchâtel, n. 60, p.21-31, 2014.; Veneziano; Parisse, 2010VENEZIANO, E.; PARISSE, C. The Acquisition of Early Verbs in French: Assessing the Role of Conversation and of Child-Directed speech. First Language, London: SAGE Publications, n°30-3/4, pp.287-311, 2010. pour la morphologie; Canut; Vertalier, 2014CANUT, E.; VERTALIER, M. Les schèmes sémantico-syntaxiques dans le processus interactionnel d’acquisition. In: ESPINOSA, N., VERTALIER, M., CANUT, E. Linguistique de l'acquisition du langage oral et écrit. Convergences entre les travaux fondateurs de Laurence Lentin et les problématiques actuelles. Paris: L’Harmattan, 2014. p.85-116. pour la syntaxe) que fonctionnels (DE WECK et al., 2019 DE WECK, G.; SALAZAR ORVIG, A.; REZZONICO, S.; VINEL, E.; BERNASCONI, M. The Impact of the Interactional Setting on the Choice of Referring Expressions in Narratives. First Language, London: SAGE Publications, n. 39-3, pp.298-318, 2019.; SALAZAR ORVIG et al., 2013SALAZAR ORVIG, A.; MARCOS, H.; CAET, S.; CORLATEANU, C.; DA SILVA, C. et al. Definite and Indefinite Determiners in French-Speaking Toddlers: Distributional Features and Pragmatic-Discursive Factors. Journal of Pragmatics, Oxford: Elsevier, n. 56, pp.88-112, 2013.). L’étayage langagier de l’adulte se fait en grande partie par des reprises (repeats) et des reformulations (recasts) de ce que dit l’enfant (voir notamment Nelson et al., 1984NELSON, K.E.; DENNINGER, M.M.; BONVILLIAN, J.D.; KAPLAN, B.J.; BAKER, N.D. Maternal Input Adjustments and Non-Adjustments as Related to Children’s Linguistic Advances and to Language Acquisition Theories. The Development of Oral and Written Language in Social Contexts (Advances in Discourse Processes, Vol 13), Université du Michigan: Ablex Pub. Corp. pp.31-56, 1984.; De Weck; Salazar Orvig, 2019DE WECK, G.; SALAZAR ORVIG, A. L’apport des études de corpus à l’analyse de l’étayage. Corpus, OpenEdition Journals, 2019. Disponible sur https://journals.openedition.org/corpus/4173. Consulté le 20 octobre, 2020.
https://journals.openedition.org/corpus/...
). Il consiste à reprendre la signification de l’énoncé de l’enfant en y apportant les conventions structurelles et d’usages appropriées utilisées mais non maîtrisées par l’enfant. Ainsi, cette utilisation du langage en contexte permet à l’enfant d’expérimenter à la fois le fonctionnement conversationnel, la fonction et l’usage des éléments langagiers, et le code de sa langue. Ces interventions adultes répondent à un besoin communicatif de l’enfant et s’inscrivent dans une continuité conversationnelle (VENEZIANO, 2005VENEZIANO, E. Effects of Conversational Functioning on Early Language Acquisition: When both Caregivers and Children Matter. In: BOKUS, B. Studies in the Psychology of Child Language. Essays in Honor of Grace Whales Shugar, Warsaw: Matrix, pp.47-69, 2005.). De par leur aspect discursif dynamique, elles font écho au discours de l’enfant et vont ainsi constituer un support aux processus d’acquisition langagière.

Bien que se rejoignant toutes sur l’importance de l’étayage, les études sur le fonctionnement interactionnel de l’acquisition langagière vont considérer l’entrée dans la langue soit par ses aspects structurels, soit par ses aspects fonctionnels. Notre article croise ainsi deux approches que nous considérons comme complémentaires : l’approche dialogique et l’approche linguistique de l’acquisition.

1.1 Une approche dialogique de l’acquisition du langage

L’acquisition du langage telle qu’envisagée dans une conception dialogique résulte de l’implication de l’enfant dans des situations et des activités qui lui permettent de s’inscrire dans un ou plusieurs “jeux de langage” spécifique(s) à celles-ci (MASSON et al., 2020MASSON, C.; DA SILVA GENEST, C.; CANUT, E., CAET, S. Usages de corpus oraux pour l’étude de l’acquisition du français langue maternelle. In: BENZITOUN, C.; REBUSCHI, M. Les corpus en sciences humaines et sociales, Nancy: Collection MSHL, 2020. p.15-48.). A travers ses interactions avec l’adulte, ce sont d’abord les usages du langage que l’enfant découvre et qui le conduiront progressivement à acquérir les aspects structurels (SALAZAR ORVIG, 2017SALAZAR ORVIG, A. Dialogue et interaction au cœur de la réflexion sur l’acquisition et la pathologie du langage, TRANEL - Travaux neuchâtelois de linguistique, Neuchâtel, n. 66, p.5-26, 2017., 2018SALAZAR ORVIG, A. Premiers pas dans le futur: hypothèses dialogiques. In: AZZOPARDI S.; OPPERMANN, E. (Eds) Regards croisés sur le futur en français et dans différentes langues romanes, LINX 77-2, Université Paris Nanterre, 2018. p.65-92.). Prenant notamment appui sur les concepts développés dans Le marxisme et philosophie du langage (BAKHTINE/VOLOCHINOV, 1977BAKHTINE, M. (VOLOCHINOV, V, N ). Le marxisme et la philosophie du langage: Essai d’application de la méthode sociologique en linguistique. Traduit du russe et presenté par Marina Yaguello. Préface de Roman Jakobson. Paris: Minuit. 1977.), l’approche dialogique se focalise sur l’énonciation, le “produit de l’interaction de deux individus socialement organisés” (p.123). Elle considère que “la réalité première du langage, c’est l’interaction verbale” (BAKHTINE/VOLOCHINOV, 1977BAKHTINE, M. (VOLOCHINOV, V, N ). Le marxisme et la philosophie du langage: Essai d’application de la méthode sociologique en linguistique. Traduit du russe et presenté par Marina Yaguello. Préface de Roman Jakobson. Paris: Minuit. 1977., p.133), matérialisée par les échanges verbaux entre les individus et qui forment le dialogue. Dans la perspective du dialogisme interdiscursif (BRES, 2017BRES, J. Dialogisme: éléments pour l’analyse. Recherches en didactique des langues et des cultures. Les Cahiers de l’Acedle, OpenEditions Journals, n. 14-2, 2017. Disponible sur https://journals.openedition.org/rdlc/1842. Consulté le 20 octobre 2020.
https://journals.openedition.org/rdlc/18...
), les énoncés produits par les différents interlocuteurs forment une chaîne: tout énoncé doit être envisagé à la fois comme un écho, une réponse à un énoncé précédent et comme la source d’un énoncé suivant. L’énoncé dialogique suppose donc deux énonciateurs qui reprennent la parole de l’autre (de façon explicite ou non) et y apportent une signification dans l’ici et maintenant (BRES; VERINE, 2002BRES, J., VERINE, B. Le bruissement des voix dans le discours: dialogisme et discours rapporté. Faits de langue, Paris, n. 19, p.159-169, 2002. ; SALAZAR ORVIG; GROSSEN, 2008SALAZAR ORVIG, A.; GROSSEN, M. Le dialogisme dans l’entretien clinique. Langage et Société, Paris: Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, n. 123-1, p.37-52, 2008.) ce qui constitue un dialogue permanent entre plusieurs discours, les siens, et ceux d’autrui.

L’enfant, dans le processus de socialisation langagière, développera des compétences au contact des dialogues d’autrui et au sein des genres de discours dans lesquels il est impliqué (VION, 1998VION, R. Du sujet en linguistique. In: VION, R. Les sujets et leurs discours. Enonciation et interaction, Aix-en-Provence: Publications de l’Université de Provence, 1998. p.189-202.). Plus que de simples contextes de production, les genres de discours définissent les aspects fonctionnels et structurels du langage qui seront mobilisés par les locuteurs en situation. Ils contribuent ainsi à l’élaboration progressive chez l’enfant de structures mentales complexes. Au cours du processus acquisitionnel, les genres de discours vont se complexifier, des genres premiers aux genres seconds (BAKHTINE, 1984BAKHTINE, M. Les genres du discours. In: BAKHTINE, M. Esthétique de la création verbale. Traduit du russe Alfreda Aucouturier. Préface de Tzvetan Todorov. Paris: Gallimard, 1984.). Les genres premiers sont les échanges verbaux spontanés, présents dans les premiers stades de développement de l’enfant, tandis que les genres seconds sont les échanges plus complexes, sans contextes immédiats, à l’oral ou à l’écrit. Pour SCHNEUWLY (1998SCHNEUWLY, B. Genres et types de discours: considérations ontogéniques et psychologiques. In: REUTER, Y. Les interactions lecture-écriture, Berne: Peter Lang, p.155-173, 1998.), l’apparition des genres seconds ne fait pas disparaître les genres premiers mais les réorganise en apportant de nouvelles significations et de nouvelles perspectives.

