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Le « temps des femmes » pendant le confinement (mars-mai 2020)

Quelques enseignements de l’enquête Vico
“Women’s time” during lockdown (March-May 2020). Some lessons from the Vico survey
El “tiempo de las mujeres” durante el confinamiento (marzo-mayo 2020). Algunas enseñanzas del estudio Vico
Cécile Charlap

Résumés

À partir des données quantitatives et qualitatives tirées de l’enquête La vie en confinement (Vico), cet article analyse les effets du confinement du printemps 2020 en France dans une perspective de genre en questionnant les temporalités, leurs usages et leur articulation au sein des familles. La fermeture des institutions, la cessation d’activité des professionnel.le.s mobilisé.e.s en temps ordinaire et l’assignation à résidence ont entraîné une intensification du travail de care au sein des familles (réorganisation des temps et des espaces familiaux, travail domestique et parental, travail relationnel) qui a tout particulièrement préoccupé et occupé les répondantes à l’enquête. L’articulation des sphères d’activité (professionnelle, parentale, temps pour soi) s’est retrouvée mise tout particulièrement à l’épreuve pendant cette période au cours de laquelle il a fallu, pour de nombreuses enquêtées, tenter de continuer à articuler ce qui était imbriqué. L’extrême « porosité » des temporalités induite par le confinement a pu se révéler genrée et entraîner une forte diminution des espaces-temps restaurateurs ordinaires, indispensables à la reconstitution des capacités de care.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Je remercie Michel Grossetti pour le travail sur les statistiques et les discussions riches et stim (...)

1Au printemps 2020, les pouvoirs publics français ont répondu à la crise sanitaire provoquée par la pandémie de coronavirus par le confinement de la population du 17 mars au 11 mai1. Hors secteurs absolument nécessaires (santé, alimentation, nettoyage notamment), la très grande majorité des établissements publics, organisations et entreprises a été fermée, et les personnes en emploi largement amenées à poursuivre leur activité professionnelle en télétravail. Le quotidien des familles s’en est retrouvé, pour la plupart, replié au domicile. Plusieurs grandes enquêtes quantitatives ont été menées en France pendant le confinement, afin d’en saisir la réalité et les effets. Leurs résultats mettent en lumière des inégalités sociales préexistantes tout autant que leur accroissement. Réalisée par l’Ined, l’enquête Coronavirus et confinement : étude longitudinale (Coconel) a interrogé les conditions de logement, le travail, la prise en charge des enfants et la continuité pédagogique, ainsi que les liens de voisinage et le sentiment d’isolement. Elle révèle notamment un renforcement du rôle du logement dans les inégalités de conditions de vie : dans un foyer sur quatre, la situation de confinement a imposé une expérience nouvelle de co-présence dans le logement et augmenté les situations de surpeuplement. Les conditions de travail ont, quant à elles, été marquées par de nettes différences entre les professions et catégories socio-professionnelles (PCS) : si 53 % des employés et 49 % des ouvriers ont vu leur activité professionnelle s’arrêter, ceux qui l’ont poursuivie travaillaient à l’extérieur du domicile, quand 67 % des cadres ont continué leurs activités professionnelles, dont deux tiers en télétravail. L’emploi des femmes, des jeunes et des classes populaires a été particulièrement mis à l’épreuve pendant le confinement : leur taux d’activité a chuté et près de la moitié des ménages pauvres et modestes déclarent avoir subi une chute de revenus. Si le voisinage a pu être un espace d’échange de services, les plus âgés ayant reçu un peu plus d’aide pendant le confinement qu’en temps ordinaire, l’enquête révèle que pour les ménages pauvres, cette assistance est restée faible et dépendante de la proximité familiale. C’est, enfin, une hausse générale du sentiment d’isolement qui est observé, d’autant plus forte chez les femmes (41 % contre 35 % des hommes), les ménages pauvres (45 %) et les jeunes (44 %). Dans l’ensemble, l’enquête fait le constat d’une accentuation des inégalités entre générations : tous les jeunes n’ont pas pu compter sur les ressources et la solidarité des parents, ce qui explique la très forte progression du sentiment d’isolement : 44 % des jeunes déclarent se sentir isolés en période de confinement contre 24 % auparavant (Lambert, Cayouette-Remblière, Guéraut et al., 2020a, 2020b).

2C’est à la dynamique de l’épidémie, aux effets des conditions de vie sur l’exposition au virus et, en retour, aux conséquences de l’épidémie sur les conditions de vie que s’est attachée l’enquête Épidémiologie et conditions de vie (EpiCoV) réalisée par l’Inserm et la Drees. Comme le révèle l’enquête, les individus n’ont pas été égaux face à l’exposition au coronavirus : les conditions de logement des catégories les moins favorisées, plus fortement touchées par le surpeuplement (21 % du personnel de nettoyage, 18 % des aides à domicile, 20 % des ouvriers salariés du bâtiment par exemple) ont, en effet, été plus propices à la contamination au virus ; ces mêmes catégories ont davantage exercé leur activité professionnelle sur site et continué à utiliser les transports en commun pour s’y rendre. L’enquête permet de saisir l’effet cumulatif des inégalités sociales : l’exposition potentielle au virus s’articule, en effet, aux conséquences de l’épidémie sur les situations professionnelle et économique. La mise au chômage partiel ou au chômage technique a ainsi concerné davantage les jeunes, les milieux populaires et défavorisés, parmi lesquels 51 % déclarent une dégradation de leur situation financière (Bajos, Warszawski, Pailhé et al., 2020).

  • 2 L’équipe de l’enquête Vico est constituée de : Marie-Pierre Bès, LISST, Université Toulouse-Jean-Ja (...)

3L’enquête Vico2 a eu pour spécificité, au-delà du recueil d’informations sur les conditions de logement, les situations vis-à-vis du travail et certaines activités quotidiennes, de questionner les effets de la situation de confinement sur les relations sociales et les réseaux sociaux. Dans l’ensemble, la mise à distance imposée des relations interpersonnelles pendant le confinement a constitué une épreuve. Dans cette situation extraordinaire, les personnes se sont davantage tournées vers des liens « forts » (famille, amis proches) qu’en temps ordinaire, même si les relations de voisinage ont pu être renforcées. L’enquête observe une hausse générale de l’homophilie des relations : les personnes ont plus interagi avec des personnes du même âge, de même niveau d’études ou dans la même configuration familiale. Si les plus âgés des enquêtés (plus de 60 ans) ont été moins bousculés dans leurs relations, les plus jeunes et les personnes confinées seules ont éprouvé des difficultés importantes. L’instabilité relationnelle provoquée par le confinement a d’ailleurs pu favoriser des sentiments négatifs : les enquêtés ont davantage déclaré de la fatigue et de l’inquiétude lorsqu’ils ont perdu ou vu se dégrader des relations ou lorsqu’ils ont créé de nouveaux contacts (Mariot, Mercklé, Perdoncin, 2021).

