Métamorphoses et ambivalences des dragons dans deux mythes coréens : « Dame Suro » et « Le moine Hyet’ong vainc le dragon »

  • Metamorphoses and Ambivalences of Dragons in Two Korean Myths: “Lady Suro” and “The Monk Hyet'ong Defeats the Dragon”

DOI : 10.35562/iris.2764

Résumés

Deux récits mythiques du Samguk yusa, « Dame Suro » et « Le moine Hyet’ong vainc le dragon » révèlent une part maléfique méconnue du caractère des dragons coréens. Le second récit montre notamment un schéma de confrontation entre un héros et un dragon malveillant ; ce récit nous conduit à réfléchir à la question de la symbolique du mal qu’incarne le dragon qui a un caractère vengeur. Le symbole des dragons et ses variations sémantiques se sont construits spécifiquement dans le contexte coréen singulier et ne peuvent être réduits à l’héritage bouddhiste chinois.

The two mythical tales from the Samguk yusa, “Lady Suro” and “Monk Hyet’ong Defeats the Dragon” reveal the little-known evil character of the Korean dragons. The second story presents a particular scene of a confrontation between a hero and a malicious dragon; this story leads us to reflect on the question of the symbolism of evil embodied by the Dragon who has a vengeful character. The dragon symbol and its semantic variations were constructed specifically within the singular Korean context and cannot be limited to Chinese Buddhist heritage.

Plan

Texte

Tous les dragons d’Asie sont-ils bénéfiques ?

Les caractères mythiques du dragon de l’Extrême-Orient ont souvent été opposés à ceux de l’Occident. Cette opposition est soutenue par Michel Cazenave (1942-2018) qui démontre qu’en Extrême-Orient, le dragon est un « symbole de bonheur » (Cazenave, 1996, p. 202-203), alors qu’en Occident, il évoque le mal, en particulier dans la symbolique chrétienne.

La symbolique asiatique a particulièrement été fouillée par Mircea Eliade (1907-1986) qui expose que les emblèmes ourano-aquatiques des dragons, empreints de sacralité (Eliade, 2004, p. 215), sont en relation avec les dragons chinois. Il se réfère pour cela aux travaux de Marcel Granet (1884-1940) qui souligne que « le Dragon Ying rassemble les eaux » (Granet, 1959, p. 353) et que le dragon chinois est un « symbole de la puissance souveraine » ou un « emblème de la première dynastie royale » (1994, p. 204). Cette symbolique n’a en effet rien de négatif et comporte au contraire un certain prestige. Ainsi, Maurice Louis Tournier (1919-1988) conclut que « le dragon chinois n’a rien de commun avec celui des légendes occidentales » (Tournier, 1991, p. 109).

La distinction de ces imaginaires a été excellemment développée par Chaoying Sun qui l’entend comme un « renversement total de la symbolique du Dragon dans la civilisation occidentale et dans la civilisation chinoise » (Sun, 2004, p. 188).

Les aspects positifs du dragon chinois se reportent sur les dragons coréens, car ils sont en lien avec la fondation d’un État et la protection de la nation, d’après le Samguk yusa1. De nombreux récits dans cet ouvrage se rapportent à cette symbolique, notamment les chapitres « Ki’i I » et « Ki’i II » ; par exemple, le char du fondateur du royaume Puyŏ du Nord, Haemosu, fut traîné par cinq dragons (« Puyŏ du Nord », Samguk yusa) ; le fondateur du royaume Silla (de 57 av. J.-C. à 935 ap. J.-C.), Hyŏkŏse, épousa Aryŏng qui naquit à partir de la côte d’un dragon-coq, dit kyeryong2 (« Silla », ibid.) ; le quatrième roi du royaume Silla, T’arhae, est originaire du royaume du château du dragon où régnaient vingt-huit rois dragons (« Le roi T’arhae », ibid.) ; le trentième monarque du royaume Paekche (de 18 av. J.-C. à 660 ap. J.-C.), Mu (r. 600-641), est le fils d’un dragon ; enfin, la grand-mère du fondateur de Koryŏ (918-1392) est la fille du Roi-Dragon de mer. Une étude datant des années 1990 expose cette caractéristique coréenne. L’auteur y révèle l’aspect positif des dragons du Samguk yusa qui vient de leur rôle de « protecteurs du pays » et même de « protecteurs du bouddhisme », conception fondée sur la considération que « tous les dragons (coréens) sont bons » (Shim, 1992, p. 67-68).

Les récits légendaires ou mythiques coréens poursuivent cet aspect rayonnant des dragons asiatiques. Toutefois, ils y ajoutent un caractère ambivalent. Deux récits retiennent notre attention, « Dame Suro » et « Le moine Hyet’ong vainc le dragon » du Samguk yusa ; les dragons y réfutent leurs bonnes actions en n’étant ni des protecteurs nationaux, ni des protecteurs du bouddhisme. Il s’ensuit que les dragons coréens sont susceptibles de métamorphoses, échappant ainsi à une symbolique figée.