A l’instar des autres approches interactionnistes, l’approche dialogique de l’acquisition envisage cette dernière comme un processus dépendant des relations entretenues par l’enfant avec son milieu social “le centre nerveux de toute énonciation, de toute expression, n’est pas intérieur, mais extérieur: il est situé dans le milieu social qui entoure l’individu” (BAKHTINE/VOLOCHINOV, 1977BAKHTINE, M. (VOLOCHINOV, V, N ). Le marxisme et la philosophie du langage: Essai d’application de la méthode sociologique en linguistique. Traduit du russe et presenté par Marina Yaguello. Préface de Roman Jakobson. Paris: Minuit. 1977., p.134). Dans le dialogue, les individus se coordonnent, s’ajustent l’un à l’autre voire s’auto-adaptent afin de parvenir à la co-construction de l’énonciation. Cette “polyphonie énonciative” (VION, 2010VION, R. Polyphonie énonciative et dialogisme. Congrès International Dialogisme, Langue, Discours, Montpellier, 2010.) se manifeste à travers les reprises qui, même quand elles sont la répétition identique d’un énoncé précédent, diffèrent en ce qu’elles sont marquées par le positionnement du co-énonciateur (SALAZAR ORVIG; GROSSEN, 2008SALAZAR ORVIG, A.; GROSSEN, M. Le dialogisme dans l’entretien clinique. Langage et Société, Paris: Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, n. 123-1, p.37-52, 2008.) et permettent de faire circuler le sens des mots en fonction du discours de l’autre. Ainsi, “le Mot est un pont jeté entre moi et l’autre. S’il prend appui sur moi à une extrémité, à l’autre extrémité, il s’appuie sur l’interlocuteur. Le Mot est un territoire partagé par le locuteur et l’interlocuteur” (BAKHTINE/VOLOCHINOV, 1977BAKHTINE, M. (VOLOCHINOV, V, N ). Le marxisme et la philosophie du langage: Essai d’application de la méthode sociologique en linguistique. Traduit du russe et presenté par Marina Yaguello. Préface de Roman Jakobson. Paris: Minuit. 1977., p.87). Pour la réflexion présente, cela implique de considérer, d’une part, que l’enfant assimile les mots de la langue dans les usages en dialogue, et d’autre part, que la trace de cette assimilation est à chercher dans les reprises de l’enfant. La circulation des mots engendre des modifications du discours entraînant des significations qui n’étaient pas nécessairement partagées avant la mise en place du dialogue. D’ailleurs, cette absence de partage serait la condition même du dialogue (BAKHTINE, 1970BAKHTINE, M. La poétique de Dostoïevski. Paris: Seuil, 1970. Traduit du russe par Isabelle Kolitcheff. Paris: Éditions de Seuil, 1998.; BENDER, 1998BENDER, C. Bakhtinian Perspectives on “Everyday Life” Sociology. In: BELL, M. M.; GARDINIER, M. Bakhtine and the Human Sciences. London: Sage Publications, 1998. pp.181-195.). La pensée de Bakhtine et celle de Vygotski convergent sur ce point, ce dernier considérant que c’est l’asymétrie de la communication (ce que François (1990FRANÇOIS, F. Dialogue, jeux de langage et espace discursif. In: FRANÇOIS, F. La communication inégale. Heurs et malheurs de l’interaction verbale, Neuchâtel: Delachaux et Niestlé, 1990. p.33-112.) appelle la “communication inégale”) entre un expert (l’adulte) et un novice (l’enfant) qui permet l’établissement du dialogue et, dans une perspective acquisitionniste, la mise en fonctionnement du langage. Son assimilation progressive serait ainsi liée à l’apprentissage réalisé au sein de la Zone Proximale de Développement de l’enfant (VYGOTSKI, 1986VYGOTSKI, L.S. Thought and Language. (Newly revised, translated, and edited by Alex Kozulin). Cambridge (Massachusetts): The M.l.T. Press, 1986. [1934]. [1934]) et du dialogue dans lequel l’apprenant reprend, façonne et redirige ses propres discours et ceux des autres (CHAYNE; TARULLI, 1999CHAYNE, J. A.; TARULLI, D. Dialogue, Difference and Voice in the Zone of Proximal Development. Theory & Psychology, London: SAGE Publications, n. 9-1, pp.5-28, 1999.). Le dialogisme interdiscursif apparaît donc comme le support d’un processus d’apprentissage dynamique (GUIRAUD, 2017GUIRAUD, F. Dialogisme, discours familiaux et apprentissage du français en classe. Recherches en didactique des langues et des cultures. Les Cahiers de l’Acedle, OpenEditions Journals, n. 14-2, 2017. Disponible sur https://journals.openedition.org/rdlc/1885. Consulté le 20 octobre 2020.
https://journals.openedition.org/rdlc/18...
) permettant de mettre en évidence la façon dont l’enfant intègre les discours provenant des différentes sphères autour de lui et les partage avec l’autre pour entrer dans la langue.

Le dialogue adulte-enfant pourrait donc être envisagé comme le lieu privilégié du développement du langage, par la co-construction de significations partagées, et par voie de conséquence de la pensée puisque “ce n’est pas l’activité mentale qui organise l’expression, mais au contraire c’est l’expression qui organise l’activité mentale, qui la modèle et détermine son orientation” (BAKHTINE/VOLOCHINOV, 1977BAKHTINE, M. (VOLOCHINOV, V, N ). Le marxisme et la philosophie du langage: Essai d’application de la méthode sociologique en linguistique. Traduit du russe et presenté par Marina Yaguello. Préface de Roman Jakobson. Paris: Minuit. 1977.). Cette conception du lien entre langage et pensée, que l’on retrouve également dans les écrits de Vygotski, est partagée par la linguistique de l’acquisition.

1.2 L’approche “linguistique de l’acquisition”

En linguistique de l’acquisition, le langage de l’enfant est dépendant du langage dont il fait l’expérience dans ses multiples échanges avec l’adulte. La langue qui y est utilisée n’est pas décrite par rapport à une langue standard, normée, écrite. Une approche sociolinguistique de la langue, en considérant à la fois la diversité des genres discursifs (BRONCKART, 2014BRONCKART, J. P. Activité langagière, genres de textes et types de discours. Enjeux acquisitionnels. In: ESPINOSA, N.; VERTALIER, M.; CANUT, E., Linguistique de l’acquisition du langage oral et écrit. Convergences entre les travaux fondateurs de Laurence Lentin et les problématiques actuelles. Paris: L’Harmattan, 2014. p.25-50.) et des contextes d’énonciation (DEBAISIEUX; VERTALIER, 2014DEBAISIEUX, J. M.; VERTALIER, M. Apports de la linguistique de corpus à l’étude de la langue parlée et du langage adressé à l’enfant: syntaxe et rapport oral-écrit. In: ESPINOSA, N.; VERTALIER, M.; CANUT, E. Linguistique de l'acquisition du langage oral et écrit. Convergences entre les travaux fondateurs de Laurence Lentin et les problématiques actuelles. Paris: L’Harmattan, 2014. p.51-84.) permet de décrire la langue à acquérir comme un ensemble de variantes énonciatives diversifiées (LENTIN, 2009LENTIN, L. Apprendre à penser, parler, lire, écrire. Acquisitio du langage oral et écrit. Paris: ESF, 2009. [1998][1998]), situées sur un continuum allant de l’oral le plus spontané à l’écrit le plus formel. Chacune de ces variantes s’inscrit dans des genres discursifs différents, en répondant aux exigences culturelles et pratiques de la situation de communication dans laquelle se trouvent engagés les deux interlocuteurs. Le fonctionnement langagier et son acquisition sont donc décrits en contexte et en situation, à l’instar des approches dialogiques.