4L’amplification du travail domestique et parental pris en charge par les femmes dans les familles est soulignée par les différentes enquêtes quantitatives et qualitatives menées au cours du confinement d’avril-mai 2020 (Albouy, Legleye, 2020 ; Givord, Silhol, 2020 ; Lambert, Cayouette-Remblière, Guéraut et al., 2020a, Recchi, Ferragina, Helmeid et al., 2020 ; Barbier, Chatot, Fusulier et al., 2021 ; Lambert, Cayouette-Remblière, 2021). Les inégalités sexuées se sont renforcées dans les foyers : les écarts préexistants entre les sexes se sont creusés pour ce qui concerne les tâches domestiques et le soutien aux proches. Les femmes ont ainsi consacré beaucoup plus de temps qu’auparavant à « faire du ménage » et à « prendre soin de personnes fragiles ou vulnérables » (Recchi, Ferragina, Helmeid et al., 2020). Les filles ont plus souvent participé au travail domestique que les garçons, surtout quand elles ont des frères et sœurs (Thierry, Geay, Pailhé et al., 2021). Or, la question de la répartition du travail domestique au sein des couples constitue un élément central du vécu négatif du confinement (Barbier, Chatot, Fusulier et al., 2021). La prise en charge des enfants s’est également révélée inégalitaire. Comme le montre l’enquête Conditions de vie pendant le confinement, cette prise en charge a été davantage assurée par les femmes : 83 % des femmes vivant avec des enfants y ont consacré plus de quatre heures par jour contre 57 % des hommes. Parmi les personnes en activité professionnelle, 21 % des mères ont renoncé à travailler pour garder leurs enfants contre 12 % des pères ; 80 % des mères passaient, en outre, plus de quatre heures par jour auprès des enfants (contre 52 % des hommes) (Albouy, Legleye, 2020). L’accompagnement scolaire n’est pas en reste puisque 70 % des femmes interrogées déclaraient aider quotidiennement leurs en­fants dans le travail scolaire, contre 32 % des hommes (Recchi, Ferragina, Helmeid et al., 2020). Les conditions de télétravail elles-mêmes se sont révélées inégales : 48 % des femmes en télétravail ont été confinées avec un ou plusieurs enfants, contre 37 % des hommes (ibid.). Le confinement a aussi renforcé les inégalités de sexe face au travail, en termes de continuité comme de conditions d’exercice. Les femmes ont été plus touchées par les hommes par l’arrêt du travail et de mauvaises conditions de télétravail. Parmi les actifs occupés qui avaient un emploi avant le confinement, 55 % des femmes continuaient de travailler fin avril, contre 61 % des hommes. Disposer d’une pièce personnelle dédiée au travail à distance dans le domicile a, en outre, été plus fréquent pour les hommes (39 %) que pour les femmes (25 %) (Lambert, Cayouette-Remblière, Guéraut et al., 2020a). Il est important de souligner la spécificité des transformations induites sur le travail par le confinement du printemps 2020 par rapport à des changements de législation sur le travail en situation ordinaire. Même lorsque ces changements sont importants, tels ceux engendrés par la réduction du temps de travail, qui ont entraîné des discussions, des tensions, voire de nouveaux arrangements pour les couples (Estrade, Méda, Orain, 2001), les transformations introduites l’ont été dans un contexte social ordinaire. Dans le cas du confinement du printemps 2020, ces changements ont, certes, été temporaires, mais ils se sont inscrits dans un contexte de modifications de tous les aspects de la vie sociale.

5Si le travail de care dans les familles, qu’il s’agisse du travail domestique, des soins aux enfants ou du soutien aux proches, est traditionnellement assigné aux femmes et très largement assumé par elles en temps normal (Haicault, 1984 ; Tronto, 1993 ; Cresson, 2001 ; Delphy, 2001 ; Gojard, Gramain, Weber, 2003), son inégale répartition s’est ainsi vue renforcée pendant le confinement du printemps 2020 et le quotidien des familles a, pour beaucoup, reposé sur le « temps des femmes » (Méda, 2001). S’est ainsi matérialisée à nouveaux frais la question des temporalités et de leurs usages comme principe des inégalités sexuées, le care reposant sur la disponibilité temporelle des femmes (Delphy, 2001). Le care est défini par Fischer et Tronto comme « une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre “monde”, de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nous-mêmes et notre environnement, tous éléments que nous cherchons à relier en un réseau complexe, en soutien à la vie » (1991, p. 40). Le care constitue une activité fondamentale pour les sociétés, a fortiori en période de crise, propice à l’incertitude et aux perturbations (Morin, 1976).

6Dans un article portant sur la question de l’articulation travail-famille chez des opératrices en électronique, Haicault (1984) donne à voir l’imbrication des dimensions temporelles et spatiales au principe du care en interrogeant la manière dont « les femmes balancent entre deux lieux : l’usine, la maison, sans jamais se déprendre complètement de l’un quand elles sont dans l’autre. Comment chacun déborde sur l’autre, sans qu’aucune ne parvienne à autonomiser l’un d’entre eux » et en soulignant la dimension heuristique d’une analyse des « temps, rythmes, horaires, localisation, distance aux lieux de travail » (1984, p. 271). Les temps sociaux sont toujours à penser dans leur articulation avec des lieux, comme des « espaces-temps ». En période ordinaire, cadres temporels et spatiaux délimitent les activités sociales. Or, la situation de confinement a constitué une rupture de ces cadres du fait du déplacement au domicile et/ou de la cessation des activités des membres du foyer : des institutions et espaces publics ont été fermés (crèches, établissements scolaires, lieux d’activités de loisirs par exemple) ; des professionnel.le.s ont vu leur activité mise à l’arrêt, d’autres ont poursuivi leur activité à domicile ; des individus ont changé de domicile (des étudiant.e.s sont retourné.e.s habiter chez leurs parents, par exemple) et la plupart ont été assignés au leur. Au sein des foyers se sont ainsi superposées des temporalités habituellement cloisonnées et des prises en charge habituellement déléguées à d’autres personnes et institutions dans d’autres espaces que le domicile. De ce fait, le confinement a affecté les emplois du temps, les rythmes et routines. Il a souvent fallu, dans des espaces plus réduits et moins nombreux, réaliser des activités mettant en jeu des temporalités plurielles (domestiques, parentales, professionnelles, familiales…) et prendre en compte, voire en charge, celles des autres membres de la famille. Cette situation a perturbé les arrangements ordinaires et engendré une reconfiguration des espaces et des temps.

7À partir des résultats de l’enquête La vie en confinement (Vico), nous souhaitons éclairer les effets du confinement dans une perspective de genre en questionnant les temporalités, leurs usages et leur articulation au sein des familles. Pour ce faire, nous nous appuyons sur les données quantitatives tirées de l’enquête et sur les commentaires des enquêté.e.s. Nous nous intéresserons, tout d’abord, au travail de care pendant le confinement et à sa spécificité. Nous verrons ainsi que la réorganisation des temps et des espaces familiaux, le travail domestique et parental, de même que le travail relationnel, ont tout particulièrement préoccupé et occupé les répondantes à l’enquête. Nous nous pencherons, ensuite, sur les enjeux de l’articulation entre les sphères d’activité (professionnelle, parentale, temps pour soi) pendant le confinement, au cours duquel il a fallu, pour de nombreuses enquêtées, tenter de continuer à articuler ce qui était imbriqué. L’extrême « porosité » des temporalités (Genin, 2007) induite par le confinement a pu se révéler genrée et entraîner la forte diminution des espaces-temps propices à la reconstitution des capacités de care.