Le récit « Dame Suro » a été présenté en France sous un autre titre, « Mythe de Sourobuin3 », dans le cadre de la littérature comparée avec le mythe d’Orphée. Il y est rapporté que le dragon de mer enleva Dame Suro, épouse d’un haut personnage. C’est un vieillard qui la sauve de la bête grâce à des aptitudes extraordinaires et, en compensation, pour calmer et consoler le dragon, il propose de créer un chant et de l’interpréter. Ce scénario est comparable à celui d’Orphée (Chae, 2002). « Dame Suro » révèle un imaginaire fondé sur la divinité dont dispose le vieillard qui trouve une forme d’harmonie face au dragon de mer. Cela ne sous-entend pas pour autant un caractère systématiquement méchant ou négatif du dragon, car certes il enlève Dame Suro mais ne lui veut aucun mal, il n’est ni agressif ni violent envers elle. Il l’invite avec politesse dans sa maison sous-marine, le palais du dragon. Il s’agit plutôt d’une rivalité de puissances qui oppose une créature humaine divinisée à la sacralité du dragon.

L’amplitude symbolique coréenne du dragon va jusqu’à un trait démoniaque : le dragon coréen comprend ainsi autant le bien que le mal. Cette démonologie se trouve dans le récit « Le moine Hyet’ong vainc le dragon » : un duel est mené entre Hyet’ong et le dragon, qui rejoint le « schème d’Antoine et des démons » (Munnich, 1996, p. 103). Hyet’ong est l’un des disciples du célèbre moine bouddhiste indien, Muoe4, qui expulse le dragon et permet la guérison de la princesse des Tang. Cette distinction symbolique est visible, le dragon apparaît comme un dragon-lézard, kyoryong5 ou un dragon venimeux, tongnyong6. Il ne s’agit pas ainsi d’un simple dragon, et cette duplicité de nature engendre le mal dont il est porteur.

La question est de savoir s’il s’agit d’un élément religieux, mythique ou encore anthropologique. Peut-on avancer l’idée qu’ils sont isomorphiques aux dragons maléfiques de l’Occident ? Peut-on évoquer un sens du vertueux et son opposé, le vice, par la confrontation qui existe entre la sagesse et le dragon, ce qui rejoint effectivement la vision occidentale ? Pour répondre à ces questions, la mythocritique et l’herméneutique symbolique peuvent conduire l’analyse de ces récits en définissant le mythe comme des « croyances collectives non fondées objectivement ou positivement » (Wunenburger, 2003, p. 7), ou encore comme « récit légitimant telle ou telle foi religieuse ou magique, la légende [qui] et ses intimations explicatives, le conte populaire ou le récit romanesque » (Durand, 1992, p. 411).

Cette analyse mythocritique et d’herméneutique symbolique vise à atteindre l’élément psychique impliqué dans ces textes qui caractérise l’imaginaire collectif du peuple coréen, et la méthode structurale aidée de la sémantique lexicale permettent l’interprétation des valeurs symboliques de ces dragons.

Les valeurs du merveilleux et de la sacralité dans le Samguk yusa : entre mythe et histoire

Le Samguk yusa comprend neuf chapitres répartis sur cinq livres : son plan est chronologique, il se réfère à des documents historiques, mais l’ouvrage dépasse le cadre historique ou historiographique et inclut aussi des récits merveilleux issus de la tradition orale, dont les contes folkloriques, les légendes et les mythes. L’auteur, Iryŏn (1206-1289), fait état de son intention dès la préface du deuxième chapitre « Ki’i I7 », qui signifie littéralement « écrire l’étrange ou le bizarre ».

Cet aspect a été ignoré et même écarté de l’enseignement des anciens maîtres confucianistes8. Et l’auteur justifie ainsi qu’il est indispensable de compléter l’histoire avec ces éléments du merveilleux9 pour révéler l’œuvre des héros nationaux. Ainsi, les éléments extraordinaires et irrationnels sont portés par l’auteur tel que « la sacralité » liée au Ciel qui donne leur conduite aux hommes et la grandeur à leurs œuvres. Ce merveilleux du Samguk yusa connote les imaginaires mythologiques et religieux, et questionne la symbolique des dragons.

Le « merveilleux » du Samguk yusa renvoie à la notion de sint’ong10 du bouddhisme primitif. Ce terme, abhijñā en sanskrit, en est l’adaptation coréenne et il désigne « les cinq ou six connaissances supramondaines, pouvoirs de perception extrasensorielle acquis au cours des recueillements méditatifs par les bouddhas » (Cornu, 2006, p. 29). De fait, le merveilleux du Samguk yusa est lié à la connaissance acquise par la pratique bouddhiste en étant la transcription d’un pouvoir suprahumain (Ha, 2003, p. 136).

Mais le merveilleux du Samguk yusa ne se réduit pas à cette définition. Les neuf chapitres présentent plusieurs appréhensions du merveilleux selon les récits, en particulier celui de la « Dame Suro » dans le chapitre « Ki’i » et celui de « Le moine Hyet’ong vainc le dragon » dans le chapitre « Sinju11 ». La variation des récits par l’auteur permet de couvrir les différentes nuances du merveilleux.

Il s’ensuit que la symbolique des dragons épouse celle des récits. Il serait plus juste de parler alors des symboliques du dragon comme issues du merveilleux et cela pose la question du rapport des dragons bienveillants au merveilleux, tout comme la place des dragons maléfiques au sein de ce merveilleux.

