QUATRE PROPOS SUR L'ARCHÉOLOGIE NOUVELLE

Préface

L'archéologie est à la mode1. Le prouvent la fréquentation touristique des champs de fouille, la diffusion de revues de vulgarisation mises en vente partout, l'intérêt porté par le grand public au personnage de l'archéologue. Sans même évoquer cette visiteuse de Délos qui, nous voyant descendre la Rue du théâtre, criait d'enthousiasme à son mari : « des archéologues ! », comme on signale un vol inopiné de canards sauvages, ou ce député-yachtman qui voulait à toute force que notre activité délienne fût «une manière de sacerdoce », il est intéressant de noter que l'archéologue a reçu une existence littéraire : chez Agatha Christie, les archéologues de La mon dans les nuages, MM. Dupont père et fils, sont trop passionnés par une discussion sur des céramiques millénaires pour qu'on songe à solliciter leur témoignage sur le crime commis tout près d'eux, à moins que ce dédain professionnel pour le présent, étant feint, ne constitue le meilleur des alibis; B. Vian présente l'archéologue de Y Automne à Pékin comme un maniaque qui casse des pots pour les ranger dans des boîtes de format standard.

La variété de ces images traduit à sa façon l'état incertain et multiforme de l'archéologie. On soutiendrait sans mal qu'elle n'est pas encore constituée comme une spécialité aux contours bien définis, mais n'existe que parce que s'y adonnent des gens dont la raison sociale est d'être archéologues ; ce sont les méthodes diverses qu'ils pratiquent et les visées souvent non formulées que supposent ces méthodes qui donnent un contenu épistémologique à la spécialité dont ils se réclament. Bref, l'archéologue en est là aujourd'hui où se trouvait, par exemple, la chimie au temps de Lavoisier : alors que naissait la science moderne, certains se satisfaisaient encore de la vieille théorie des quatre éléments. Ainsi, tandis que beaucoup continuent aujourd'hui, à pratiquer, et souvent avec de bons résultats, la même archéologie qu'au début de ce siècle, d'autres s'engagent résolument dans des voies nouvelles et font parfois, aux yeux des premiers, figure d'hérétiques. Je ne doute pas qu'A. Dumont, qui fut un initiateur en certaines matières, ne se fût intéressé aux recherches qui dominent l'archéologie d'aujourd'hui : c'est donc à sa mémoire que je dédie ces quatre propos sur ce que, sans faire par là référence à la seule « New Archaeology » américaine, je nommerai ici, par commodité, l'« archéologie nouvelle ».