L’enquête La vie en confinement (Vico)

Menée entre le 14 avril et le 10 mai 2020 auprès de plus de 16 000 personnes, l’enquête Vico visait à recueillir des informations sur les conditions de logement, les situations vis-à-vis du travail et certaines activités quotidiennes des répondant.e.s pendant le confinement, (suivi du travail scolaire et achats alimentaires), ainsi qu’à comprendre les effets de la situation de confinement sur les relations sociales et les réseaux sociaux. L’enquête s’est appuyée sur un questionnaire auto-administré, en ligne. Il a été rempli dans toutes les régions françaises, avec une sur-représentation des régions de l’Est (Grand Est) et de l’Ouest (Bretagne, Pays de la Loire) et une sous-représentation de l’Île-de-France, de la Nouvelle-Aquitaine ainsi que de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. L’échantillon présente une majorité de femmes (72,6 % se déclarent femmes, 27 % hommes et 0,4 % autres), une sur-représentation des diplômés et des catégories sociales de cadres et une sous-représentation des plus de 70 ans. Les analyses ont tenu compte de ces déformations de l’échantillon en contrôlant les variables. Les déformations se sont avérées suffisamment indépendantes les unes des autres pour que l’échantillon soit utilisable. Les répondant.e.s étaient invité.e.s à laisser un commentaire libre à la fin du questionnaire s’elles/ils le souhaitaient. Dans ces commentaires, on trouve des précisions sur des questions qui n’étaient pas abordées dans le questionnaire (tel que le partage des tâches dans le couple par exemple).

Le travail de care pendant le confinement : la (très large) part des femmes

8Dans un contexte de crise sanitaire, la situation de confinement, de fermeture des institutions de prise en charge habituelle (des enfants notamment) et de mise à l’arrêt de la plupart des activités sociales a eu pour effet une perturbation des configurations ordinaires des temps et des espaces des familles. Les données de l’enquête Vico montrent que le souci des autres dans le foyer et hors du foyer a été du côté des femmes pendant cette période.

La continuité du quotidien des foyers pendant le confinement : une affaire de femmes

9La situation de confinement a demandé de repenser les cadres, emplois du temps, rythmes, routines familiales et a impliqué un redécoupage des frontières spatiales et temporelles pour les familles. Dans l’enquête Vico, ce travail de réorganisation de la régulation de la vie quotidienne et d’aménagement des temps et des espaces est largement, et avant tout, évoqué dans les commentaires des femmes. À l’image de cette enquêtée (psychologue, 44 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants), les femmes avec enfants sont nombreuses à évoquer « la première semaine de réorganisation du quotidien ». Une répondante insiste sur le fait qu’elle s’est appuyée sur la « structure du temps mise en place avec [s]es enfants » (cadre dans la fonction publique, 49 ans, confinée seule avec ses enfants), pour vivre au mieux le quotidien confiné.

10Les commentaires des femmes donnent précisément à voir la réflexion au sujet des rythmes quotidiens et la mise en place de nouveaux agendas :

Nous avons essayé d’organiser nos journées avec des activités répétitives quotidiennes : par exemple, pour les enfants, devoirs chaque matin, détente l’après-midi, marche en fin de journée, jeux… (Comptable, 46 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants)

11Puis il a fallu veiller à leur maintien :

le plus dur : maintenir le rythme normal des horaires (mon mari lui s’en fout) (cheffe de service dans la fonction publique, 54 ans, confinée avec son conjoint et leur enfant).

12Si le temps apparaît bien comme une « matière à gérer » (Haicault, 1984) pour les répondantes, il en est de même pour l’espace. Au retour de sa fille au foyer parental pour la période du confinement, une enquêtée explique ainsi avoir éprouvé le besoin d’évoquer avec elle « répartition des tâches, activités communes et activités solitaires, répartition de l’espace, besoins de chacun en termes d’espace » (en recherche d’emploi, 54 ans, confinée avec son conjoint et leur enfant), quand une autre souligne l’importance « dès le premier jour d’avoir avec mes deux enfants, mis en place des règles, des délimitations d’espace et des horaires de temps communs et de temps “séparés” dans l’appartement » (orthophoniste, 46 ans, confinée seule avec ses enfants).

13La prise en charge du quotidien confiné et de sa réorganisation a pu être l’objet d’une inégale répartition au sein des couples. Une enquêtée évoque ainsi avec précision les tensions et négociations qui ont lieu au sein de la famille, liées à la charge de réorganiser le quotidien et à la difficulté qu’elle rencontre dans sa volonté d’un partage équitable des tâches domestiques avec son conjoint :

Après un mois, la réflexion sur l’organisation nécessaire est enfin là ! (…) Je reste en décalage avec mon conjoint qui lui en temps normal est très “autonome”, il a fallu répartir les charges : repas, ménage, vaisselle… C’est à moi que revient d’organiser les tâches ménagères et lui fait les courses (sortie !) et là, au bout de quatre semaines, je n’en peux plus et donc après une crise, il a fallu que chacun participe mais rien n’est acquis ! On retourne dans les années soixante ! (En recherche d’emploi, 49 ans, confinée avec son conjoint et leur enfant)

14Au-delà de la réorganisation des temps et des espaces de la vie quotidienne, la situation de confinement a provoqué une transformation des activités quotidiennes. Les tâches habituellement externalisées, qu’elles soient domestiques (ménage fait par une aide-ménagère), liées aux enfants (prise en charge des enfants en bas âge en crèche ou chez une assistante maternelle, réalisation du travail scolaire en classe, repas des enfants à la cantine, devoirs à l’étude, loisirs au centre aéré) ou aux proches (prise en charge de proches dépendants par des aides à domicile ou en établissements spécialisés) ont dû être effectuées par des personnes du foyer. Sur la question du travail domestique en temps ordinaire, les données de la dernière enquête Emploi du temps (Insee, 2010) montrent que la part des femmes dans sa réalisation est toujours plus élevée que celle des hommes, et ce d’autant plus qu’elles ont des enfants : les femmes réalisent 71 % du travail domestique et consacrent en moyenne près de trois heures par jour aux tâches domestiques, tandis que la durée est de soixante-dix-huit minutes pour les hommes (Champagne, Pailhé, Solaz, 2015). En outre, l’inégale répartition des tâches domestiques s’accroît avec l’arrivée d’enfants : le temps domestique des hommes diminue avec le nombre d’enfants, quand celui des femmes augmente. La diminution du temps moyen consacré par les femmes à ces tâches depuis les années quatre-vingt, résulte moins du transfert d’une partie de ces tâches aux hommes qu’à leur transfert et externalisation (à d’autres femmes le plus souvent). Or, le confinement a mis à mal ce transfert et cette externalisation, comme l’illustre le commentaire d’une enquêtée (cadre dans une entreprise, 54 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants) : « nous n’avons plus l’aide précieuse de notre femme de ménage. » De nombreux commentaires évoquent un renforcement de l’assignation des femmes au travail domestique et l’inégale répartition des tâches domestiques au sein des couples, comme le rappelle cette même enquêtée :

Pour les femmes, le confinement c’est deux fois plus de ménage, on est tous dedans tous le temps. (…) deux fois plus de courses, parce que plus de repas, plus de cantine.