Le dragon en tant que divinité aquatique dans la culture agricole

Les études archéologiques révèlent que la figure la plus ancienne du dragon en Asie du Nord-Est remonterait à entre 3500 et 3000 av. J.-C. Cette figure émane de la culture néolithique de Hongshan du nord de la Chine. Sur le site de Nieuheliang (4500-3000 av. J.-C.) ont ainsi été exhumés beaucoup d’objets en jade qui révèlent un site de croyance antique (Won, 2016, p. 914). Nieuheliang n’est pas un site d’habitation mais un site rituel et religieux. Les objets en jade sont d’ailleurs des objets rituels enterrés avec les morts et l’un d’eux a la forme d’un dragon. Sa tête ressemblant à un cochon ou à un ours, il est aussi appelé « dragon-cochon » ou « dragon-ours »12. Les dragons de Hongshan sont incontournables, étant à la source des dragons coréens par la transmission de l’agriculture de la culture Hongshan à la péninsule coréenne (Lee, 2011). Si le dragon était déjà à cette époque un objet de vénération ou une divinité, il serait possible d’inférer un rapport entre l’imaginaire des dragons et l’agriculture.

Dans la société agricole de l’Antiquité, la gestion des eaux était probablement liée au pouvoir politique, car l’agriculture est sensible aux aléas de la nature. Les phénomènes les plus effrayants pour les Anciens étaient la sécheresse et les inondations : la sécheresse entraînant la mauvaise récolte et la famine, la gestion des eaux était primordiale pour les souverains. Ainsi, le mythe de la fondation de l’Ancien Chosŏn, transmis à travers plusieurs documents dont le Samguk yusa, fait état que Hwanung, père du fondateur de l’Ancien Chosŏn, a hérité de son géniteur, le dieu céleste Hwanin, le pouvoir politique du vent, de la pluie et des nuages. Ces pouvoirs lui permettent de gérer les problèmes climatiques dont dépend la fructification des céréales.

Dans ce contexte, le rapport entre le dragon, comme génie des eaux, et la divinité de la fertilité est évident. La vénération du dragon dans le folklore coréen trouve ainsi une raison d’être. Nous trouvons là, associées, la fertilité, l’agriculture et la pêche (Yi, 2021, p. 333). L’eau est un élément commun et déterminant dont l’être divin est le dragon. Cette vénération a trouvé son expression dans les rites chamaniques de l’époque du royaume Silla. Le dragon est une figure indispensable permettant de faire tomber la pluie comme le rapporte à de nombreuses reprises le Samguk saki (1145)13. Une amulette ayant une figure de dragon était utilisée pour combattre la sécheresse durant le règne du roi Chinpyŏng (r. 576-579)14. Et pendant le règne du roi Sŏngdŏk (r. 702-737)15, le chaman exerçait même son rituel au bord d’un étang. La croyance des gens de Silla faisait du dragon un administrateur de la pluie et des nuages, ils faisaient des offrandes en pâte d’argile modelée en forme de dragon. Ces éléments nous amènent à constater que la sacralité coréenne historique des dragons participe des « emblèmes ourano-aquatiques » (Eliade, 2004, p. 215).

Le dragon dans le récit « Dame Suro »

Résumons le récit en nous concentrant sur le deuxième épisode dans lequel le dragon apparaît :

  • Pendant le règne du roi Sŏngdŏk, lors du voyage de Sunjŏng qui se rendait à Kangnŭng pour occuper le poste de gouverneur, ce dernier s’assit pour déjeuner au bord de la mer avec son épouse Suro.

  • Le deuxième jour, un dragon de mer apparut soudainement et l’emmena dans son palais du dragon, car Dame Suro était une femme d’une beauté extraordinaire.

  • Avec pour objectif de la sauver, un vieillard proposa à Sunjŏng de créer un chant pour le chanter en homophonie tout en frappant simultanément le rivage avec des bâtons.

  • Le dragon de mer rendit Dame Suro. (« Chroniques merveilleuses II », Samguk yusa)16

Dans le Samguk yusa, deux récits seulement sont en rapport avec le règne du roi Sŏngdŏk : « Le roi Sŏngdŏk » et « Dame Suro ». Dans « Le roi Sŏngdŏk », la sécheresse qui eut lieu en 706 affama le peuple et quelques trente mille sacs de riz lui furent distribués. Le Samguk saki relate que cette sécheresse eut lieu plusieurs fois durant ce règne, engendrant épidémies et famines. Le contexte historique est mêlé à la symbolique dont est porteur le nom du personnage Suro, composé de水 « eau » et de 路 « route, chemin », c’est-à-dire « chemin d’eau », ce qui est effectivement en rapport avec le dragon de mer qui enlève le personnage.

Le chant17 créé et chanté pour sauver Dame Suro contient ces paroles :

Tortue, Tortue, rends Suro. Quelle grande faute de priver quelqu’un de sa femme. Si tu ne la rends pas, nous te pêcherons au filet et nous te mangerons la tête18 ! (Samguk yusa)

Le signifié de Suro, « chemin d’eau », s’applique ainsi au vers initial : « Tortue, Tortue, rends le chemin d’eau ». Le chant est une réclamation à la Tortue et la manière dont elle est exprimée n’est pas anodine. Elle relève du rituel chamanique par la frappe répétée du rivage avec des bâtons en homophonie avec les voix de l’assemblée. L’objectif est de faire tomber la pluie par ce « Chant pour la Mer » (Lee, 2006, p. 227-229) et l’acte qui en est le support n’est pas sans spiritualité, puisqu’il est fondé sur un rythme qui oblige à avoir un fond musical dont la caractéristique est la sensibilité coréenne sinmyŏng19, qui est un rayonnement central amenant la vision chamanique entre extase, joie et réjouissance. Ce rituel est le siège de « la rencontre de l’être humain avec une divinité » (Kim, 1998, p. 73). Le bâton, la canne, le mortier et la forge sont isomorphiques, étant tous des instruments de percussions. Percuter n’est pas sans substance : frapper le métal vise à créer l’outil, battre le grain avec le mortier à produire de la nourriture. Ainsi, le transfert entre « frapper le rivage avec des bâtons » et « le dragon » génère la manifestation de l’Esprit divin.