Cette mise en fonctionnement du langage, loin d’être isolée de toute activité mentale, est reliée directement au fonctionnement de la pensée (BAKHTINE/VOLOCHINOV, 1977BAKHTINE, M. (VOLOCHINOV, V, N ). Le marxisme et la philosophie du langage: Essai d’application de la méthode sociologique en linguistique. Traduit du russe et presenté par Marina Yaguello. Préface de Roman Jakobson. Paris: Minuit. 1977.; VYGOTSKI, 1995VYGOTSKI, L.S. Apprentissage et développement à l’âge préscolaire. Société Française, n. 52-2, p.35-45, 1995. [1934][1934] ; WALLON, 1945WALLON, H. Les Origines de la pensée chez l'enfant, Paris: PUF. 1945.). L’approche en linguistique de l’acquisition s’attache ainsi à décrire la mise en œuvre d’un fonctionnement cognitivo-langagier. Un lien d’interdépendance est établi entre la structuration de la pensée et celle du langage: “Le développement de la pensée et celui du langage sont présentés comme interdépendants, le langage contribuant au développement et à la structuration de la pensée et à l’accès à l’abstraction” (CANUT; VERTALIER, 2014CANUT, E.; VERTALIER, M. Les schèmes sémantico-syntaxiques dans le processus interactionnel d’acquisition. In: ESPINOSA, N., VERTALIER, M., CANUT, E. Linguistique de l'acquisition du langage oral et écrit. Convergences entre les travaux fondateurs de Laurence Lentin et les problématiques actuelles. Paris: L’Harmattan, 2014. p.85-116., p.85). Lentin (2009LENTIN, L. Apprendre à penser, parler, lire, écrire. Acquisitio du langage oral et écrit. Paris: ESF, 2009. [1998] [1998]) parle d’un “apprendre à penser-parler”, la structuration langagière permettant l’expression d’une pensée explicite et structurée, notamment par l’organisation syntaxique des énoncés et du discours.

Ces éléments mettent en évidence l’importance dans cette approche accordée à la dimension syntaxique. Alors qu’elle compare les compétences lexicales et morphosyntaxiques d’enfants de 3 à 6 ans, Lentin (notamment 1975LENTIN, L. Problématique de l’acquisition de la syntaxe chez le jeune enfant. Langue Française, Paris: Larousse, n. 27, p.14-23, 1975., 2009LENTIN, L. Apprendre à penser, parler, lire, écrire. Acquisitio du langage oral et écrit. Paris: ESF, 2009. [1998] [1998]) met en évidence que les différences principales de fonctionnement langagier chez les enfants se trouvent dans la configuration syntaxique de leurs énoncés. Certains enfants présentent ainsi des formulations implicites de leur pensée, quand d’autres produisent des verbalisations explicites, avec des énoncés élaborés et articulés entre eux.

L’organisation des éléments de son discours, notamment à partir de l’organisation syntaxique des constituants de son énoncé, permet à l’enfant de verbaliser une pensée abstraite, organisée et structurée, accessible à son interlocuteur (LENTIN, 2009LENTIN, L. Apprendre à penser, parler, lire, écrire. Acquisitio du langage oral et écrit. Paris: ESF, 2009. [1998] [1998]). Le fonctionnement syntaxique est alors décrit comme la mise en relation d’éléments langagiers porteurs de signification dans la situation d’interlocution.

Cette activité cognitivo-langagière n’est pas menée en dehors de tout contexte d’énonciation, elle est “culturellement située, elle n’est jamais isolée ou menée sans assistance” (BRUNER, 1983aBRUNER, J. S. Le développement de l’enfant: savoir-faire, savoir-dire. Paris: PUF, 1983a.; VYGOTSKI, 1986VYGOTSKI, L.S. Thought and Language. (Newly revised, translated, and edited by Alex Kozulin). Cambridge (Massachusetts): The M.l.T. Press, 1986. [1934]. [1934]). Dans ses interactions avec l’adulte, l’enfant fait l’expérience d’un langage qui lui est directement adressé, qui répond à ses besoins communicatifs, et qui en même temps étaye ses productions tant du point de vue des usages, de la signification que de la forme des éléments langagiers. Le langage adressé à l’enfant ne constitue pas un modèle présenté de façon figée mais s’insère dans des mécanismes interactionnels soutenant l’activité cognitivo-langagière de l’enfant. L’adulte offre, reprend, reformule des fonctionnements langagiers: “dans une activité dialogique signifiante avec l’adulte, l’enfant prend progressivement ce qu’il est en mesure d’utiliser pour faire fonctionner son système de production-compréhension langagière” (LENTIN, 2009LENTIN, L. Apprendre à penser, parler, lire, écrire. Acquisitio du langage oral et écrit. Paris: ESF, 2009. [1998][1998], p.47).

Parmi ces mécanismes, la reprise des paroles de l’autre joue un rôle fondamental. L’adulte, qui répond aux essais de production langagière de l’enfant, reprend, reformule la production de l’enfant, s’inscrit dans une interaction à la fois signifiante pour ce dernier, mais également adaptée. Ces reprises de l’adulte, à condition qu’elles soient proches des capacités de l’enfant, se situent alors dans une zone de développement potentiel de l’enfant. Les essais de production de l’enfant sont en ce sens constitutifs des processus d’acquisition du langage. Les effets de ces reprises sur l’acquisition du langage ne sont pas toujours évidents à saisir dans le déroulement de la conversation mais des traces sont parfois visibles dans la suite de l’échange entre l’adulte et l’enfant (BERTIN, 2014BERTIN, T. Rôle des reprises dans l’acquisition des articles et des clitiques sujets chez des enfants francophones âgés de 2 à 3 ans. TRANEL - Travaux Neuchâtelois de Linguistique, Neuchâtel, n. 60, p.21-31, 2014. ; CANUT; VERTALIER, 2014CANUT, E.; VERTALIER, M. Les schèmes sémantico-syntaxiques dans le processus interactionnel d’acquisition. In: ESPINOSA, N., VERTALIER, M., CANUT, E. Linguistique de l'acquisition du langage oral et écrit. Convergences entre les travaux fondateurs de Laurence Lentin et les problématiques actuelles. Paris: L’Harmattan, 2014. p.85-116., p.114):

[...] s’il n’est pas possible d’atteindre l’intrapsychique, on peut relever des éléments indiquant des ruptures, des points de changement, des transformations, au sens vygotskien du terme, qui pourraient être des indices du fonctionnement interpsychique.

Ces indices se retrouvent notamment dans les reprises effectuées par l’enfant des offres ou des reformulations proposées par l’adulte. Ce mécanisme de reprises réciproques, son fonctionnement dans les interactions adulte-enfant, et ses effets sur l’acquisition des éléments par l’enfant ont été décrits dans le cadre de l’acquisition des constructions syntaxiques (CANUT; VERTALIER, 2014CANUT, E.; VERTALIER, M. Les schèmes sémantico-syntaxiques dans le processus interactionnel d’acquisition. In: ESPINOSA, N., VERTALIER, M., CANUT, E. Linguistique de l'acquisition du langage oral et écrit. Convergences entre les travaux fondateurs de Laurence Lentin et les problématiques actuelles. Paris: L’Harmattan, 2014. p.85-116.) et de l’acquisition de certains éléments de morphologie grammaticale (BERTIN, 2011BERTIN, T. Grammaticalisation du langage de l’enfant: processus interactionnel d’appropriation des articles et des clitiques sujets chez des enfants francophones entre 1 et 3 ans. Thèse de doctorat, Nancy: Université Nancy 2, 2011., 2014BERTIN, T. Rôle des reprises dans l’acquisition des articles et des clitiques sujets chez des enfants francophones âgés de 2 à 3 ans. TRANEL - Travaux Neuchâtelois de Linguistique, Neuchâtel, n. 60, p.21-31, 2014.). Ainsi, Canut et Vertalier (2014CANUT, E.; VERTALIER, M. Les schèmes sémantico-syntaxiques dans le processus interactionnel d’acquisition. In: ESPINOSA, N., VERTALIER, M., CANUT, E. Linguistique de l'acquisition du langage oral et écrit. Convergences entre les travaux fondateurs de Laurence Lentin et les problématiques actuelles. Paris: L’Harmattan, 2014. p.85-116.) décrivent comment les constructions syntaxiques complexes apparaissent d’abord chez l’enfant en relation directe avec les propositions de l’adulte, dans des reprises immédiates identiques puis apparaissent progressivement en production autonome. Dans le cas des éléments de morphologie libre, Bertin (2011BERTIN, T. Grammaticalisation du langage de l’enfant: processus interactionnel d’appropriation des articles et des clitiques sujets chez des enfants francophones entre 1 et 3 ans. Thèse de doctorat, Nancy: Université Nancy 2, 2011., 2014)BERTIN, T. Rôle des reprises dans l’acquisition des articles et des clitiques sujets chez des enfants francophones âgés de 2 à 3 ans. TRANEL - Travaux Neuchâtelois de Linguistique, Neuchâtel, n. 60, p.21-31, 2014. montre comment, dans l’interaction immédiate, les reprises de l’adulte des essais de l’enfant entraînent une modification progressive de la production initiale de l’enfant, indice d’une saisie de sa part d’un décalage entre la forme de ses dires et de ceux de l’adulte (CLARK, 2010CLARK, E. V. Interaction et acquisition des mots. In: BERNICOT, J., VENEZIANO, E., MUSIOL, M., BERT-ERBOUL, A. Interactions verbales et acquisition du langage. Paris: L’Harmattan, 2010. p.25-43.). Le fonctionnement du dialogue entre l’adulte et l’enfant, avec des mécanismes de reprises des paroles de l’interlocuteur, par une adaptation tant fonctionnelle que formelle, constitue donc le cadre des processus d’acquisition du langage. Ainsi, les interactions langagières adaptées, inscrites dans l’expérience de l’enfant, jouent un rôle moteur dans les processus d’acquisition du langage.