  • 3 La question posée était : « Actuellement, combien de temps en moyenne consacrez-vous (en dehors des (...)

15Le confinement a également été synonyme d’un accroissement du travail parental. En temps ordinaire, la division sexuée du travail parental est marquée par de fortes inégalités (Barrère-Maurisson, 2001 ; Brugeilles, Sebille, 2009). Près des trois quarts des soins aux enfants et de leur suivi scolaire sont pris en charge par les mères, qui réalisent 65 % du travail parental (Champagne, Pailhé, Solaz, 2015). Quand les enfants ne sont pas encore scolarisés (moins de 3 ans), les mères assurent majoritairement la garde et y consacrent la part la plus importante de leur temps disponible : le temps durant lequel elles sont auprès de leurs enfants représente entre 71 et 81 % de leur temps disponible, alors que le temps de garde des pères, n’en représente qu’entre 53 et 65 %. Elles passent en moyenne deux heures vingt-cinq par jour seules auprès de leurs enfants quand la durée de garde des pères est de cinquante minutes par jour. Quels que soient leurs horaires, sauf lorsqu’elles travaillent tôt le matin, les mères sont également majoritaires à accompagner leur enfant de moins de 3 ans à son lieu d’accueil (Briard, 2017). L’enquête ERFI (Études des relations familiales et intergénérationnelles, Ined-Insee, 2005) révèle que les pères ne sont que très rarement les acteurs principaux des soins aux enfants : dans 2 % des cas pour l’habillage des enfants, dans 6 % des cas pour le coucher, et dans 9 % des cas pour l’aide aux devoirs scolaires. Seuls 20 % des pères partagent de manière égalitaire l’habillage des enfants avec leur conjointe et 30 % l’aide aux devoirs. Dans l’enquête Vico, on observe une différence statistiquement significative entre les femmes et les hommes avec enfants pour ce qui concerne la question de l’accompagnement scolaire3. Parmi les 18-45 ans, les femmes étaient 56,7 % à passer plus d’une heure par jour à l’aide au travail scolaire quand cette proportion est de 42 % pour les hommes. Chez les moins de 30 ans, 31 % des femmes ont consacré une heure par jour ou plus au suivi scolaire contre 13,2 % des hommes ; chez les 31-45 ans, les proportions sont de 59 % contre 43,9 %. La tendance s’inverse chez les 46-60 ans : les hommes étaient 56,5 % à n’apporter aucune aide contre 60,1 % des femmes. Un effet de genre apparaît ainsi dans la prise en charge du travail scolaire des enfants selon le niveau scolaire : plus il a concerné des savoirs élémentaires, moins les hommes s’y sont investis et plus il se complexifiait, plus ils s’y sont consacrés. Selon la PCS, la différence femmes/hommes est restée sensiblement la même pour ce qui concerne la question de l’accompagnement scolaire : elle est de 10 points chez les artisans, commerçants et chefs d’entreprise (25,9 % contre 15,9 %), chez les employé.e.s (24,9 % contre 14,3 %) ; et d’environ 8 points chez les professions intermédiaires (25,1 % contre 17,1 %) ; chez les ouvriers (22,5 % contre 14,5 %) et chez les cadres et professions intellectuelles supérieures (23,9 % contre 16,2 %). Le fait de ne pas avoir été en emploi n’apparaît pas comme facteur de participation plus importante chez les hommes, puisque l’écart le plus significatif se retrouve chez les inactifs : 29,9 % contre 12,9 %. L’accompagnement au travail scolaire des enfants n’a pas été sans effet au sein des familles. De nombreux commentaires de femmes évoquent, comme celui de cette enquêtée (cadre dans une entreprise, 54 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants) « la tension de la classe à la maison ». Dans certains cas, l’accompagnement au travail scolaire a été la cause d’une dégradation des relations dans le couple, comme pour cette répondante :

Je me sens démunie par rapport au suivi scolaire de mon fils qui est en primaire. (…) C’est un facteur de stress et de conflit au sein de mon foyer, notamment avec mon conjoint. (Cheffe de projet informatique, 45 ans, confinée avec son conjoint et leur enfant)

16Si les données de l’enquête suggèrent un renforcement de l’inégale répartition du travail de care au sein des familles, quelques rares commentaires évoquent des situations de négociations et de réajustements autour de la division des tâches domestiques pour certains couples quand le conjoint connaît une période de chômage. Certains répondants, plutôt jeunes et diplômés, estiment que leur situation de chômage temporaire leur permet de s’impliquer davantage dans les tâches domestiques et parentales, à l’image de ce cadre dans le secteur associatif de 37 ans, confiné avec sa conjointe et leurs enfants :

Le confinement a changé complètement mon implication dans la sphère familiale. Je suis travailleur itinérant, pas toujours très présent en semaine auprès de la famille et en particulier des enfants. Avec le confinement, je consacre globalement tous mes après-midi aux enfants, je fais le repas du soir, je m’investis plus dans les tâches quotidiennes. La répartition des tâches, de la présence auprès des enfants est beaucoup plus équilibrée. Malheureusement, mon poste actuel ne permettra pas de faire perdurer cela à la fin du confinement, mais j’espère pouvoir garder des bonnes habitudes et façon de fonctionner, et cela m’aura aussi permis de me rapprocher de mes enfants et de les voir grandir.

17La situation de confinement offre, pour un autre répondant, la possibilité de faire perdurer les conditions favorables à son implication dans la prise en charge de sa nouvelle-née qui avaient été les siennes lors du congé paternité :

Pour nous le confinement rime avec congé parental ! Notre fille est née le 9 février. Avant le confinement j’avais repris le travail après les vacances d’hiver de notre zone (fin février/début mars). J’ai donc travaillé deux semaines avant le confinement. Mon retour à la maison me permet de profiter de ma fille, la voir grandir et laisser du temps à ma compagne pour se reposer et faire autre chose. Le confinement est donc tombé au bon moment ! C’est génial. D’une certaine manière, je souhaite que cela continue pour en profiter le plus longtemps possible. (Ingénieur dans la fonction publique, 35 ans, confiné avec sa conjointe et un enfant)

18Toutefois, l’enquête Vico donne à principalement voir le caractère essentiel de la disponibilité temporelle des femmes dans la continuité du quotidien des familles. Cette disponibilité a également mis en jeu une dimension moins visible du care : le travail relationnel.

