Perspective(s) sur les philosophies de la Renaissance

« Philosophies » : le pluriel mérite qu'on le souligne avant qu'un changement de niveau avoué n'entreprenne de le conduire vers un asymptotique singulier.

L'entreprise supposera résolus deux problèmes de bornes. L'un, de chronologie, a peu d'incidence sur notre propos (1) ; nous l'éviterons pour adopter, sans autre examen, mais non sans arbitraire, un jeu de dates susceptible de rallier assez de suffrages : convenons que la Renaissance s'étend de la fin du quatorzième au premier tiers du dix- septième siècle. L'autre problème, préalable ou impliqué, touche à la distinction des matières. E. Garin (2), attentif avant tout aux avatars de l'« acte philosophique » — ou, plus exactement, de la conception de celui-ci — , apporte au décloisonnement ses plus solides raisons. De ce point de vue, en effet, le Momus de L. B. Alberti signifie autant que la Theologia platonica de Marsile Ficin; la nouvelle philosophie s'y montre à travers un art de vivre comme, ailleurs, à travers la poésie, l'art, le savoir scientifique, la vie politique, pour le moins autant que dans les ouvrages de philosophie consacrée. Plus subversif, M. Foucault se plaisait naguère à découvrir la « prose du monde », marque essentielle du système des « codes fondamentaux » de la Renaissance, de préférence dans les écrits, occultes à quelque degré et tardifs pour la plupart, de Paracelse, de Crollius, d'Aldrovandi et de Campanella (3). Sans méconnaître la fécondité, voire la nécessité, de ces remises en cause, nous pouvons, ici, nous dispenser de prendre position à leur sujet. Elles touchent, du reste, à un fait historique plus vaste : celui de l'alternance des contractions et des expansions du champ philosophique