Revue théologique de Louvain, 18, 1987, 171-186. Ignace de la Potterie, s.j.

La vérité de l'Écriture et l'herméneutique biblique

L'intérêt pour la notion de vérité dans le contexte d'une session principalement théologique me semble particulièrement heureux. Cependant, le titre général proposé pour les conférences de cette journée, «Révélation et vérité», peut faire immédiatement problème: quel rapport doit-on mettre entre les deux substantifs? S'agit-il d'une antithèse, comme dans «Vérité et méthode» de H. -G. Gadamer? Ce grand philosophe de l'interprétation, on le sait, voulait montrer que la «méthode» scientifique est impuissante à atteindre la «vérité», dans de vastes secteurs de la connaissance humaine, par exemple dans l'esthétique. Si donc, dans notre contexte, il s'agissait d'une opposition du même type, il faudrait penser que la vérité et la révélation sont en quelque sorte extrinsèques l'une à l'autre, la «vérité» de la révélation étant alors comme le résidu d'une appréciation critique, portée de l'extérieur sur le donné historique de la révélation. Mais le mot vérité, dans ce cas, est employé au sens rationnel qu'il a pris dans la tradition occidentale, surtout à partir du rationalisme et de YAufklàrung. Un tel sens donné au titre de cette session, légitime en soi, ne semble pourtant pas devoir être celui auquel aura songé le bibliste qui l'a choisi.

Une autre lecture du titre paraît plus adéquate. Elle consiste à rapprocher davantage les termes «vérité» et «révélation», au point même d'y voir presque deux synonymes. C'est en tout cas ce à quoi nous invite le sens biblique du mot «vérité», déjà dans l'Ancien Testament, mais surtout dans S. Jean, comme nous le verrons. Comme l'a très bien synthétisé M. Giblet dans son compte rendu de notre ouvrage sur S. Jean, la vérité y désigne «la révélation plénière et définitive qui s'opère par et en Jésus et à laquelle les croyants ont accès en participant au don de l'Esprit»1. S'il en est ainsi, il devient à peu près évident que les mots «vérité» et «révélation», cette fois, disent à peu près la même chose, le premier ajoutant au second une sollicitation plus nette de la foi du