Effet de genre dans les relations familiales et sociales pendant le confinement : l’invisible travail relationnel réalisé par les femmes

19Les réseaux de relations sociales répondent à des normes différentes selon les milieux sociaux : la sociabilité des milieux favorisés tend à être plus importante et diversifiée que celle des milieux populaires, plus centrée sur la famille (Bonvalet, 2003 ; Lambert, Cayouette-Remblière, Guéraut et al., 2020b). Ainsi, interrogeant les liens de voisinage pendant le confinement, l’enquête Coconel (Lambert, Cayouette-Remblière, Guéraut et al., 2020b) souligne que l’échange de services a été corrélé au milieu social : les individus appartenant aux ménages les plus riches déclarent plus souvent avoir donné (50 %) ou reçu un service (45 %) dans leur voisinage immédiat que les individus appartenant aux ménages les plus pauvres. Ces derniers rapportent moins souvent en avoir rendu (29 %) ou reçu (16 %) un de la part de leur voisinage. Au-delà des catégories sociales, les relations sociales sont également marquées par des différences sexuées, comme l’ont montré les recherches sur les réseaux sociaux, et plus particulièrement pour ce qui concerne les liens avec la famille : les femmes sont, en général, plus investies dans le maintien des relations avec la famille, proche ou éloignée, que les hommes (Fischer, Oliker, 1983 ; Moore, 1990). Cet investissement dans les relations avec la famille et les proches, qui fait partie intégrante du travail de care, prend la forme d’un « travail relationnel » impliquant « des responsabilités et des activités réalisées pour la famille et qui contribuent à la solidarité familiale et à sa pérennité » (Rosenthal, 1985, p. 965, notre traduction). Or, comme le souligne Rosenthal, la solidarité et la pérennité de la famille peuvent être mises à mal dans un contexte de crise, ce qui demande « les efforts de membres de la famille pour contrer ce type de menace » (ibid., notre traduction).

20Les données de l’enquête Vico tendent à montrer que, pendant la crise sanitaire du printemps 2020, la division sexuée du travail relationnel, activité productrice de lien, de cohésion et de soutien, s’est révélée inégalitaire.

  • 4 Pour saisir l’évolution des réseaux sociaux pendant le confinement, le questionnaire Vico proposait (...)
  • 5 La question posée était : « Depuis le début du confinement, dans l’ensemble, êtes-vous plus ou moin (...)

21Quand on s’intéresse aux relations familiales et sociales et à leur évolution pendant le confinement4, il apparaît que les femmes ont été plus nombreuses et plus investies dans le maintien des relations de toutes sortes, qu’il s’agisse de la famille plus ou moins proche ou de liens plus faibles (voisins, connaissances). Elles ont été plus nombreuses que les hommes à être plus souvent en contact que d’habitude avec la famille5 (68,6 % contre 62,9 %) et ceci qu’elles aient ou non des enfants. Elles ont également été plus nombreuses à prendre des nouvelles (56,2 % contre 53,4 % chez les 46-60 ans), la différence étant encore plus notable chez les plus de 60 ans, pour ces femmes de la « génération sandwich » entre parents dépendants et petits-enfants qui ont été 63,9 % à prendre des nouvelles contre 57,8 % des hommes.

22Pour ce qui concerne les raisons du rapprochement, on note que les femmes citent nettement plus souvent des raisons relatives au soutien (sauf dans le cas de rapprochement avec des conjoints et ex-conjoints) : elles sont 50,4 % à dire apporter du soutien à quelqu’un pendant le confinement, ou en recevoir, contre 39,6 % des hommes. La différence la plus faible est observée dans les relations avec les parents (62,6 % contre 61,6 %), elle s’avère bien plus importante quand il s’agit des enfants (48,9 % contre 38,8 %), des membres de la famille éloignée (59,7 % contre 47,4 %), des ami.e.s (48,8 % contre 32,9 %) et des voisin.e.s (35,6 % contre 19,7 %) notamment. Lorsque le soutien est relatif au suivi de l’état de santé, c’est le soutien prodigué à la personne que les femmes cochent plus fréquemment que les hommes. Notons que la situation de couple vient renforcer le caractère sexué du soutien : les femmes en couple sont 54,8 % à citer ce type de raison pour leur famille proche contre 44,1 % des hommes ; elles sont 55,1 % à soutenir (ou être soutenues par) la famille éloignée contre 41,1 % des hommes. Cette même tendance s’observe pour les personnes en couple avec enfants : apporter du soutien à la famille proche (ou en recevoir) concerne 56,9 % des femmes pour 51,9 % des hommes ; 55 % des femmes en couple avec enfants apportent du soutien à la famille éloignée (ou en reçoivent) pour 44,2 % des hommes en couple avec enfants. La délégation aux conjointes du souci des autres parents semble ainsi être à l’œuvre pendant cette période de crise, comme le donne bien à voir le commentaire suivant, laissé par un homme au sujet de leurs enfants :

Je n’ai pas évoqué les relations avec mes enfants car c’est souvent mon épouse qui prend cette initiative et je suis de très près leur situation. (Cadre retraité de la fonction publique, 67 ans, confiné avec sa conjointe)

23Les données de l’enquête suggèrent ainsi que le travail relationnel, travail d’attention et de soutien aux proches comme aux moins proches, particulièrement important pendant la période de crise sanitaire, épreuve susceptible d’engendrer de l’inquiétude, a été plus largement pris en charge par les femmes pendant le confinement.

24En faisant disparaître les cadres et les espaces-temps ordinaires, en empêchant de nombreuses possibilités d’externalisation du travail de care, la situation de confinement a mis à mal les « modes de distanciation à l’égard des impératifs familiaux » (Fusulier, Laloye, Sanchez, 2009). Si, comme le montrent les résultats de l’enquête Vico, la charge accrue du travail de care a surtout reposé sur les répondantes, cette situation a également reposé à nouveaux frais la question de l’articulation entre les sphères d’activité, au désavantage des femmes.

Les enjeux de l’articulation des sphères d’activité en temps de confinement : un enchevêtrement de temporalités qui met à mal les espaces-temps restaurateurs

25La situation de confinement, de fermeture des lieux de travail et des institutions de prise en charge des enfants, et de mise à l’arrêt de la plupart des activités sociales a eu pour effet la superposition, dans l’espace du domicile, des activités des membres du foyer, habituellement cloisonnées (l’activité professionnelle menée partiellement ou entièrement sur site, l’activité scolaire effectuée à l’école, les loisirs réalisés dans des lieux dédiés) et des prises en charge habituellement déléguées à d’autres personnes et institutions dans d’autres espaces que le domicile, celles des enfants notamment (petite enfance, scolaire, périscolaire). Les frontières spatiales et temporelles à l’œuvre en temps ordinaire s’en sont trouvées profondément modifiées, parfois mises sous tension et en concurrence. Dans l’enquête Vico, les enjeux de l’articulation des sphères d’activité se donnent à comprendre en termes d’enchevêtrement de temporalités et de diminution des espaces-temps restaurateurs.

Articuler des temporalités enchevêtrées ?