La présentation s deux approches ci-dessus fait apparaître des points épistémologiques et théoriques communs ainsi que des spécificités propres à chaque théorie. Focalisées sur des dimensions différentes du fonctionnement interactionnel pour expliquer l’acquisition du langage, l’approche dialogique et l’approche linguistique de l’acquisition pourraient toutefois être associées pour mieux décrire ces processus interactionnels d’acquisition. Nous proposons donc dans la suite une analyse d’exemples extraits d’interactions adulte-enfant combinant ces deux entrées dans la description des phénomènes interactionnels responsables de l’acquisition du langage.

2 Étude des reprises morphosyntaxiques dans des dialogues adulte-enfant

Nos analyses portent sur quatre extraits d’interactions spontanées entre des adultes et des enfants, tout-venant et atypique, âgés de 2 à 4 ans. Les extraits sont issus de données collectées dans le cadre de nos travaux de recherche respectifs qui portent sur le jeune enfant (BERTIN, 2011BERTIN, T. Grammaticalisation du langage de l’enfant: processus interactionnel d’appropriation des articles et des clitiques sujets chez des enfants francophones entre 1 et 3 ans. Thèse de doctorat, Nancy: Université Nancy 2, 2011.) et sur l’enfant à développement atypique (MASSON et al., 2017MASSON, C.; LAVERDURE, S.; CALDERARO-VIEL, C. Etayage de l’adulte et multimodalité: étude exploratoire des modalités d’interaction dans le cadre d’une prise en charge d’un enfant avec retard de langage. TRANEL - Travaux neuchâtelois de linguistique, Neuchâtel, n. 66, p.143-156, 2017.).

Notre ambition n’est pas de comparer les corpus pour souligner des similarités ou des différences entre les enfants mais de montrer la façon dont la reconnaissance de l’enfant comme partenaire de conversation et les conduites dialogiques entre lui et le partenaire adulte ont des effets sur l’utilisation d’éléments structurant ses énoncés, que l’enfant présente un développement typique ou atypique du langage. Pour cela, nous avons focalisé nos analyses sur les reprises et reformulations, considérant que la circulation d’éléments entre les partenaires entraîne un réinvestissement par l’enfant d’éléments lexicaux mais aussi morphologiques ou syntaxiques, qui joue un rôle essentiel dans son acquisition langagière. Nos analyses vont plus spécifiquement porter sur l’effet des reprises dialogiques en écho de l’adulte sur le réinvestissement immédiat dans le dialogue par l’enfant de structures syntaxiques, de déterminants et de clitiques sujets.

2.1 Analyse des séquences d’échanges adultes-enfants

Les extraits 1 et 2 sont issus d’un corpus longitudinal d’interactions filmées entre une thérapeute et un enfant âgé d’environ 4 ans présentant un retard de langage. Les extraits 3 et 4 sont issus d’interactions individuelles filmées entre une chercheuse et un enfant âgé de 2 ans 5 mois (extrait 3) et entre une mère et son enfant âgé de 2 ans (extrait 4).

2.1.1 Adulte-enfant avec retard de langage

Nous avons sélectionné deux extraits dans lesquels deux types de tâches ont été mises en place par la thérapeute: l’une de création de phrases canoniques et l’autre de dénomination. Dans les deux cas, les partenaires sont engagés dans des genres de discours spécifiques de la situation d’intervention en orthophonie (comme les activités métalinguistiques; DA SILVA, 2014DA SILVA, C. Étude des processus de rééducation dans le cas des troubles spécifiques du développement langagier, Thèse de doctorat, Paris-Neuchâtel, 2014.) et qui contraignent les productions verbales des participants. En effet, dans le premier extrait, il est attendu que les deux locuteurs produisent des énoncés de type sujet-verbe-(objet) et dans le deuxième, des mots isolés ou pris dans des constructions du type “c’est + X”. Néanmoins, comme nous allons le présenter, les modalités d’intervention des locuteurs ne sont pas totalement induites et provoquées et leur permettent donc une certaine liberté créative (DE WECK, 2003DE WECK, G. Pratiques langagières, contextes d’interaction et genres de discours en logopédie/orthophonie, TRANEL - Travaux Neuchâtelois de Linguistique, Neuchâtel, n. 38, p.25-48, 2003.).

Extrait 1 : RAY., 4 ans 1 mois1 1 Dans les exemples suivants, les productions qui font l’objet d’analyses sont en italique. .

Dans cet extrait, la thérapeute vise à développer les compétences morphosyntaxiques de l’enfant. Celui-ci doit créer, à l’aide de pictogrammes à placer les uns à côté des autres, des phrases simples (“tu manges la soupe” puis “le chien mange la soupe”). L’extrait est composé de deux parties (partie 1 et partie 2). Entre ces deux parties, séparées d’environ une minute, les locuteurs construisent ensemble une autre phrase et abordent d’autres sujets qui ne sont pas liés à l’activité.

Les analyses conjointes des productions de l’adulte et de l’enfant permettent d’illustrer les apports du dialogue sur le langage de l’enfant.

Partie 1

E1 - on <man(ge)> [>] ...

A1 - <mange> [<] (.) la soupe

A2 - alors (.) manger

A3 - mange

E2 - elle est là la soupe {place le pictogramme “soupe” à côté de celui de “manger”}

E3 - man(ge) ...

A4 - regarde (.) tu (.) soupe

E4 - tu (.) soupe

A5 - ça va pas ça il manque quelque chose là {pointe la phrase créée par E}

A6 - manger (.) manger avec la cuillère

{E prend le pictogramme “manger”}

A7 - oh ça va mieux (.) tu ...

E5 - tu ...

A8 - manges la <soupe > [<]

E6 - < man(ges)> [>] la (.) soupe (.) avec une cuillère pas avec les avec les doigts {montre ses doigts}

A9 - pas avec les doigts

E7 - avec les ...

A10 - on mange pas la soupe avec les doigts

L’étayage de l’adulte est au départ focalisé sur la réalisation de la tâche. La thérapeute signale à l’enfant qu’il s’est trompé et qu’il faut ajouter un élément (A4 et A5). Face à l’absence de réaction de l’enfant, l’adulte a alors recours à deux procédés: d’une part, offrir le mot manquant (A2: manger) et d’autre part, ajouter une précision par le biais de deux extensions A6: manger avec la cuillère et A8 : manges la soupe). Ces modalités semblent jouer un effet catalyseur sur les productions verbales de l’enfant puisqu’elles sont non seulement reprises en E6 mais en outre se trouvent modifiées par l’ajout de “pas avec les doigts”, repris partiellement par l’adulte en A9 puis dans un énoncé syntaxiquement complet en A10. En apportant des précisions sur la façon dont il convient de manger la soupe dans des constructions syntaxiques variées qui font sens, l’adulte a permis à l’enfant de réinvestir de façon immédiate des éléments lexicaux et syntaxiques. Ainsi, leur reprise en E6 montre la saisie par l’enfant des propositions de l’adulte. Plus précisément, on voit comment l’enfant prend appui sur ces éléments pour construire un énoncé qui n’est pas tout à fait identique à ceux que l’adulte a produits précédemment.

Partie 2: plusieurs tours de parole plus tard

A1 - c'est quoi?

E2 - papa man(ge) ...

A2 - bah <papa> [>]? {pointe le pictogramme “chien” sur la phrase créée par E}

E3 - <xxx> [<]

A3 - le chien ...

E4 - chien <man(ge)> [>] ...

A4 - <mange> [<] ...

E5 - man(ge) ...

A5 - de la soupe

E6 - soupe

A6 - ouais de la soupe

E7 - tiens ça c'est quoi? {pointe un pictogramme}

A7 - ça? {pointe le pictogramme “manger”

E8 - oui

A8 - manger

E9 - man(g)er

A9 - manger tu vois avec <les doigts> [>] {montre le pictogramme “manger” et mime le geste de manger}

E10 - <man(g)er> [<]

A10 - manger {fait semblant de manger avec une cuillère}

E11 - [a] man(g)er avec la cuillère

A11 - oh ben oui on mange avec la cuillère t’as raison

Dans cette seconde partie, le dialogue revient au thème de départ avec un changement sur le référent (non plus “tu” mais “le chien mange”). C’est la proposition de l’adulte de “manger avec les doigts” qui réactive la production antérieure décrite dans la partie 1 et qui fait dire à l’enfant qu’on “mange avec la cuillère”. Il est intéressant de noter que, à l’inverse de la première partie, l’adulte opère ici un étayage linguistique assez minimal (productions d’énoncés incomplets en A5 et A6 et de mots isolés en A4 et A8 par exemple). Il semble donc que ce n’est pas l’étayage dans le discours immédiat de l’adulte qui explique la reprise de l’enfant de la construction “manger avec la cuillère”. Cet extrait illustre l’effet de la circulation d’un mot dans le dialogue (ici, “cuillère”) et une situation de réinvestissement différé qui peut émerger grâce au dialogue construit entre les deux participants. En outre, on peut constater un réinvestissement ultérieur sur le plan morphosyntaxique par la production, absente dans l’énoncé E6 en partie 1, d’un élément vocalique [a] (un filler2 2 Nous entendons ici par filler un élément, souvent vocalique, précurseur d’élément de morphologie libre. ; PETERS, 2001PETERS, A.M. Fillers Syllables: What is their Status in Emerging Grammar? Journal of Child Language, Cambridge University Press, n. 28-1, pp.229-242, 2001.), repris et interprété comme “on” dans l’énoncé A11.

