THASOS

1. — Le rempart

par Yves Grandjean et François Salviat

La campagne de 1994 s'est déroulée du 5 au 23 septembre avec quatre ouvriers et la participation de M. Wurch-Kozelj pour les relevés, les plans et les dessins d'élévation. Elle avait pour but de reconnaître le tracé de la fortification à l'emplacement de la forteresse médiévale et les rapports de cette fortification avec le sanctuaire d'Apollon Pythien (fig. 1).

A. Le bastion Nord-Est

Ce bastion était connu des voyageurs depuis le xixe s. et porte le n° 37 sur le plan de Baker-Penoyre (JHS 29 [1909], p. 208, fig. 1), mais on n'en voyait que l'angle externe formé par deux tronçons de mur se rejoignant à angle droit; les rapports de ces deux murs avec l'enceinte restaient à préciser. L'appareil du bastion est impressionnant, aussi puissant que celui des courtines voisines de la porte de Parménon, mais organisé ici en assises régulières (fig. 2). Les deux murs d'angle qui reposent sur le rocher sont construits en grands blocs de marbre d'une hauteur qui s'échelonne entre 0,60 et 0,70 m ; le bloc d'angle mesure 4,30 m de long. Du mur Nord, on connaissait depuis longtemps les deux parements; on a découvert cette année le parement interne du mur Est (larg. des deux murs : 2,20 m) (fig. 3).

1) Le mur Est est conservé sur une longueur de 14,70 m. Les sondages effectués dans le prolongement de ce mur ont fait apparaître dans le rocher de gneiss de larges entailles, sous forme de grands emmarchements ou de fortes encoches, qui permettent de restituer le tracé du mur (fig. 4). Celui-ci, à 17 m de l'angle externe, obliquait vers le Sud-Ouest en direction de l'éperon rocheux contre lequel aboutit aussi le mur de soutènement du Pythion d'où a été retiré le grand kouros criophore inachevé. À l'endroit où le mur Est change de direction, on a recueilli, au contact du rocher ici aplani, dans une couche de terre noirâtre épaisse d'une vingtaine de centimètres, et à l'emplacement de l'assise de fondation arrachée à l'époque médiévale, des os de gros animaux et une céramique datable exclusivement de la fin du vne s. (vase plastique en forme de sirène) (fig. 7) et du vie s. (pieds et fragments de vasques de coupes attiques du dernier quart du vie s.). Sur l'un de ces tessons, on peut lire l'inscription ΑΠΟΛΛΟΝ. en alphabet parien (fig. 6). Alors que dans le sanctuaire d'Athéna voisin on avait découvert, en 1959-1960, des inscriptions sur vase comportant le nom de la déesse, c'est la première fois que l'on trouve au Pythion un document de ce type. C'est en outre l'inscription la plus ancienne concernant le culte d'Apollon à cet endroit. Tous ces tessons proviennent du remplissage mis en place à l'arrière des blocs du parement externe lors de la construction du bastion et donnent donc un terminus post quem pour la date de ce dernier. Au-dessus de la couche aux tessons archaïques s'étaient accumulés les déchets de chantier des constructeurs de la forteresse médiévale ; à ce niveau était pris un bloc de marbre (longueur et largeur conservées : environ 1 m) creusé d'une rigole large d'une trentaine de centimètres et profonde de 7-8 cm. Un autre bloc, creusé d'une rigole semblable (dimensions analogues) a été remployé dans le mur Nord-Est de la forteresse médiévale.

2) Du mur Nord, on peut voir encore en place le parement externe sur une longueur de 19,50 m à partir de l'angle Nord-Est. Ensuite, les blocs ont été arrachés, sans que l'on puisse préciser l'époque de cette intervention. Deux nettoyages restreints, dans le prolongement du parement externe, montrent que le rocher a été aménagé pour recevoir la suite de la fondation. Le mur, à l'origine, rejoignait en ligne droite le départ de la courtine qui descendait vers le théâtre.

B. La fortification en arrière du bastion

II semble que l'on ait, dans le prolongement du mur Nord du bastion, sur une longueur d'environ 2,50 m, en dessous des reconstructions d'époque médiévale, les restes de l'extrémité de la courtine en provenance du