Le personnage de Dame Suro porte ainsi les caractères du chaman : elle est enlevée par des esprits divins, au cours de ses voyages, dans les montagnes, près de lacs ou en bord de mer, à cause de sa beauté extraordinaire. Ce voyage est la traversée entre le monde terrestre et le monde céleste où réside le sacré. À son retour, elle évoque ainsi une autre nature des choses dans le palais du dragon lorsqu’elle dit à son époux : « La nourriture était douce, tendre, aromatique et pure. Elle était complètement différente de ce que l’on mange ici sur terre. » (« Chroniques merveilleuses II », Samguk yusa)

Le voyage sous-marin est une thématique récurrente dans la littérature classique coréenne et pour les gens de Silla, le ciel et la mer participent au même espace sacré et sont interchangeables (Choi, 1989, p. 299-300). Le rituel a ainsi pour fonction de relier la terre au ciel et à la mer.

La différence qualitative de la sacralité est aussi soulignée par le vêtement de Dame Suro qui a un parfum extraordinaire. Ce récit explique la renaissance de Dame Suro après la transformation complète subie par le voyage, confirmant l’aspect chamanique du récit.

Cela pose la question des symboles construisant l’image du dragon et de la tortue. Pourquoi ce chant est-il destiné à la tortue et non pas au dragon ? Quel rapport y a-t-il entre la tortue et le dragon ?

La tortue symbolise la longévité dans le folklore et l’art coréens, si l’on se reporte au taoïsme20, qui en fait un animal sacré ou céleste. Elle partage par ailleurs le même sémantisme que le dragon : tous deux sont des divinités, désignant sémantiquement un esprit ou un roi divins (voir Chu, 1973). En ce sens, la tortue est un autre nom du dragon de mer. Autrement dit, la tortue est une métamorphose du dragon : nous avons un même être sous des apparences différentes, une créature sacrée que l’imaginaire de ce récit révèle.

Il existe également une corrélation entre le « Chant pour la Mer » et le « Chant du mont de la Tortue21 », car les deux partagent une même structure du texte et une même fonction magique, en étant tous deux un « chant rituel chamanique22 ».

Le « Chant du mont de la Tortue » commence ainsi : « Tortue, Tortue, montre ta tête. Si tu ne la sors pas, on va te rôtir et te manger ! » (traduction de Cho & Bouchez, 2002, p. 43) La tournure rhétorique montre que, malgré les sept cents ans qui les séparent, l’imaginaire a perduré aussi longtemps que la relation entre l’être humain et la divinité a existé. La tortue et le dragon, représentés dans le récit « Dame Suro », sont exemplaires du « chamanisme coréen23 », en révélant un aspect qui est que « le chamanisme en tant que croyance a régné sur l’imaginaire de Silla avant l’émergence du bouddhisme » (Cho, 1999, p. 71) et qu’il faudrait tenir compte de la phase de syncrétisme entre bouddhisme et chamanisme ou croyances autochtones. Ce syncrétisme a vu le jour lors de l’introduction du bouddhisme dans la péninsule coréenne24 (Jang, 2015, p. 262). Les dragons du Samguk yusa ne peuvent donc pas être réduits à des figures de protecteurs du bouddhisme.

Le dragon dans le récit « Le moine Hyet’ong vainc le dragon »

Le chapitre « Sinju » comporte trois récits mettant en scène des moines bouddhiques de savoirs ésotériques25 :

  • le moine Milpon qui guérit la maladie de la reine Sŏndŏk (r. 634-643) en expulsant les mauvais esprits ;

  • le moine Myŏngnang qui vainc l’armée des Tang en se servant de son savoir secret ;

  • enfin le moine Hyet’ong qui guérit trois personnes en se servant de son pouvoir surnaturel religieux : la princesse des Tang, la princesse des Silla et le roi Sinmun (r. 681-692).

Le merveilleux dans ces récits tient au bouddhisme ésotérique qui repose sur les mantra26 que les moines répètent pour que la grâce se répande sur le peuple ou la nation. Le dragon y est omniprésent en étant autant bénéfique que maléfique, reprenant là encore l’ambivalence que nous avons notée dans les mythes coréens :

  • le moine Milpon exorcise les mauvais esprits et voit aussi apparaître un dragon ;

  • le moine Myŏngnang, au retour de ses études à Tang, transmet son savoir secret au dragon de mer suite à sa demande et à l’invitation dans son palais. Ce dragon le soutient matériellement pour construire un monastère bouddhiste.

Entre les deux récits concernant les moines Milpon et Myŏngnang, la métamorphose qui s’opère dans la nature du dragon est une conversion de ce dragon de mer par le moine Myŏngnang. À l’opposé, le dragon-lézard dans le récit du moine Hyet’ong reste malveillant ; en conservant des relations conflictuelles avec les êtres humains, il incarne le mal.

La confrontation entre Hyet’ong et le dragon-lézard est structurée autour de la capacité surnaturelle de ce moine à apaiser les souffrances et calmer les rancunes, face à la capacité malfaisante du dragon-lézard à exercer sa vengeance. Résumons le récit :

  • Lorsque la princesse des Tang, fille de l’empereur Kojong27, tombe malade, Hyet’ong la traite avec des haricots blancs et des haricots noirs tout en prononçant des formules magiques, ce qui met le dragon-lézard en fuite et permet la guérison miraculeuse de la princesse.