Le deuxième extrait illustre une tâche de dénomination à partir de la combinaison d’images et de sons. L’enfant, à l’écoute de sons variés de l’environnement (bruits de véhicules, cris d’animaux, etc.), doit retrouver l’image correspondante et la nommer. Il s’agit d’une activité focalisée sur la compréhension et l’expression d’éléments lexicaux.

Extrait 2 : RAY., 3 ans 9 mois

{on entend le son de la pluie qui tombe}

E1 - c'est là l'eau

A1 - c'est de l'eau tu as raison

E2 - [a] l'eau {pointe une image représentant une étendue d'eau}

A2 - écoute écoute c'est de l'eau (.) qui tombe du ciel

A3 - regarde la fille elle a quoi là?

A4 - elle a … {pointe l'image}

E3 - bo(ttes)

A5 - elle a des bottes

A6 - quand est-ce qu'on met les bottes? {lève les paumes vers le ciel}

A7 - quand il ...

A8 - pleut il pleut très fort

A9 - écoute oh là là i(l) pleut

{E cherche l’image de la pluie parmi toutes}

A10 - là {pointe l'image de la pluie}

A11 - c'est là alors celui-là il est t(rès) très très difficile tu vois elle a pris un parapluie

A12 - maman des fois elle prend peut-être un parapluie {insiste sur maman et parapluie}

E4 - <oui {hoche la tête} et papa> [>] non {hoche la tête}

A13 - <hein quand i(l)> [<]

A14 - <et papa non> {hoche de la tête} bah ouais c'est les mamans des fois qui ont

des parapluies

A15 - et les bottes qui met les bottes c'est toi hein?

E5 - oui {sourit}

A16 - oui je sais qu(e) t’as des bottes {rit}

E6 - xxx bottes {pointe ses pieds}

A17 - ah ouais ouais des bottes

E7 - maman xxx à nous

A18 - il pleut regarde il pleut

E8 - et xxx {pointe ses pieds}

A19 - et maman elle met les bottes voilà quand il pleut hein quand il fait mauvais il pleut

E9 - et maman [e] met bottes

Ici, l’objectif de l’adulte est de faire deviner à l’enfant le mot “pluie” à partir d’une définition (A2: c’est de l’eau qui tombe du ciel) et de l’illustration sur laquelle elle pense que l’enfant pourra faire une inférence A3: la petite fille elle a quoi?, A6: quand est-ce qu’on met les bottes?). La réponse est finalement apportée par l’adulte, présentée sous la forme d’un énoncé complet avec une modulation dans le second cas (A8: il pleut très fort) puis par la présentation d’un autre indice, le parapluie (A11: elle a pris un parapluie) qu’elle va ensuite mettre en lien avec l’expérience personnelle de l’enfant (A12: maman des fois elle prend peut-être un parapluie). Cette référence semble faire sens pour l’enfant car elle lui permet de passer d’une situation générique à une expérience spécifique (FRANÇOIS, 1989FRANÇOIS, F. Langage et pensée: dialogue et mouvement discursif chez Vygotski et Bakhtine. Enfance, Paris: PUF, n. 42-1, p.39-47, 1989. Disponible sur https://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1989_num_42_1_1877 Consulté le 20 octobre 2020.
https://www.persee.fr/doc/enfan_0013-754...
) et explique sans doute l’introduction par l’enfant, dans sa reprise en E4, d’un nouveau référent (“papa”). L’adulte permet donc à l’enfant de faire l’expérience d’un nom employé de façon décontextualisée dans la dénomination et de façon contextualisée dans celui de l’évocation personnelle. La suite du dialogue montre la tentative de l’enfant de construire d’autres énoncés à partir des différents éléments qui circulent entre les deux participants (les bottes, maman, lui-même). Alors que E6, E7 et E8 sont des énoncés incomplets, E9, en reprise de l’énoncé A19 de l’adulte, lui-même construit à la suite des productions de mots isolés de l’enfant, est complet.

Si l’enfant n’a pas produit le mot attendu “pluie”) à la fin du dialogue, il a pu néanmoins construire une signification à partir des éléments connus, issus de son expérience personnelle. En effet, les connaissances de l’enfant étant le résultat d’un processus d’appropriation qui se matérialise au cours de l’échange dans les reprises et les interprétations verbales et non verbales de l’adulte, les apprentissages langagiers vont dépendre de la manière dont l’adulte inscrit son discours par rapport aux connaissances déjà acquises de l’enfant, à sa participation et à son intérêt (GUIRAUD, 2017GUIRAUD, F. Dialogisme, discours familiaux et apprentissage du français en classe. Recherches en didactique des langues et des cultures. Les Cahiers de l’Acedle, OpenEditions Journals, n. 14-2, 2017. Disponible sur https://journals.openedition.org/rdlc/1885. Consulté le 20 octobre 2020.
https://journals.openedition.org/rdlc/18...
; MASSON et al., 2017MASSON, C.; LAVERDURE, S.; CALDERARO-VIEL, C. Etayage de l’adulte et multimodalité: étude exploratoire des modalités d’interaction dans le cadre d’une prise en charge d’un enfant avec retard de langage. TRANEL - Travaux neuchâtelois de linguistique, Neuchâtel, n. 66, p.143-156, 2017.). Cette inscription du dialogue dans l’histoire de l’enfant se fait par le biais de la narration marquée par le recours à la subordination en “quand” (donc à un élément de complexité syntaxique) alors même que l’enfant n’est pas en mesure de produire ce type de construction. A notre sens, c’est à la fois le genre de discours (récit d’expérience personnelle) et la représentation qu’a l’adulte des capacités supposées de l’enfant qui pourraient expliquer la présence de ce type de complexité.

Ce dialogue offre aussi la possibilité à l’enfant de faire des essais morphosyntaxiques. A plusieurs reprises, le mot “bottes” a été produit par l’adulte et de différentes manières: “des bottes” (A5, A16), “les bottes” (A6, A15), “met les bottes” (A19). Chez l’enfant, on remarque que ce mot est produit de façon incomplète et isolée en E3 puis à la suite d’un segment incompréhensible en E6 avant de l’être après le filler [e] et dans un énoncé à noyau verbal (E9).

L’analyse menée sur ces extraits montre qu’une focalisation sur les phénomènes inter-discursifs combinée à une description linguistique structurelle apportent un éclairage sur les modalités d’acquisition chez un enfant en grande difficulté d’acquisition du langage. Les reprises, par l’enfant, de l’ensemble des discours qui l’entourent, montrent ainsi l’élaboration de son langage et sa pensée, soutenue par l’étayage de l’adulte.

2.1.2 Adulte-enfants tout-venant

Dans le cas des conversations spontanées entre adulte et enfant tout venant, l’évocation de l’expérience personnelle constitue le même type de contexte à la construction dialogique de la signification, notamment par la circulation entre les locuteurs des éléments formels qui y sont associés. Nous allons voir comment les phénomènes de reprises, d’échos aux discours précédents, et notamment de l’interlocuteur, constituent un appui pour la construction de ses énoncés par l’enfant.

L’extrait ci-dessous présente un échange spontané entre un enfant de 2 ans 5 mois et une observatrice. L’adulte y interroge l’enfant à propos d’une blessure sur son front.

Extrait 3 : SOP., 2 ans 5 mois

A94 - qu’est-ce que tu as fait là ?

S94 - [e] [e] barrière

A95 - avec la barrière?

