Introduction à la pensée créatrice de Jacques HADAMARD (1865-1963)

Le qualitatif et le global dans son œuvre géométrique

Né à Versailles (8 déc. 1863), Jacques Hadamard, dont le père enseignait le latin au lycée Louis-le-Grand, voulait d'abord suivre ses traces : il avait d'ailleurs obtenu les prix de grec et de latin au Concours général. Malgré quoi, en 1884, sa vocation mathématique s'étant affirmée, il fut premier aux deux concours de Polytechnique et de Normale : il opta pour cette dernière école. Agrégé en 1887, il soutenait en 1892 une thèse mémorable sur un propos des plus ardus : comment étendre, si possible, une fonction donnée autour d'un point, dans le plan complexe, par une série de puissances ? Cette attaque hardie révéla d'emblée son art de pénétrer en terrain vierge pour y bâtir une théorie féconde. En 1893, devenu maître de conférences à Bordeaux, il se liait d'amitié avec le physicomathématicien Pierre Duhem qui l'informa des problèmes variés issus de la Mécanique des fluides, compressibles ou non, visqueux ou non, et même d'autres parties de la physique. On voit alors Hadamard déployer son génie : car, outre cet acquis physico-mathématique exubérant qu'il entreprend d'exploiter dès le début du xxe siècle, il a, d'une part, en 1896 tiré le maximum des apports de sa thèse en justifiant pour les nombres premiers la répartition limite dont s'étaient approchés B. Riemann et P. Tchebitchev ; d'autre part, en une zone de la géométrie différentielle tributaire de la dynamique lagrangienne, il a presque aussitôt consacré deux beaux mémoires dont nous reparlerons, à l'étude qualitative et globale des lignes géodésiques.

Mais plutôt que d'énumérer jusqu'au bout les produits de cet art inégalable qu'il avait de conquérir et d'organiser, je me tourne vers la pensée même qui prodiguait toute sa finesse en vue de géométriser et s'ouvrant par là de nouvelles routes, en ménageait à ses disciples.