  • Ayant de la rancœur envers Hyet’ong, le dragon-lézard part dans la forêt Muning28 à Silla, où il fait beaucoup de mal et attaque des humains pour se venger.

  • Ayant de la rancœur envers Chŏnggong, qui a rapporté ses méfaits à Hyet’ong, le dragon-lézard se transforme en un grand saule poussant devant la porte de la maison de Chŏnggong, puis fait tuer ce dernier par le roi pour se venger.

  • Lorsque la princesse des Silla tombe malade, Hyet’ong la guérit. Le roi de Silla se réjouit de cet événement, alors Hyet’ong l’implore d’innocenter Chŏnggong à titre posthume. Le dragon-lézard s’installe dans une forêt, où il se transforme en Esprit de l’Ours et continue d’infliger des souffrances au peuple.

  • Ce dragon-ours cesse de faire du mal grâce à l’enseignement bouddhique qu’il reçoit de Hyet’ong29. (« Formules sacrées », Samguk yusa)

La capacité de métamorphose du dragon-lézard, notamment ses transformations en saule ou en ours, est au service de ses vices. Il est intéressant de noter que ces deux éléments, saule et ours, sont divinisés dans le folklore d’Asie du Nord-Est et ancrés dans les mœurs. Il existe ainsi une vénération du saule, arbre sacré, qui est relié à une divinité féminine et dont le symbolisme est l’eau (Kim, 2010)30. En continuité, le nom du personnage Yuhwa, mère du fondateur de Koguryŏ, est significatif : « fleur de saule ». Quant à l’ours31, il se transforme en femme dans le mythe de la fondation de l’Ancien Chosŏn. Ainsi, il est la mère du fondateur du premier État coréen. L’endroit où le fils de l’Empereur du ciel Haemosu entraînait Yuhwa se trouve au pied du mont Esprit de l’Ours(e). L’ourse apparaît souvent en tant qu’épouse d’un homme et les récits et le culte de l’ours(e) sont très répandus en Asie du Nord-Est, en Corée, en Manchourie et chez les Aïnous.

Une lecture sociale de la confrontation entre Hyet’ong et le dragon maléfique en fait le récit du conflit entre les religions, les croyances autochtones, celle du chamanisme en particulier, et la religion importée, à savoir le bouddhisme (Chang, 2018, p. 84). Le dragon se trouverait au cœur d’un métissage culturel imaginaire. Il n’en demeure pas moins un caractère constant qui est la présence surnaturelle du dragon présentant un isomorphisme avec la divinité, ou divinité aquatique.

Tableau 1. – Comparaison des dragons

Récit

Dame Suro

Le moine Milpon exorcise les mauvais esprits

Le moine Hyet’ong vainc le dragon

Chapitre du Samguk yusa

Chroniques merveilleuses II

Formules sacrées

Formules sacrées

L’origine du Dragon

Mer (de l’Est)

Mer (de l’Est)

Tang (Chine)

Métamorphoses

tortue / roi-dragon

roi-dragon

dragon-lézard
dragon venimeux
saule
ours(e)

Caractéristiques

Le dragon invite Dame Suro dans son Palais avec politesse. /
Il la rend après le chant.

Le dragon adopte l’enseignement bouddhique de Milpon. / Il soutient la construction d’un monastère bouddhique.

Le dragon fait beaucoup de mal aux gens pour se venger. / Il cesse de faire du mal aux gens grâce à l’enseignement bouddhique de Hyet’ong.

Mais cette confrontation entre le dragon et Hyet’ong qui fournit une analyse du bien et du mal, de la vertu et du vice, ne dit pas pour autant que le bouddhisme est le bien ni que le dragon est le mal.

L’étude du bien et du mal demande une analyse plus approfondie et la méthode structurale est opportune par la comparaison des comportements des personnages principaux. Voici comment sont développés, dans le récit, ces comportements : les bienfaits de Hyet’ong et les méfaits du dragon (tab. 2).

Tableau 2. – Comparaison des comportements du dragon et du moine bouddhique

Dragon-lézard (vengeur)

Hyet’ong (guérisseur)

Celui qui se venge à la suite d’une rancune.

Celui qui apaise la souffrance ou la rancune d’autrui.

Motivation

Action effective (vice)

Action (vertu)

Résultat

Il se fâche contre Hyet’ong, car ce dernier l’a expulsé.

Il blesse les gens de Silla pour se venger.

Il expulse le dragon-lézard.

La princesse a guéri.

Il se fâche contre Chŏnggong, car ce dernier a demandé à Hyet’ong de se débarrasser de lui.

Il fait tuer Chŏnggong pour se venger.

Il fait un recours auprès du roi, en l’informant que Chŏnggong a été tué injustement par la ruse du dragon-lézard.

Le roi comprend la vérité et regrette d’avoir fait tuer Chŏnggong. Il se veut indulgent envers la veuve et les enfants de Chŏnggong.

Il se fâche contre Hyet’ong, car ce dernier l’a expulsé.

Il fait du mal aux gens de Silla pour se venger.

Il console le dragon-ours pour apaiser sa colère.

Le dragon-ours cesse de faire du mal aux gens.

Il fait un recours auprès du roi pour Sinch’ung qui a été jugé à tort.