S95 - ouais

A96 - tu t’es cognée dans la barrière

S96 - ouais [vea] cognée [a] barrière

A97 - hum tu t’es cognée dans la barrière

Alors que l’adulte la sollicite sur la narration d’un événement passé, l’enfant répond par un lexème précédé d’un élément vocalique (S94: [e] barrière). L’adulte reformule ce lexème accompagné de la morphologie appropriée (A95: avec la barrière). Cette reformulation ne contient pas d’élément nouveau de signification, le mot circule entre les deux interlocuteurs et seul son “habillage” morphologique est modifié. C’est seulement suite à cet échange, dans lequel deux locuteurs s’accordent sur l’objet du discours, que l’adulte propose une verbalisation de l’évènement potentiel à l’aide d’un énoncé syntaxiquement structuré, réinvestissant le mot proposé initialement par l’enfant et répondant à sa propre question (A96: tu t’es cognée dans la barrière). La signification proposée par l’adulte au travers de cet énoncé est reprise par l’enfant dans un énoncé à la syntaxe et aux lexèmes identiques, avec des essais sur les éléments de morphologie grammaticale (S96: [vea] cognée [a] barrière). Cette reprise en écho par l’enfant illustre l’appui que constitue ce type de productions adulte pour ses propres productions : la verbalisation de l’adulte, qui intègre l’élément de signification antérieurement défini, est suivie ici d’un réinvestissement immédiat de l’énoncé par l’enfant qui répond alors à la question posée par l’adulte au début du dialogue. L’adulte reformule ensuite l’énoncé de l’enfant à l’identique, avec les éléments morphologiques appropriés (A97). Cet enchaînement d’énoncés, présentant une résonance syntaxique (A96 à A97), nous semble s’inscrire dans ce que Du Bois (2014)DU BOIS, J. Towards a Dialogic Syntax. Cognitive Linguistics, Berlin: De Gruyter, n. 25-3, pp.359-410, 2014. nomme dialogic syntax:

La syntaxe dialogique englobe les processus linguistiques, cognitifs et interactionnels qui se déroulent dès lors que les locuteurs reprennent certains aspects des énoncés précédents et quand les récepteurs reconnaissent les parallélismes qui en résultent et en dégagent des inférences. Le mécanisme le plus visible se donne quand un locuteur construit un énoncé sur la base d’un énoncé immédiatement adjacent du partenaire dialogique (DU BOIS, 2014DU BOIS, J. Towards a Dialogic Syntax. Cognitive Linguistics, Berlin: De Gruyter, n. 25-3, pp.359-410, 2014., p.1)3 3 En anglais: “Dialogic syntax encompasses the linguistic, cognitive, and interactional processes involved when speakers selectively reproduce aspects of prior utterances, and when recipients recognize the resulting parallelisms and draw inferences from them. Its most visible reflex occurs when one speaker constructs an utterance based on the immediately co-present utterance of a dialogic partner (DU BOIS, 2014, p.1)”. .

La structure syntaxique des énoncés des deux locuteurs présente des parallélismes et dans le cas présent, ces mécanismes permettent à l’enfant de saisir des informations sur la structure de la langue et à l’adulte de répondre aux essais de l’enfant. Cependant, il est intéressant de constater que dans son énoncé, l’enfant reprend son lexème de départ mais modifie la forme du filler qui le précède (de S94: [e] barrière à S96: [a] barrière). Cette reprise n’est ainsi pas un écho simple ou une répétition mécanique: elle présente des traces de modification de son discours antérieur par l’enfant et n’est pas strictement identique à l’énoncé de l’adulte. Nous considérons ces phénomènes comme des indices d’un processus d’acquisition en cours, à l’instar des observations de Guiraud (2017GUIRAUD, F. Dialogisme, discours familiaux et apprentissage du français en classe. Recherches en didactique des langues et des cultures. Les Cahiers de l’Acedle, OpenEditions Journals, n. 14-2, 2017. Disponible sur https://journals.openedition.org/rdlc/1885. Consulté le 20 octobre 2020.
https://journals.openedition.org/rdlc/18...
) sur l’apprentissage du français langue seconde concernant le rôle des procédés dialogiques inter-discursifs dans le processus global d’acquisition de la langue-cible.

Cet échange témoigne de la façon dont l’adulte, en réinvestissant les discours antérieurs, apporte à l’enfant les moyens morphosyntaxiques et lexicaux dont il a besoin pour exprimer la signification qu’il souhaite transmettre. D’un point de vue dialogique, nous pouvons observer comment une appropriation, par les deux locuteurs, du contenu informationnel apporté par l’un et l’autre, par un réemploi des mots, conduit à l’élaboration d’un énoncé syntaxiquement construit.

L’extrait suivant présente un dialogue entre une mère et son enfant âgé de 2 ans qui rapportent un événement passé. Il met en évidence la façon dont l’adulte s’appuie sur les verbalisations de l’enfant pour lui proposer des énoncés syntaxiquement plus longs, avec les éléments de morphologie appropriés, tout en poursuivant le dialogue par l’ajout d’éléments informationnels pour maintenir une conduite narrative. Cet extrait permet d’illustrer comment l’enfant se saisit de ces informations et joue son rôle de co-narrateur.

Extrait 4 : RAP. , 2 ans

E1 - [didike] {en regardant une figurine de Mickey} oh [anoɛj]

A1 - une oreille

{E prend la figurine dans ses mains et la regarde}

E2 - [ekate]

A2 - elle était cassée cette oreille et qu’est-ce qu’i(l) s’est passé après? ... qu’est-ce qu’il a fait papa ?

E3 - [epawe]

A3 - il a réparé l’oreille

E4 - [eke]

A4 - oui il a réparé papa a réparé l’oreille de Mickey il a mis un peu de colle ...

{E manipule la figurine tout en la regardant}

E5 - oui

A5 - hum

E6 - [økɔn]

A6 - hum il a mis de la colle papa

E7 - [akɔn]

A7 - hum

Au début de cet échange, l’enfant initie un dialogue à propos de sa figurine (E1: [didike] oh [anoɛj], E2: [ekate]). L’adulte interprète et reprend ces éléments dans un énoncé construit et il poursuit le dialogue en sollicitant la narration d’un événement passé (A1: une oreille, A2: elle était cassée cette oreille et qu’est-ce qu’i(l) s’est passé après? ... qu’est-ce qu’il a fait papa?). La suite de l’échange illustre au travers de phénomènes inter-discursifs comment les deux interlocuteurs réinvestissent le discours de l’autre pour mener cette narration. Ces réinvestissements permettent à l’adulte de proposer à l’enfant les éléments de morphosyntaxe qu’il ne maîtrise pas encore dans les énoncés qu’il produit. En E3, l’enfant répond à la question de l’adulte et entame donc la narration (E3: [epawe]). L’adulte (A3) reformule l’énoncé de l’enfant avec les éléments de morphologie appropriés et il y réinsère l’élément de signification “oreille” qui circule entre les deux locuteurs depuis le début du dialogue (A3: il a réparé l’oreille). L’enfant complète ensuite le discours de l’adulte par un nouvel élément (E4 [eke]). La première partie de l’énoncé suivant de l’adulte (A4) résulte alors d’une co-construction d’un énoncé plus long et de sa signification en dialogue : l’adulte insère le discours précédent de l’enfant dans un énoncé construit (A4: papa a réparé l’oreille de Mickey [...]), son énoncé fait alors écho au discours antérieur de l’enfant (E3 et E4) ainsi qu’au sien (A3). Le discours de l’adulte comporte donc à la fois des éléments de reformulation formelle (morphosyntaxe) et informationnels. L’adulte poursuit son énoncé en décrivant un nouvel évènement (A4: [...] il a mis un peu de colle). La saisie par l’enfant des éléments proposés ou reformulés par l’adulte est illustrée par ses reprises (A4: [...] il a mis un peu de colle - E6: [økɔn] et A6: il a mis un peu de colle - E : [akɔn]). La fin de cet extrait illustre comment l’enfant et l’adulte utilisent la reprise à la fois pour s’accorder sur un élément informationnel (l’utilisation de colle) et pour s’accorder sur l’aspect formel de ce dernier. En effet, en E6, l’enfant reprend le syntagme nominal proposé par l’adulte en A4 (“...un peu de colle”) précédé d’un filler (E6 : [økɔn]). En A6, l’adulte reprend cette production de l’enfant, en l’insérant dans un énoncé qui reprend les éléments informationnels précédents. Sa reprise semble alors se focaliser sur les aspects morphosyntaxiques de cette production (A6: hum il a mis de la colle papa). L’enfant reprend alors une nouvelle fois ce syntagme nominal, mais en le précédant d’un élément vocalique différent (E7: [akɔn]) et de nouveau sans ajout d’informations nouvelles.

Cette séquence illustre le rôle que joue la reprise chez l’adulte et chez l’enfant d’un point de vue dialogique, dans l’acquisition de la conduite narrative d’expériences passées: ajouter des éléments en s’appuyant sur ce que l’autre dit, et d’un point de vue structurel, dans l’acquisition des aspects morphosyntaxiques. De ce point de vue, les reprises de ces deux interlocuteurs semblent donc relever de deux catégories : dialogiques et structurelles. Envisager les reprises par leur rôle dans l’acquisition des conduites discursives et des aspects structurels permet de décrire les processus interactionnels d’acquisition du langage dans leur dualité dimensionnelle: fonctionnelle et formelle.

