LES ROMANTIQUES ALLEMANDS, PROMOTEURS DE LA NOTION D'EGLISE SACREMENT DU SALUT ?
CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE LA GENÈSE DE L'EXPRESSION « ÉGUSE SACREMENT DU SALUT »
Ainsi posée, la question a de quoi surprendre. Aux yeux des spécialistes de l'ecclésiologie, elle peut relever de l'anecdote. Mais qui approfondit la genèse de l'expression « Eglise sacrement du salut », ne peut manquer de prendre progressivement conscience qu'en cette époque charnière entre le xvme et le xixe siècle, dans ce que nous appellerons de manière très large le romantisme allemand (1), s'élaborent un certain nombre de concepts proches de la notion de sacramentalité et une vision de l'Eglise en son mystère qui vont préparer l'apparition de l'expression attestée pour la première fois en 1830.
Les théologiens qui ont fait le point sur la question n'insistent généralement pas beaucoup sur la période romantique. L'intéressante contribution de W. Beinert est à ce titre représentative (2). Pour expliquer la fortune que connut l'expression à Vatican II, l'auteur part de l'âge apostolique et patristique pour aboutir à la période post-conciliaire. Il remarque certes un texte de Goethe traitant de la notion de sacramentalité, mais probablement en raison du cadre restreint de son article, il ne développe guère cet aspect (3). Cette manière chronologique de lire l'histoire des dogmes ne fournit pas de méthode permettant d'expliquer le succès de l'expression Eglise sacrement du salut à partir des années trente de notre siècle. Consacrant un important volume à cette expression, L. Boff établit
(1) L'époque que nous désignons ainsi est celle qui va de 1770 à 1830 environ. Nous avons conscience qu'il s'agit là d'un abus de langage, mais nous pensons que l'esprit du romantisme est plus large que la période historiquement repérée comme telle par les histoires de la littérature.
(2) W. Beinert, « Die Sakramentalitât der Kirche im theologischen Gesprach », in Theologische Berichte, vol. IX, Kirche und Sakrament, Cologne, 1980, p. 13-66.
(3) Op. cit., p. 19-21.
