CONTRIBUTION À L'HISTOIRE RURALE DE DÉLOS AUX ÉPOQUES CLASSIQUE ET
HELLÉNISTIQUE
Les baux et enregistrements de fermages des domaines agricoles que possédait Apollon à Délos et à Rhénée constituent un ensemble documentaire exceptionnel par son ampleur, son homogénéité et sa distribution chronologique : ces quelque 70 textes, documents financiers plus ou moins bien conservés ou explicites, s'échelonnent irrégulièrement entre 435/4 et 156/5 av. J.-C, la majorité datant de la période de l'Indépendance (314-166 av. J.-C). Dès 1890, à la faveur de la découverte du compte intact de l'année 279, Th. Homolle1 put donner la première étude détaillée portant sur ces propriétés (nous lui devons en particulier d'avoir retrouvé, malgré le panachage régnant dans les listes, la répartition des exploitations entre les deux îles) ; il amorçait ainsi une tradition d'analyse qui explora successivement et de manière approfondie les différents aspects juridiques, économiques et sociaux de ces archives2. Cependant et contre toute attente, un éclairage avait toujours manqué à ces lignes : celui qu'apportent les realia3. Pourtant, au promeneur qui consent à s'éloigner du sanctuaire et des franges
(1) BCH 14 (1890), p. 389-511. Les dates dorénavant mentionnées doivent, sauf exception signalée, s'entendre «avant notre ère». (2) L'étude la plus complète reste à ce jour celle de J. H. Kent, «The Temple Estâtes of Delos, Rheneia and Mykonos», Hesperia 17 (1948), p. 243-338, ci-après «Estâtes»; celle de J. Peuirka, «Homestead Farms in Classical and Hellenistic Hellas», Problèmes de la Terre en Grèce ancienne, M. I. Finley éd. (1973), p. 113-147, contribua à relancer le débat sur l'habitat rural ; Cl. Vial, Délos indépendante, BCH Suppl. X (1984), traite dans plusieurs chapitres de la personnalité sociale des fermiers et propriétaires fonciers et des aspects financiers de leur activité, ce travail constituant désormais la référence sur la question. Enfin, par les très nombreux renvois qui seront faits à ses articles tout au long de ces pages, on mesurera tout ce que l'on doit à J. Tréheux sur cette question des téménè. (3) J. H. Kent avait commencé à explorer Délos et Rhénée en 1938, mais son travail fut interrompu par la guerre ; il publia cependant les timbres amphoriques ramassés sur quelques sites de ferme dans les Studies Robinson II (1953), p. 127-134. M.-Th. Le Dinahet enquête pour sa part depuis plusieurs années sur le sol rhéniote; voir en particulier «Identification des domaines d'Apollon à Rhénée», Les Cyclades. Matériaux pour une étude de géographie historique (1983), p. 135-140 et «Délimitation des domaines d'Apollon», Bulletin de liaison de la Société des Amis de la bibliothèque Salomon-Reinach 2 (1984), p. 30-33.