Conclusion

L’approche dialogique et l’approche linguistique de l’acquisition considèrent toutes deux que l’interaction est le constituant fondamental du fonctionnement langagier. Toute interaction porte l’empreinte des discours antérieurs : tout énoncé est relié à des énoncés déjà produits, entendus dans différents contextes. Observer ces phénomènes de reprises paraît opérant pour entrevoir les processus d’acquisition du langage.

Une analyse combinée, basée sur la dimension structurelle de la linguistique de l’acquisition et sur la dimension fonctionnelle de l’approche dialogique permet de saisir la valeur, le rôle et la fonction des dialogues adulte-enfant dans les processus d’acquisition des aspects morphosyntaxiques du langage, indissociables des conduites discursives et dialogiques dans lesquels ils s’insèrent. La complémentarité des apports de Bakhtine et de Vygotski apparaît comme essentielle pour mieux appréhender la complexité du fonctionnement des processus interactionnels d’acquisition du langage et la multi-aspectualité de l’acquisition langagière de façon plus générale.

Ainsi, quand l’adulte reprend le discours de l’enfant en s’adaptant à ses capacités supposées et en y ajoutant son expertise, il s’inscrit dans sa zone proximale de développement. Comme nous l’avons vu dans nos extraits, ces reprises adaptées peuvent parfois conduire l’enfant à modifier son discours, en tenant compte du discours de l’adulte. Il nous semble alors que ce phénomène de dynamique dans les discours peut être rapproché de ce que Guiraud (2017GUIRAUD, F. Dialogisme, discours familiaux et apprentissage du français en classe. Recherches en didactique des langues et des cultures. Les Cahiers de l’Acedle, OpenEditions Journals, n. 14-2, 2017. Disponible sur https://journals.openedition.org/rdlc/1885. Consulté le 20 octobre 2020.
https://journals.openedition.org/rdlc/18...
) décrit quand elle mobilise la notion de dialogisme interdiscursif pour décrire certaines interactions informelles entre enseignants et apprenants de français langue étrangère. Ainsi, le fait de se situer dans la zone proximale de développement de l’enfant implique pour l’adulte de tenir compte des discours précédents de l’enfant et de s’adresser à lui en faisant écho aux énoncés antérieurs pour répondre à ses tentatives de productions langagières. Finalement, décrire un processus d’acquisition du langage est intimement lié à la position du linguiste sur le fonctionnement langagier. De ce point de vue, les apports croisés du dialogisme de Bakhtine et de l’interactionnisme de Vygotski, enrichis par les notions d’étayage de Bruner et d’interactions langagières adaptées de Lentin mènent de fait le linguiste vers une prise en compte des phénomènes interactionnels dans les processus d'acquisition du langage. Le croisement de ces approches ne peut que permettre la description de toute la complexité et la richesse que présentent ces phénomènes interactionnels d'acquisition.

  • Déclaration d’auteur et de responsabilité du contenu publié
    Nous déclarons que tous les auteurs ont eu accès au corpus de recherche, ont participé activement à la discussion des résultats et ont examiné et approuvé le processus de préparation de la version finale de l’article.
  • 1
    Dans les exemples suivants, les productions qui font l’objet d’analyses sont en italique.
  • 2
    Nous entendons ici par filler un élément, souvent vocalique, précurseur d’élément de morphologie libre.
  • 3
    En anglais: “Dialogic syntax encompasses the linguistic, cognitive, and interactional processes involved when speakers selectively reproduce aspects of prior utterances, and when recipients recognize the resulting parallelisms and draw inferences from them. Its most visible reflex occurs when one speaker constructs an utterance based on the immediately co-present utterance of a dialogic partner (DU BOIS, 2014DU BOIS, J. Towards a Dialogic Syntax. Cognitive Linguistics, Berlin: De Gruyter, n. 25-3, pp.359-410, 2014., p.1)”.