Le roi comprend la vérité et regrette son erreur. Il fait construire un temple bouddhique pour consoler l’âme du mort Sinch’ung.

Dans ses actes, le dragon-lézard exprime toujours sa rancune et pour mener à bien sa vengeance, il se métamorphose en saule ou en Esprit de l’Ours en utilisant sa capacité supranaturelle. Ce schème nous amène à concevoir le sens du mal sans le réduire à la croyance autochtone, ni au dragon maléfique lui-même. C’est plutôt le vice qui se manifeste au moyen du dragon-lézard en déterminant son comportement. Nous pouvons dire que le vice possède le dragon-lézard en ne laissant en lui que ressentiment et rancune. Le message induit que garder en soi un sentiment de rancune et de vengeance engendre le mal.

Contre ce mal, le comportement de Heyt’ong, apte à résoudre l’injustice et la souffrance subies par autrui grâce à son empathie et sa compréhension, est un exemple de vertu. Le récit invite à l’altruisme en commuant le négatif en positif par la réconciliation et en obtenant ainsi la paix. C’est pourquoi le moine a pour charge d’aider le peuple à se débarrasser de sa rancœur. De fait, Hyet’ong ne tue pas ce dragon maléfique, au moment où il traite la maladie de la princesse des Tang. Il l’expulse une première fois, puis à plusieurs reprises ensuite, afin d’arrêter ses méfaits en renouvelant son combat personnel. Nous pourrions nous demander pourquoi le moine ne tue pas le dragon. Est-ce à cause de son incapacité ou de son impuissance face au dragon ? En fait, le moine répond à la fin du récit par le principe bouddhiste qui est l’interdiction de tuer tout être vivant. Hyet’ong n’a pas d’autre choix que de changer l’âme du dragon pour qu’il cesse de nuire aux gens de Silla. La réponse du moine n’est pas dualiste mais repose sur le changement, la mutation, la conversion. En ce sens, Hyet’ong est différent d’un « dragon slayer » (Witzel, 2008) ou de l’archétype occidental du sauroctone, c’est-à-dire du tueur de dragons. Il est ainsi une représentation symbolique du « renversement asiatique » (Sun, 2004, p. 189) et plus précisément coréen. Ceci explique la nécessité de l’ambivalence du dragon coréen pour pouvoir muter.

« Certains prétendent que chaque société exprime, dans ses mythes, des sentiments fondamentaux tels que l’amour, la haine ou la vengeance, qui sont communs à l’humanité tout entière. »
Claude Lévi-Strauss
(« The Structural Study of Myth », 1955, p. 228)

Conclusion

Dans cet article, nous avons tenté de cerner la symbolique des dragons en lien avec le merveilleux à travers deux récits mythiques tirés du Samguk yusa. Il ressort de cette analyse que ces dragons portent des caractères divins, en particulier aquatique, et qu’ils ne sont pas issus de la culture bouddhique. En fait, c’est plutôt la culture bouddhique qui a trouvé des passerelles avec le substrat coréen, en gardant des traits propres au chamanisme : le dragon de mer qui a enlevé Dame Suro apparaît davantage comme un objet du rite, tout comme le dragon-lézard qui s’oppose au moine Heyt’ong qui le convertit au bouddhisme. Mais ce n’est pas tant cette conversion religieuse elle-même qui est à retenir que le principe même de la conversion, de la mutagénèse qui permet de transformer le mal en bien et qui n’est pas exclusivement bouddhiste. Il en résulte, comme cela a été constaté au cours de cette étude, que la symbolique des dragons ne peut se réduire à l’héritage culturel chinois issu du bouddhisme (Shim, 1992, p. 68)32 mais qu’elle draine des origines anciennes, immémoriales, issues du chamanisme.

Ce merveilleux, notamment présent dans « Le moine Hyet’ong vainc le dragon », connote une conception du vice incarné par le dragon, contre lequel ce n’est ni la lutte frontale ni l’annihilation qui le libèrent de ses maux, mais plutôt sa réduction ou sa résolution par la conversion, autrement dit par la solution obligeant à disposer d’une subtilité d’esprit. Ainsi, le dragon est celui qui se venge à la suite d’une « rancune33 », alors que Hyet’ong est celui qui apaise la souffrance ou la rancune d’autrui. Ce sémantisme fonde la vie religieuse et spirituelle du peuple coréen. Le principe est que vengeance et rancune n’apportent que malfaisances, les dénouer crée la bienfaisance vers laquelle la psychologie individuelle et collective des Coréens est amenée à converger. Cela sous-entend une opération psychique de conversion des sentiments.

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Webographie

– Pour les ressources principales coréennes, nous avons consulté :

Le site du DB of Korean history : <http://db.history.go.kr/>.

– Pour les ressources secondaires coréennes, nous avons utilisé :

Le site de l’Encyclopedia of Korean Culture : <http://encykorea.aks.ac.kr/>.

Le site du Koreanstudies Information Service System : <https://kiss.kstudy.com/>.

Le site du Korea Citation Index : <https://www.kci.go.kr/kciportal/main.kci>.

Le site du National Library of Korea : <https://www.nl.go.kr/>.

– Pour le Grand Korean Dictionnary :

Le site du National Institute of Korean Language : <https://stdict.korean.go.kr/main/main.do>.

Le site du Dictionnaire d’apprentissage coréen-français de l’Institut national de la langue coréenne : <https://krdict.korean.go.kr/fra/mainAction>.

