Revue théologique de Louvain, 18, 1987, 361-372. Emilio Brito

Le Christ hier, aujourd'hui et demain Chronique de christologie

Les huit ouvrages de cette chronique ont été répartis en trois groupes. Le premier réunit trois livres sur des christologies du XIXe ou du XXe siècle : ce sont la Christologie idéaliste de X. Tilliette, l'étude de Ch. T. Waldrop sur la christologie de K. Barth, et le livre de J. Wong sur celle de K. Rahner. Le second regroupe les ouvrages de L. Sabourin, B. Forte, J.I. Gonzalez Faus et M.Serenthà. Ils s'efforcent tous les quatre, mais avec un inégal succès, d'exposer les moments essentiels de la christologie depuis ses origines jusqu'à notre époque. La troisième partie, enfin, recense un essai de Chr. Duquoc sur la limite de la christologie.

— I —

Dans La Christologie idéaliste1, ouvrage prélevé sur des recherches plus larges, l'un des meilleurs connaisseurs de l'idéalisme allemand, le Père Xavier Tilliette, contribue à donner droit de cité à la christologie philosophique. Celle-ci suscite souvent une certaine méfiance tant chez les théologiens que chez les philosophes. C'est la méfiance des théologiens surtout que l'A. aurait voulu ébranler: qu'ils n'accusent pas de déformation spéculative avant d'avoir pris une sérieuse connaissance de tous les textes. Certes, il ne s'agit pas de minimiser les incompatibilités avec la croyance orthodoxe. Une christologie de signe idéaliste, notamment, ne saurait coïncider point par point avec la christologie canonique, fixée dans les termes d'un réalisme objectif. L'A. s'efforce de sauver au moins l'intention. Sa préoccupation implicite est de montrer que les grands de l'Idéalisme, et notamment Hegel, n'ont pas engendré Feuerbach. (La radicale conversion du théologique à l'anthropologique que Feuerbach opère se rattacherait plutôt à la tradition des Lumières.) Malgré tout, le risque de rationalisation est constamment encouru par une christologie formée autour de YIdea Christi. Le fil conducteur de l'ouvrage est précisément la relation de cette «Idée» au Jésus de l'Histoire.

Avec Kant, comme avec ses prédécesseurs, la philosophie devine plutôt qu'elle ne thématise sa secrète affinité avec le Christ. «La christologie des philosophes connaît sa plus belle floraison au cours de la période dominée par l'Idéalisme allemand» (p. 17). Dans un premier chapitre, le P. Tilliette évoque la situation antérieure (Leibniz, J.J.Rousseau, Lessing, Spinoza), qui a pesé comme un héritage et comme un défi sur la christologie idéaliste. UAufklàrung insistait exclusivement sur la figure attirante de l'homme Jésus, le Lehrer par excellence.