ANNEXE

Conventions de transcription

{ } : informations contextuelles et non verbales

xxx : segments incompréhensibles

( ) : phonème ou segment non produit

[ ] : phonème ou segment non orthographiable

< > [>] [<] : marqueurs de chevauchements de parole

(.) : pause courte à l’intérieur d’un tour de parole

RÉFÉRENCES

  • BAKHTINE, M. (VOLOCHINOV, V, N ). Le marxisme et la philosophie du langage: Essai d’application de la méthode sociologique en linguistique Traduit du russe et presenté par Marina Yaguello. Préface de Roman Jakobson. Paris: Minuit. 1977.
  • BAKHTINE, M. La poétique de Dostoïevski Paris: Seuil, 1970. Traduit du russe par Isabelle Kolitcheff. Paris: Éditions de Seuil, 1998.
  • BAKHTINE, M. Les genres du discours. In: BAKHTINE, M. Esthétique de la création verbale Traduit du russe Alfreda Aucouturier. Préface de Tzvetan Todorov. Paris: Gallimard, 1984.
  • BENDER, C. Bakhtinian Perspectives on “Everyday Life” Sociology. In: BELL, M. M.; GARDINIER, M. Bakhtine and the Human Sciences London: Sage Publications, 1998. pp.181-195.
  • BERTIN, T. Grammaticalisation du langage de l’enfant: processus interactionnel d’appropriation des articles et des clitiques sujets chez des enfants francophones entre 1 et 3 ans Thèse de doctorat, Nancy: Université Nancy 2, 2011.
  • BERTIN, T. Rôle des reprises dans l’acquisition des articles et des clitiques sujets chez des enfants francophones âgés de 2 à 3 ans. TRANEL - Travaux Neuchâtelois de Linguistique, Neuchâtel, n. 60, p.21-31, 2014.
  • BRES, J. Dialogisme: éléments pour l’analyse. Recherches en didactique des langues et des cultures. Les Cahiers de l’Acedle, OpenEditions Journals, n. 14-2, 2017. Disponible sur https://journals.openedition.org/rdlc/1842 Consulté le 20 octobre 2020.
    » https://journals.openedition.org/rdlc/1842
  • BRES, J., VERINE, B. Le bruissement des voix dans le discours: dialogisme et discours rapporté. Faits de langue, Paris, n. 19, p.159-169, 2002.
  • BRONCKART, J. P. Activité langagière, genres de textes et types de discours. Enjeux acquisitionnels. In: ESPINOSA, N.; VERTALIER, M.; CANUT, E., Linguistique de l’acquisition du langage oral et écrit. Convergences entre les travaux fondateurs de Laurence Lentin et les problématiques actuelles Paris: L’Harmattan, 2014. p.25-50.
  • BRUNER, J. S. Le développement de l’enfant: savoir-faire, savoir-dire Paris: PUF, 1983a.
  • BRUNER, J. S. Child’s Talk: Learning to Use Language. New York: Norton, 1983b.
  • CANUT, E.; BOCEREAN, C.; MUSIOL, M. How Do Adults Use Repetition? A Comparison of Conversations with Young Children and with Multiply-Handicapped Adolescents. Journal of Psycholinguistic Research Springer Verlag, n. 41-2, pp.83-103, 2012.
  • CANUT, E.; VERTALIER, M. Les schèmes sémantico-syntaxiques dans le processus interactionnel d’acquisition. In: ESPINOSA, N., VERTALIER, M., CANUT, E. Linguistique de l'acquisition du langage oral et écrit. Convergences entre les travaux fondateurs de Laurence Lentin et les problématiques actuelles Paris: L’Harmattan, 2014. p.85-116.
  • CANUT, E.; MASSON, C.; LEROY-COLLOMBEL, M. Efficience de l’étayage dans les pratiques professionnelles: effets sur le développement du langage d’enfants atteints de déficience intellectuelle. Langage et Pratiques, Lausanne, p.69-86, 2017.
  • CANUT, E.; MASSON, C.; LEROY-COLLOMBEL, M. Accompagner l'enfant dans son apprentissage du langage. De la recherche en acquisition à l'intervention des professionnels Paris: Hachette Éducation, 2018.
  • CHAYNE, J. A.; TARULLI, D. Dialogue, Difference and Voice in the Zone of Proximal Development. Theory & Psychology, London: SAGE Publications, n. 9-1, pp.5-28, 1999.
  • CLARK, E. V. Interaction et acquisition des mots. In: BERNICOT, J., VENEZIANO, E., MUSIOL, M., BERT-ERBOUL, A. Interactions verbales et acquisition du langage Paris: L’Harmattan, 2010. p.25-43.
  • CLARK, E. V. Conversation et reformulation dans l’acquisition du langage. TRANEL - Travaux Neuchâtelois de Linguistique, Neuchâtel, n. 60, p.7-17, 2014.
  • DA SILVA, C. Étude des processus de rééducation dans le cas des troubles spécifiques du développement langagier, Thèse de doctorat, Paris-Neuchâtel, 2014.
  • DE PONTONX, S.; LEROY-COLLOMBEL, M.; MASSON, C.; MORGENSTERN, A. Transmission et élaboration du langage dans le dialogue. In: MORGENSTERN, A.; PARISSE, C. Le langage de l’enfant: de l’éclosion à l’explosion [en ligne], Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2017. p.27-40.
  • DE PONTONX, S.; LEROY-COLLOMBEL, M.; MORGENSTERN, A. How Mother and Child Co-(Re)Construct Non-Conventional Productions in Spontaneous Interaction. First Language, London: SAGE Publications, v. 2, n. 39, pp.220-242, 2019.
  • DE WECK, G. Pratiques langagières, contextes d’interaction et genres de discours en logopédie/orthophonie, TRANEL - Travaux Neuchâtelois de Linguistique, Neuchâtel, n. 38, p.25-48, 2003.
  • DE WECK, G.; SALAZAR ORVIG, A. L’apport des études de corpus à l’analyse de l’étayage. Corpus, OpenEdition Journals, 2019. Disponible sur https://journals.openedition.org/corpus/4173 Consulté le 20 octobre, 2020.
    » https://journals.openedition.org/corpus/4173
  • DE WECK, G.; SALAZAR ORVIG, A.; REZZONICO, S.; VINEL, E.; BERNASCONI, M. The Impact of the Interactional Setting on the Choice of Referring Expressions in Narratives. First Language, London: SAGE Publications, n. 39-3, pp.298-318, 2019.
  • DEBAISIEUX, J. M.; VERTALIER, M. Apports de la linguistique de corpus à l’étude de la langue parlée et du langage adressé à l’enfant: syntaxe et rapport oral-écrit. In: ESPINOSA, N.; VERTALIER, M.; CANUT, E. Linguistique de l'acquisition du langage oral et écrit. Convergences entre les travaux fondateurs de Laurence Lentin et les problématiques actuelles Paris: L’Harmattan, 2014. p.51-84.
  • DU BOIS, J. Towards a Dialogic Syntax. Cognitive Linguistics, Berlin: De Gruyter, n. 25-3, pp.359-410, 2014.
  • FRANÇOIS, F. Langage et pensée: dialogue et mouvement discursif chez Vygotski et Bakhtine. Enfance, Paris: PUF, n. 42-1, p.39-47, 1989. Disponible sur https://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1989_num_42_1_1877 Consulté le 20 octobre 2020.
    » https://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1989_num_42_1_1877
  • FRANÇOIS, F. Dialogue, jeux de langage et espace discursif. In: FRANÇOIS, F. La communication inégale. Heurs et malheurs de l’interaction verbale, Neuchâtel: Delachaux et Niestlé, 1990. p.33-112.
  • FRANÇOIS, F. Interprétation et dialogue chez des enfants et quelques autres: recueil d’articles 1988-1995 Lyon: Éditions de l’ENS, 2005.
  • GUIRAUD, F. Dialogisme, discours familiaux et apprentissage du français en classe. Recherches en didactique des langues et des cultures. Les Cahiers de l’Acedle, OpenEditions Journals, n. 14-2, 2017. Disponible sur https://journals.openedition.org/rdlc/1885 Consulté le 20 octobre 2020.
    » https://journals.openedition.org/rdlc/1885
  • KARMILOFF, K.; KARMILOFF-SMITH, A. The Developing Child. Pathways to Language: From Foetus to Adolescent. Cambridge M.A: Harvard University Press, 2001.
  • LENTIN, L. Problématique de l’acquisition de la syntaxe chez le jeune enfant. Langue Française, Paris: Larousse, n. 27, p.14-23, 1975.
  • LENTIN, L. Apprendre à penser, parler, lire, écrire. Acquisitio du langage oral et écrit Paris: ESF, 2009. [1998]
  • MASSON, C.; LAVERDURE, S.; CALDERARO-VIEL, C. Etayage de l’adulte et multimodalité: étude exploratoire des modalités d’interaction dans le cadre d’une prise en charge d’un enfant avec retard de langage. TRANEL - Travaux neuchâtelois de linguistique, Neuchâtel, n. 66, p.143-156, 2017.
  • MASSON, C.; DA SILVA GENEST, C.; CANUT, E., CAET, S. Usages de corpus oraux pour l’étude de l’acquisition du français langue maternelle. In: BENZITOUN, C.; REBUSCHI, M. Les corpus en sciences humaines et sociales, Nancy: Collection MSHL, 2020. p.15-48.
  • NELSON, K.E.; DENNINGER, M.M.; BONVILLIAN, J.D.; KAPLAN, B.J.; BAKER, N.D. Maternal Input Adjustments and Non-Adjustments as Related to Children’s Linguistic Advances and to Language Acquisition Theories. The Development of Oral and Written Language in Social Contexts (Advances in Discourse Processes, Vol 13), Université du Michigan: Ablex Pub. Corp. pp.31-56, 1984.
  • PETERS, A.M. Fillers Syllables: What is their Status in Emerging Grammar? Journal of Child Language, Cambridge University Press, n. 28-1, pp.229-242, 2001.
  • SALAZAR ORVIG, A.; GROSSEN, M. Le dialogisme dans l’entretien clinique. Langage et Société, Paris: Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, n. 123-1, p.37-52, 2008.
  • SALAZAR ORVIG, A.; MARCOS, H.; MORGENSTERN, A.; HASSAN, R.; LEBER-MARIN, J.; PARES, J. Dialogical Beginnings of Anaphora: the Use of Third Person Pronouns before the Age of Three, Journal of Pragmatics, Oxford: Elsevier, n. 42, pp.1842-1865, 2010.
  • SALAZAR ORVIG, A.; MARCOS, H.; CAET, S.; CORLATEANU, C.; DA SILVA, C. et al Definite and Indefinite Determiners in French-Speaking Toddlers: Distributional Features and Pragmatic-Discursive Factors. Journal of Pragmatics, Oxford: Elsevier, n. 56, pp.88-112, 2013.
  • SALAZAR ORVIG, A. Dialogue et interaction au cœur de la réflexion sur l’acquisition et la pathologie du langage, TRANEL - Travaux neuchâtelois de linguistique, Neuchâtel, n. 66, p.5-26, 2017.
  • SALAZAR ORVIG, A. Premiers pas dans le futur: hypothèses dialogiques. In: AZZOPARDI S.; OPPERMANN, E. (Eds) Regards croisés sur le futur en français et dans différentes langues romanes, LINX 77-2, Université Paris Nanterre, 2018. p.65-92.
  • SCHNEUWLY, B. Genres et types de discours: considérations ontogéniques et psychologiques. In: REUTER, Y. Les interactions lecture-écriture, Berne: Peter Lang, p.155-173, 1998.
  • TOMASELLO, M. Constructing a Language: A Usage-Based Theory of Language Acquisition Cambridge M.A: Harvard University Press, 2003.
  • VENEZIANO, E. Effects of Conversational Functioning on Early Language Acquisition: When both Caregivers and Children Matter. In: BOKUS, B. Studies in the Psychology of Child Language Essays in Honor of Grace Whales Shugar, Warsaw: Matrix, pp.47-69, 2005.
  • VENEZIANO, E.; PARISSE, C. The Acquisition of Early Verbs in French: Assessing the Role of Conversation and of Child-Directed speech. First Language, London: SAGE Publications, n°30-3/4, pp.287-311, 2010.
  • VION, R. Du sujet en linguistique. In: VION, R. Les sujets et leurs discours. Enonciation et interaction, Aix-en-Provence: Publications de l’Université de Provence, 1998. p.189-202.
  • VION, R. Polyphonie énonciative et dialogisme. Congrès International Dialogisme, Langue, Discours, Montpellier, 2010.
  • VYGOTSKI, L.S. Thought and Language (Newly revised, translated, and edited by Alex Kozulin). Cambridge (Massachusetts): The M.l.T. Press, 1986. [1934].
  • VYGOTSKI, L.S. Apprentissage et développement à l’âge préscolaire. Société Française, n. 52-2, p.35-45, 1995. [1934]
  • WALLON, H. Les Origines de la pensée chez l'enfant, Paris: PUF. 1945.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    11 Dec 2020
  • Date of issue
    Jan-Mar 2021

History

  • Received
    31 Jan 2020
  • Accepted
    23 Oct 2020
LAEL/PUC-SP (Programa de Estudos Pós-Graduados em Linguística Aplicada e Estudos da Linguagem da Pontifícia Universidade Católica de São Paulo) Rua Monte Alegre, 984 , 05014-901 São Paulo - SP, Tel.: (55 11) 3258-4383 - São Paulo - SP - Brazil
E-mail: bakhtinianarevista@gmail.com