– Pour le Grand Dictionnaire Ricci :

Le site du Grand Ricci Online :

<https://chinesereferenceshelf-brillonline-com.proxy-sigb.college-de-france.fr/grand-ricci;jsessionid=D50CBF9A560F9EE199DF0AC83B1C3607>.

Notes

1 三國遺事, Histoires oubliées des Trois Royaumes : dates de rédaction et de publication incertaines et controversées. Cette œuvre fut longtemps sous-estimée, voire méprisée, du point de vue de l’historiographie ou de la philologie positivistes. Du point de vue de la littérature ou de la mythologie, le Samguk yusa n’est pourtant pas négligeable en tant que corpus primordial, tant il offre d’abondants éléments d’imaginaire en permettant d’étudier la culture coréenne en folklore, en anthropologie, en histoire des religions ; il est par ailleurs indispensable pour traiter des dragons coréens. Cette œuvre est présentée dans l’Histoire de la littérature coréenne : des origines à 1919 (Cho & Bouchez, 2002), et plus récemment dans le chapitre intitulé « Samguk yusa : Histoires oubliées des Trois Royaumes » (Choi, 1989, p. 1560-1568), dans l’Encyclopédie des historiographies : Afriques, Amériques, Asies (Kouamé et coll., 2020). Le Samguk yusa a été traduit en anglais mais pas encore en français. Retour au texte

2 Dans ce présent article, 鷄龍 est littéralement traduit. Notons que ce dragon serait comparable au dragon médiéval français — cocatrix ou basilic — relativement à sa figuration et à son signifié. Voir l’article de Walter (2020). Ce travail comparatif sera développé prochainement. Retour au texte

3 Buin est une transcription de 夫人 (forme honorifique), « Femme d’une autre personne » en coréen moderne ; mais à l’époque du royaume de Silla, cette appellation permettait d’appeler une femme d’une certaine classe sociale, royale ou noble comme la reine, la mère du roi, ou la mère de la reine, ou pour toute femme honorable. Retour au texte

4 Ou Śubhakarasiṃha (無畏三藏, 637-735) : originaire de l’Inde centrale, il fut un des trois grands maîtres tantriques de la dynastie des Tang, l’un des fondateurs de l’école tantrique en Chine. Retour au texte

5 蛟龍 : « Dragon couvert d’écailles » (Lee, 2005, p. 29). D’après le Grand Korean Dictionnary, c’est « un animal imaginaire ayant la forme d’un serpent, sa taille est supérieure à celle d’un homme. Il a quatre pattes larges, la poitrine rouge et le dos aux motifs bleus » (traduit du coréen par l’auteur de cet article). D’après le Grand Dictionnaire Ricci, 蛟 est une « sorte de dragon ; monstre marin ressemblant à un gros serpent à quatre cornes, au cou fin et à la tête petite, qui dévore les hommes, provoque des pluies et des inondations » [consulté le 10/11/2021]. Retour au texte

6 毒龍 : « Dragon ayant une repartie venimeuse ». Il apparaît dans un autre récit du quatrième chapitre du Samguk yusa comme celui qui produit beaucoup d’éclairs et de pluie et provoque de mauvaises récoltes durant des années. Retour au texte

7 紀異 est traduit par « Annales extraordinaires » dans l’Encyclopédie des historiographies. Notons que le caractère 異 désigne l’extraordinaire, le merveilleux, l’étrange, le curieux, un fait merveilleux, un miracle, d’après le Grand Dictionnaire Ricci [consulté le 10/11/2021]. L’auteur de cet article propose de le traduire par « Chroniques merveilleuses » en s’accordant à la traduction de Cho & Bouchez (2002, p. 120). Retour au texte

8 Notons que, selon Confucius (論語, VII, 21), « le Maître ne traitait ni des prodiges, ni de la violence, ni du désordre, ni des Esprits » (不語怪力亂神) (Confucius, 1987, p. 41). Retour au texte

9 神異 : une traduction plus précise serait « merveilleux divin » ou « merveilleux céleste », qui est comparable à la notion de merveilleux occidental, lequel trouve son origine dans les vocabulaires de l’Antiquité latine et du Moyen Âge, avec mirabilia, memorabilia, prodigia, miracula signifiant « l’exceptionnel, le non-évident, l’étrange des puissances occultes » (Lacroix, 1982, p. 115). Retour au texte

10 神通 : « pouvoir surnaturel » ou « merveilleux, prodigieux, miraculeux, étonnant, brillant », d’après le Dictionnaire d’apprentissage coréen-français de l’Institut national de la langue coréenne [consulté le 10/11/2021]. Retour au texte

11 神呪 : traduit par « Incantations sacrées » dans l’Encyclopédie des historiographies. Ce chapitre constitue un mantra et même une dhāraṇī (Chang, 2018, p. 75), cette dernière étant une sorte de mantra. L’auteur de cet article propose de le traduire par « Formules sacrées ». Retour au texte

12 玉猪龍 ou 玉熊龍. Retour au texte

13 三國史記 : « Mémoires historiques des Trois Royaumes ». Il a été présenté 140 ans plus tôt que le Samguk yusa en tant qu’histoire officielle par Kim Pu-sik (1075-1151). Retour au texte

14 <http://db.history.go.kr/id/sg_004r_0060_0690> [consulté le 19/11/2020]. Retour au texte

15 <http://db.history.go.kr/id/sg_008r_0040_0750> [consulté le 19/11/2020]. Retour au texte