26La crise sanitaire a modifié les modalités de travail : si 35 % des personnes en emploi ont continué à se rendre sur leur lieu de travail, 34 % des personnes en emploi ont télétravaillé (Albouy, Legleye, 2020). Les femmes ont été plus nombreuses à réduire leur temps de travail pour s’occuper des enfants et comme on l’a vu, elles ont assumé le travail de care dans une plus grande proportion. Parmi les personnes en emploi qui n’ont pas été en autorisation spéciale d’absence pour garde d’enfant, 45 % des femmes assuraient une « double journée » professionnelle et domestique, cumulant quotidiennement plus de quatre heures de travail et quatre heures auprès des enfants, contre 29 % des hommes (Albouy, Legleye, 2020).

27En temps ordinaire, la charge de l’articulation travail-famille pèse plus vivement sur les femmes (Lapeyre, Le Feuvre, 2004 ; Silvera, 2005), même si elle concerne également les hommes (Tremblay, 2004). L’enquête Famille et employeurs (Ined, 2005) révèle que ce sont avant tout les carrières féminines qui sont touchées par les ajustements liés à l’articulation vie professionnelle-vie familiale sous la forme de cessation d’activité, de travail à temps partiel et de réorganisation des horaires de travail (Pailhé, Solaz, 2010). Les mères assurent la majorité du temps de garde parentale dans 7 couples bi-actifs sur 10 (Briard, 2017). Deux facteurs participent du maintien de cette inégale prise en charge : les pratiques des entreprises, qui reproduisent les normes sexuées et répondent plus favorablement aux demandes des femmes en matière d’ajustements liés à la vie familiale d’un côté, les pratiques des femmes et des hommes qui produisent et reproduisent des normes sexuées inégalitaires de l’autre (Pailhé, Solaz, 2010). Les résultats de l’enquête Vico montrent à quel point l’enjeu pour les enquêtées en emploi a été de faire avec la pluralité des activités, les leurs et celles des membres du foyer, leur enchevêtrement et leur interdépendance au cours du confinement. Dans les commentaires laissés par les femmes, l’articulation entre activité professionnelle et activité familiale apparaît tout particulièrement mise à l’épreuve, quelle que soit leur situation professionnelle et familiale.

28Sur ce point, le travail de planification et d’organisation induit par la poursuite de l’activité professionnelle en télétravail, les tâches domestiques et la prise en charge du suivi scolaire des enfants au domicile ressort très largement des commentaires, à l’image de celui d’une assistante sociale, 38 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants :

Le télétravail et les devoirs des enfants (beaucoup trop car trois heures / enfant et trois enfants) c’est compliqué et demande une organisation sans faille.

29« Le confinement, le télétravail, l’école à la maison, c’est une vraie gestion » résume une autre enquêtée (chargée de clientèle, 38 ans, confinée seule avec ses enfants). Pour de nombreuses répondantes en télétravail, la situation de confinement est ainsi allée de pair avec une forme extrême de « porosité des temps » (Genin, 2007). L’imbrication des sphères d’activité associée à l’augmentation du travail domestique a mis à mal l’élaboration de « stratégies de distanciation subjective » (Fusulier, Laloy, Sanchez, 2009) qui permettent d’avoir l’esprit « au travail » ou « pour les enfants ». Une enquêtée explique :

La charge mentale due à la nécessité de faire la classe, de travailler en même temps et d’accomplir les tâches ménagères… cela demande une grande organisation… parfois intégrant stress et fatigue. (Cheffe de service dans la fonction publique, 46 ans, confinée avec son conjoint et leur enfant)

30Elle est rejointe par une autre répondante qui abonde :

Le fait de continuer à travailler, tout en devant assurer la classe à la maison de trois enfants de 4, 7 et 10 ans et un conjoint en télétravail, m’a épuisée moralement et physiquement. La charge mentale est très importante quand il s’agit également de gérer la tenue de la maison : courses, repas, ménage, linge, etc. (Institutrice, 38 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants)

31Dans ce contexte, un effet de tiraillement entre les différentes injonctions, professionnelle et parentale, peut être observé. Une enquêtée évoque ainsi ses difficultés à articuler activité professionnelle à distance en hausse et prise en charge des enfants et du foyer, et son sentiment de culpabilité :

La crise sanitaire et ses conséquences ont eu pour effet de générer un accroissement massif de ma charge de travail (…) et cela combiné au confinement, au fait de ne pas avoir de temps à consacrer aux quatre enfants et d’avoir un conjoint travaillant à l’extérieur a été extrêmement dur à vivre. (…) Bref période plus que compliquée qui épuise… La sensation de ne pas être à la hauteur alors qu’on ne peut juste pas être partout : salariée, maman, enseignante, etc. (Juriste, 36 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants)

32Cette forte mise en tension des sphères d’activité articulée à une disponibilité accrue pour les autres s’observe également chez les femmes qui poursuivent une activité professionnelle « sur site ». Une infirmière, âgée de 48 ans, confinée en couple avec enfants, explique qu’elle vit de manière difficile « le fait [qu’elle] travaille toujours autant, beaucoup plus de stress et en plus [elle fait] la maîtresse d’école, le ménage et [elle] soutien[t] tout le monde… ». Dans le même sens, une autre enquêtée décrit un quotidien qui ressemble à un « contre-la-montre », dans lequel elle est perdante :

Le confinement est très difficile, je dois tout gérer à la maison, les devoirs de ma fille en CP, les repas, les courses, le quotidien pour les occuper et autre. Je ne veux pas qu’elle décroche alors je passe minimum deux heures/jour sur les devoirs quand je suis à la maison. Je dois bosser comme une dingue pour récupérer ce temps perdu. Et à cela mon fils de 3 ans qui réclame de l’attention, incapable de jouer seul. Alors oui, les journées ne sont pas de tout repos. Mon mari a lui laissé tomber, mais moi je m’accroche… (Ingénieure, 41 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants)

33Soulignons que l’extrême tension dans l’articulation travail-famille se fait d’autant plus difficile pour les parents de famille monoparentale. Selon les données en population générale, 85% des enfants en famille monoparentale vivent avec leur mère (Algava, Bloch, Vallès, 2020). Parmi les répondant.e.s à l’enquête Vico, la proportion de femmes confinées seules avec enfants est plus du double de celle des hommes confinés seuls avec enfants (9,1 % contre 4,4 %). Le poids de cette tension est exprimé par certaines femmes dans les commentaires :

Très grande charge de travailler et de faire l’école à la maison + tout le reste quand on est maman solo ! (Assistante sociale, 48 ans, confinée seule avec un enfant)

34Ou encore :

Je suis mère isolée de deux enfants : 4 ans et demi et 18 mois à la crèche. Étant seule, il m’est impossible de trouver du temps pour faire travailler mon fils aîné et suivre ce que la maîtresse envoie comme travail. (…) Mon second fils est toujours présent dès que j’essaie de consacrer du temps au travail scolaire donc impossible de faire quoi que ce soit. Depuis le début du confinement, je n’ai pas eu plus de quelques minutes seule, de tranquillité. (Technicienne de l’environnement, 40 ans, confinée seule avec ses enfants)

