LA DISTINCTION DE L'EGLISE VISIBLE ET DE L'ÉGLISE INVISIBLE SELON SCHLEIERMACHER
Au niveau de sa doctrine de l'existence de l'Eglise (1), Schleierma- cher thématise le contraste entre l'élément inaltérable de l'Eglise (2) et les aspects changeants que celle-ci exhibe du fait de ses liens avec le monde (3). Dans ce contexte, il reprend à sa façon la vieille distinction entre l'Eglise visible et l'Eglise invisible. Le présent article exposera d'abord le sens schleiermachérien de cette distinction (I), et le comparera ensuite avec l'approche catholique (II).
I
L'opposition entre l'Eglise visible et l'Eglise invisible (4) a pour base, selon Schleiermacher, le fait que l'Eglise ne peut se constituer sans que le monde exerce sur elle une certaine influence (5). Si chacun de ceux que l'Esprit du Christianisme a saisis était entièrement docile à l'action de cet Esprit, l'Eglise n'apparaîtrait point amalgamée avec le monde, mais les deux communautés seraient tout à fait séparées. En réalité, la régénération ne consiste pas dans une transformation soudaine ; en chaque chrétien, l'activité de la chair se dresse encore contre l'Esprit,
(1) Cf. F. Schi-EIERMACHER, Der christliche Glaube (= GL), 7e éd. (sur la base de la 2e éd. : 1831) par M. Redeker, 2 vol., Berlin, 1960, § 127-147.
(2) Ibid., § 127-147.
(3) Ibid., § 148-156.
(4) II ne faut pas confondre la distinction entre l'Eglise visible et l'Eglise invisible avec celle entre Yecclesia militons et Yecclesia triumphans. La différence entre l'Eglise terrestre et l'Eglise accomplie est admise par les diverses confessions chrétiennes. En revanche, la distinction visible/invisible est devenue, dès le début, un point litigieux entre protestants et catholiques. Cf. W. Hàrle, art. Kirche, VII. Dogmatisch, in Theologische Realenzyklopàdie, t. 18, Berlin/New York, 1989, 277-317, spec. 286.
(5) Cf. GL, § 148. Cf. M. Daur, Die eine Kirche unddas zweifache Recht. Eine Untersuchimg zum Kirchenbegriff und der Grundlegung kirchlicher Ordnung in der Théologie Schleiermachers, Munich, 1970, 75-90 ; P.H. Jorgensen, Die Ethik Schleiennachers, Munich, 1959, 214-218.