16 <http://db.history.go.kr/id/sy_002r_0010_0050_0010> ;
<http://db.history.go.kr/id/sy_002r_0010_0050_0020> [consultés le 16/11/2020]. Retour au texte

17 Deux chants se présentent à la fin du récit : le « Chant de l’offrande de Fleurs » (Hônhwa ka, 獻花歌) et le « Chant pour la Mer » (Hae ka, 海歌). L’un est considéré comme un chant pour le rituel aux Fleurs et l’autre comme un chant pour le rituel aux Dragons (Cho, 2005, p. 161 ; Cho & Bouchez, p. 56-57). Retour au texte

18 Traduit par l’auteur de cet article. Retour au texte

19 Le terme de sinmyŏng (神明) est expliqué dans le Grand Dictionnaire Ricci : « Radiance lumineuse des esprits qui se manifeste à partir du cœur, grâce à la pratique de visualisation intérieure » [consulté le 10/11/2021]. Retour au texte

20 La tortue participe au thème sipchangsaeng (十長生) : « Une dizaine de symboles de longévités » est un thème de la peinture et de l’art plastique en Corée ; la tortue, le soleil, les nuages, l’eau, les montagnes, les pierres, les pins, le bambou, le pin, les champignons sacrés (Ganoderma lucidum), les grues et les cerfs sont inclus. Retour au texte

21 Le « Chant du mont de la Tortue » (Kujika) est relaté dans le mythe de fondation du royaume de Karak (« Chroniques merveilleuses », Samguk yusa). La date de création est estimée à 30-40 ap. J.-C. environ. Retour au texte

22 Muga (巫歌) signifie d’un côté les chants de chamans et de l’autre les mythes transmis oralement sous forme de chants. Retour au texte

23 Ici, le mu où le chamanisme désigne les croyances autochtones qui existaient depuis l’Antiquité coréenne bien avant que le bouddhisme n’arrive en Corée durant l’âge des Trois Royaumes. Retour au texte

24 Au royaume de Silla, la reconnaissance du bouddhisme a été tardive, car elle a lieu près de 150 ans après celle de Koguryŏ (375) et celle de Paekje (385). Il en fut ainsi, car le vingt-troisième roi de Silla, Pŏpeung (法興, r. 514-540), rencontra une forte opposition de la noblesse à la construction du premier monastère bouddhique national ; la noblesse soutenait en effet la croyance autochtone très vivante à cette époque dans la société. Le récit relatant le martyr Yi Ch’adon, qui se trouve dans plusieurs documents, et aussi en épigraphie, montre l’âpreté du combat dans l’histoire du bouddhisme primitif coréen. Retour au texte

25 Milgyo (密敎) : le bouddhisme vajrayāna. Retour au texte

26 D’après le Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme, un mantra se définit ainsi : « Formule sacrée. Selon l’étymologie traditionnelle, man signifie “esprit” (sk. manas), et tra “protéger” (sk. traya). Un mantra est donc une formule sacrée qui protège l’esprit du pratiquant. » (Cornu, 2006, p. 396) Retour au texte

27 高宗 : le troisième empereur de la dynastie des Tang (r. 649-683). Retour au texte

28 文仍林 : cette forêt est considérée comme un sanctuaire des anciennes croyances autochtones coréennes, notamment durant l’âge de Silla (Lee, 2015, p. 45). Retour au texte

29 <http://db.history.go.kr/id/sy_005r_0010_0020_0030> ;
<http://db.history.go.kr/id/sy_005r_0010_0020_0040> ;
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<http://db.history.go.kr/id/sy_005r_0010_0020_0060> [consultés le 17/11/2020]. Retour au texte

30 Par exemple, le peuple mandchou organise chaque année, le 5 du cinquième mois lunaire, des tournois de tirs à l’arc dont la cible est un saule. Retour au texte

31 Notons que la figure de l’ours apparaît en femme dans ce récit, alors que le mot 熊 désignant l’» ours » en sinogramme ou en coréen est asexué. Retour au texte

32 L’auteur dit aussi que le dragon « était déjà connu en Chine à l’époque des Han (206 av. J.-C. – 220 ap. J.-C.) et fut sans doute introduit alors en Corée » (p. 61), et que « le concept du dragon a été introduit en Corée avec le bouddhisme » (p. 67). D’une part, ces faits ne peuvent pas être prouvés aux niveaux philologiques ou historiques et, d’autre part, le fondement philologique est de toute manière ici très limité puisqu’il omet la culture orale, sans oublier que la vie du peuple ne permet de concevoir ni la réalité psychique, ni l’imaginaire de l’être humain dans leur totalité historique. En ce sens, notre étude sur les récits légendaires et les mythes est significative et prend conscience du problème pointé par Paul Ricœur lorsqu’il écrit : « une coupure épistémologique [existe] entre la connaissance historique et la compétence à suivre une histoire » (1983, p. 311). Retour au texte

33 « 怨 » apparaît quatre fois dans le texte. Ce mot désigne « haïr ; en vouloir à, haine ; ressentiment » d’après le Grand Dictionnaire Ricci [consulté le 17/11/2020]. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Hyun-sun Dang, « Métamorphoses et ambivalences des dragons dans deux mythes coréens : « Dame Suro » et « Le moine Hyet’ong vainc le dragon » », IRIS [En ligne], 42 | 2022, mis en ligne le 19 décembre 2022, consulté le 25 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=2764

Auteur

Hyun-sun Dang

Université Lumière Lyon 2

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