35Pour les mères seules qui apportent de l’aide à un parent dépendant, c’est une triple charge qui est à l’œuvre, entre activité professionnelle, parentale et filiale :

Concilier télétravail et devoirs des enfants, tout en assurant le ravitaillement de mes parents… Grosse charge mentale. (Formatrice, 52 ans, confinée seule avec ses enfants)

36L’accroissement du travail de care pendant le confinement ne semble pas avoir été pris en compte par tous les employeurs. Des femmes confinées seules avec enfants, employées dans des secteurs différents (l’industrie et l’immobilier), soulignent ainsi cette absence de reconnaissance de leur situation par leur employeur :

Situation de travail : ne tient pas compte de la situation personnelle de chacun. Il n’y a eu aucun allègement de la charge de travail pour les parents qui doivent assurer l’école à la maison. (Chargée d’études informatiques, 45 ans, confinée seule avec un enfant)

37Ou encore :

Télétravail difficile et accroissement de la charge en raison des conditions d’exercice. Peu de prise en compte de hiérarchie de ces conditions et de la nécessité de suivre les études de l’enfant même au lycée. Surcharge mentale constante. (Chargée d’opérations immobilières, 59 ans, confinée seule avec un enfant)

38C’est également la non-prise en compte de sa situation familiale qu’évoque une répondante et ses difficultés dans l’articulation travail-famille :

En couple avec deux enfants (5 ans et 2 ans). Mon conjoint est agriculteur, pas de possibilité de télétravail. (…) J’assume seule la scolarité à la maison de ma fille (environ une heure trente par jour), la garde de mon fils (sa nourrice étant une personne à risque), mon travail de cadre responsable dans une entreprise privée en télétravail (refus de mon employeur d’un arrêt pour garde d’enfants même si j’étais le seul parent disponible pour les garder) et gestion de la maison (repas quotidien pour quatre, courses drive, lessive, entretien de la maison) compte tenu de l’activité de mon conjoint. Forte activité au niveau de mon travail, donc une tension pouvant être importante. (Ingénieure, 35 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants)

39La faible reconnaissance des contraintes touchant les femmes par les employeurs est également observée par le Collectif d’analyse des familles en confinement (Barbier, Chatot, Fusulier, 2021) : certaines femmes ont fait face au maintien des exigences professionnelles de leurs employeurs, ces derniers « faisant comme si, malgré le confinement, les employé·e·s gardaient leur disponibilité temporelle pour assurer leur travail (à domicile) sans plus de contraintes ». Or, comme le soulignent les auteur.e.s, cette absence de prise en compte des situations matérielles et familiales est au principe des inégalités entre femmes et hommes en termes d’emploi et de carrière : « ce sont les femmes qui doivent le plus trouver des arrangements pour concilier leur vie professionnelle avec leur vie familiale. Avec le confinement, ces arrangements se trouvent désorganisés et la nouvelle équation temporelle non résolue » (Barbier, Chatot, Fusulier et al., 2020, p. 77). Si ces tensions dans l’articulation entre les sphères d’activité sont si vives, c’est qu’elles sont allées de pair avec une diminution, voire une absence d’espaces-temps restaurateurs, indispensables à la reconstitution des capacités de care.

Des espaces-temps restaurateurs indispensables, mais introuvables

40Le confinement et la transformation des modalités de travail ont engendré la suppression de nombreux moments « en suspens », ces laps de temps entre deux lieux, entre deux temporalités, et qui permettent une « respiration » dans le flux des activités indispensables pour nourrir la « capacité de ressourcement » (Del Río Carral, Fusulier, 2013), tels les temps de trajet domicile-travail ou domicile-école. Les commentaires des répondantes à l’enquête Vico, donnent à voir les effets de l’absence de ces espaces-temps restaurateurs. Ainsi, une infirmière (36 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants) explique qu’à la période du confinement, elle a continué son activité professionnelle avec des journées « épuisantes comme d’habitude », mais, poursuit-elle :

Nous navons plus les « sas » pour souffler le matin, par exemple, quand les enfants sont à l’école et que nous sommes d’après-midi ou bien L’HEURE de 15 à 16 heures quand nous sommes de matin avant de récupérer les enfants à l’école (3 et 7 ans).

41Elle évoque son arrivée chez elle après la journée de travail comme une bataille à mener : « Et on attaque devoirs, ménage, repas… ». Une autre enquêtée mobilise cette même image pour décrire son sentiment de tension entre activité professionnelle et parentale : « Impossibilité de souffler (…) Pas de sas de décompression » (assistante sociale, 38 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants). Cette image du « sas » qui permet de « souffler » renvoie aux espaces-temps de suspension entre des investissements et des engagements, ces entre-deux (entre deux espaces qui matérialisent le passage entre deux temporalités), que l’on peut analyser comme « des conditions et des dispositifs de transition » (Fusulier, Laloy, Sanchez, 2009) entre les différentes sphères d’activité, sans lesquels la reconstitution des capacités de care se trouve mise à mal.

  • 6 La question posée était : « Depuis le début du confinement, avez-vous le sentiment de manquer de te (...)

42Cette mise à l’épreuve de l’articulation des temporalités est à mettre en regard des différences observées pour ce qui est du sentiment de manquer de temps chez les répondant.e.s à l’enquête Vico6. Si, pour les couples confinés sans enfants, nous n’observons pas de différences entre femmes et hommes quand on interroge le sentiment de manquer de temps libre (5 % des femmes et 5,6 % des hommes de cette population déclarent « manquer vraiment de temps libre »), on note une différence statistiquement significative entre les femmes et les hommes ayant un enfant. Chez les 18-45 ans, les femmes sont 24,4 % à déclarer manquer vraiment de temps libre, les hommes 16,2 %. Plus précisément, parmi les moins de 30 ans, les femmes sont 18,7 % à déclarer manquer vraiment de temps libre contre 5,4 % des hommes. Chez les 31-45 ans avec enfants, elles sont 24,9 % contre 16,9 % des hommes.

43Les effets de la contrainte de l’hétéronomie temporelle, formulée comme « l’écrasement de l’ensemble de mes temps et espaces de liberté » par une répondante (enseignante-chercheure, 48 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants), sont décrits dans les commentaires de femmes avec enfants. Une enquêtée évoque ainsi :

Le plus « dur » reste de gérer les enfants à plein temps quasiment (je suis au chômage partiel trois jours par semaine, puis je télétravaille les deux jours suivants ; mon mari fait le relais avec les enfants), faire l’école à la maison. C’est ce qui génère quelques tensions, exaspérations et volonté de fuir la maison ! Je dirais que je manque surtout de moment pour moi, sans être sollicitée par les enfants. (Cadre dans un bureau d’études, 39 ans, confinée avec son conjoint et leurs enfants)

44Une autre, seule dans son foyer à poursuivre une activité professionnelle, en décrit les rouages tandis que ses demandes à une plus forte implication des autres membres de son foyer restent lettre morte :

Je n’ai plus de temps libre pour moi. Tout mon temps hors travail est consacré à la logistique familiale : repas, lessive, vaisselle, ménage, rangement et amélioration de notre cadre de vie… Mes hommes ne m’aident pas beaucoup et sont très réticents quand je demande un peu d’aide. Je prends sur moi pour surtout conserver une bonne entente cordiale à huis clos. (Gestionnaire administrative, 50 ans, confinée avec son conjoint et leur enfant)

45En écho aux réflexions de Virginia Woolf qui, dans A room of one’s own (1929), soulignait que la liberté intellectuelle des femmes était grevée par le fait qu’il leur manquait une pièce à soi, les données de l’enquête Vico semblent indiquer que lors du confinement de mars-mai 2020, les femmes ont été plus nombreuses que les hommes à manquer d’un temps pour soi.

