Revue théologique de Louvain, 17, 1986, 265-292. André de Halleux
Personnalisme ou essentialisme trinitaire chez les Pères cappadociens ?
Une mauvaise controverse *
II
Au terme des constatations qui précèdent, nous croyons pouvoir conclure que le personnalisme trinitaire des Pères cappadociens ne saurait être opposé au langage de l'essence. Si la «révolution de l'ontologie» qu'on leur attribue consista à distinguer l'hypostase vis-à- vis de l'ousie, ce ne fut pas au détriment de celle-ci. Ira-t-on même jusqu'à soutenir que, loin de considérer la personnalité comme l'élément constitutif de l'être divin, Basile et son école n'auraient même pas songé à lui donner la priorité sur la substance, mais que leur personnalisme souffrirait de graves carences métaphysiques? Certains théologiens catholiques, antérieurs aux orthodoxes dont il vient d'être question, ont cru pouvoir retourner de la sorte l'accusation d'« essentialisme» adressée à la théologie augustinienne et thomiste. Ils répondaient concrètement au défi lancé par Lossky, en défendant la théorie «psychologique», dont ils estimaient le «personnalisme» supérieur à celui des Pères grecs.
Trois déficiences des Pères grecs
La première réaction dans ce sens méritant d'être signalée ici est celle de M. André Malet, dont la thèse entendait montrer que la
* La première partie de cet article a paru dans la Revue théologique de Louvain, t. 17, 1986, p. 129-155. — À la bibliographie orthodoxe contemporaine concernant l'opposition de «l'essentialisme augustinien» au «personnalisme cappadocien», supra, p. 132, n. 11, on peut ajouter quelques pages de la récente étude de A. Papadakis, Crisis in Byzantium. The «Filioque» Controversy in the Patriarchate of Gregory II of Cyprus (1283-1289), New York, 1983, p. 63-65, au sujet desquelles on lira les observations pertinentes du P.B. Schultze, Patriarch Gregorios IL von Cypern ùber das Filioque, dans Orientalia Christiana Periodica, t. 51, 1985, p. 178-186.