Conclusion

46Alors que « l’importance du care est évidente lorsqu’en certaines circonstances, il n’y a plus rien – ni personne ni cadre – pour l’assurer » comme le rappellent S. Laugier, P. Molinier et P. Paperman, (2009, p. 25), les données de l’enquête Vico permettent de tirer quelques enseignements des inégalités sexuées dans le travail de care pendant le confinement de mars-mai 2020. Au cours de cette crise, en l’absence des professionnel.les et institutions qui en ont habituellement la charge, le travail de care a avant tout préoccupé et occupé les femmes. Réorganisation des temps et des espaces familiaux, prise en charge du travail domestique et parental, soutien aux proches ont participé à atténuer les perturbations, désordres et inquiétudes allant de pair avec la crise sanitaire. Le travail de care a été garant de la continuité du quotidien des familles et de leurs multiples temporalités ; il a participé au maintien des liens sociaux et à la solidarité au sein des familles. On peut affirmer, en ce sens, que ce travail de care a joué le rôle d’amortisseur de la crise. Il n’a, cependant, pas été sans coût : l’articulation des sphères d’activité s’en est trouvée mise en tension pour de nombreuses femmes. Ainsi, si l’on considère cette crise comme une épreuve, cette dernière apparaît bien genrée. Les expériences sexuées de la crise sanitaire s’inscrivent, en effet, dans les structures sociales et les rapports sociaux à l’œuvre. Aussi, ce que le contexte de pandémie a produit en termes de genre, c’est bien la visibilisation de la permanence des « structures genrées de pouvoir à travers lesquelles les conséquences sociales et politiques de la crise sont réparties et légitimées » (Avdela, 2015, p. 15). Les conséquences de la crise en termes de genre ne peuvent donc être mésestimées.

47Ces premiers enseignements méritent d’être approfondis. Il semblerait important, d’une part, de documenter de manière fine les expériences du confinement du printemps 2020 selon la position occupée par les individus dans l’espace social. Dans ce sens, et à la suite de l’ouvrage de Lambert et Cayouette-Remblière (2021), articuler la variable sexe à la classe et à la racialisation permettrait d’éclairer les expériences vécues et leurs effets dans toute leur hétérogénéité et leur complexité. Il apparaîtrait, d’autre part, intéressant de saisir comment, passé le saisissement de ce premier confinement, femmes et hommes ont « fait avec » la crise sanitaire dans la durée. Il s’agirait de comprendre si des stratégies ont été développées à la suite du premier confinement, et dans quelle mesure celles-ci ont touché au travail de care et à la dimension sexuée des temporalités.

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Notes

1 Je remercie Michel Grossetti pour le travail sur les statistiques et les discussions riches et stimulantes qui ont nourri les analyses développées dans cet article

2 L’équipe de l’enquête Vico est constituée de : Marie-Pierre Bès, LISST, Université Toulouse-Jean-Jaurès ; Claire Bidart, CNRS-EST, Aix-Marseille Université ; Adrien Defossez, LISST, Université Toulouse-Jean-Jaurès ; Guillaume Favre, LISST, Université Toulouse-Jean-Jaurès ; Julien Figeac, CNRS-LISST, Université Toulouse-Jean-Jaurès ; Michel Grossetti, CNRS-LISST, EHESS, Université Toulouse-Jean-Jaurès ; Lydie Launay, LISST, Université Toulouse-Jean-Jaurès ; Nicolas Mariot, CNRS-CESSP, École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Université Paris-1 ; Pierre Mercklé, PACTE, Université Grenoble-Alpes ; Béatrice Milard, LISST, Université Toulouse-Jean-Jaurès ; Anton Perdoncin, École des hautes études en sciences sociales (EHESS) ; Benoît Tudoux, CNRS - Institut des sciences sociales du politique (ISP).

3 La question posée était : « Actuellement, combien de temps en moyenne consacrez-vous (en dehors des week-ends et des vacances scolaires) à aider un ou des enfants dans leur travail scolaire, ou à faire l’école à la maison ? »

4 Pour saisir l’évolution des réseaux sociaux pendant le confinement, le questionnaire Vico proposait un générateur de noms, formulé de la sorte : « Les questions suivantes portent sur les personnes avec qui vous communiquez plus fréquemment ou de qui vous vous êtes rapproché.e depuis le confinement. Il peut s’agir de membres de la famille, d’amis, de collègues ou voisins, etc. En dehors des personnes qui sont confinées avec vous, de qui vous êtes-vous rapproché.e ou contactez-vous plus fréquemment depuis le confinement ? » Les répondant.e.s pouvaient indiquer le prénom, le surnom ou les initiales de cinq personnes au maximum. Les raisons du rapprochement avec chaque personne étaient ensuite interrogées. La question posée était : « Pour quelle(s) raison(s) êtes-vous plus en contact ou vous êtes-vous rapproché.e de cette personne ? » et les réponses proposées : « Pour des raisons liées à votre activité professionnelle », « Pour des aides matérielles et pratiques », « Parce que vous prenez plaisir à échanger avec cette personne », « Pour suivre son état de santé », « Pour lui parler de votre état de santé », « Pour vous/la soutenir en ce moment », « Vous avez des loisirs, passions en commun », « Vous avez les mêmes opinions, les mêmes idées », « Pour maintenir le contact, montrer que vous pensez à elle/lui », « Nous sommes engagé.e.s dans une même activité associative », « Nos enfants se connaissent/sont dans la même école », « Nous avons des ami.e.s proches en commun. »

5 La question posée était : « Depuis le début du confinement, dans l’ensemble, êtes-vous plus ou moins en contact avec les membres de votre famille ou ceux de votre conjoint qu’à l’habitude (par téléphone, par messages ou face à face) ? »

6 La question posée était : « Depuis le début du confinement, avez-vous le sentiment de manquer de temps libre ? »

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Pour citer cet article

Référence électronique

Cécile Charlap, « Le « temps des femmes » pendant le confinement (mars-mai 2020) »Temporalités [En ligne], 34-35 | 2021, mis en ligne le 17 mars 2022, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/temporalites/9146 ; DOI : https://doi.org/10.4000/temporalites.9146

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Auteur

Cécile Charlap

Université Toulouse - Jean Jaurès
Maison de la Recherche
5, allées Antonio-Machado
31058 TOULOUSE Cedex 9
cecile.charlap@univ-tlse2.fr

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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