Cénacle et Calvaire Les vues de H. Schûrmann1
La mort de Jésus sur la croix «est redevenue un thème de réflexion»2. En effet exégètes, théologiens, chrétiens engagés s'interrogent avec un intérêt croissant sur le Jésus pré-pascal et notamment sur le sens de sa mort. Il n'est donc pas étonnant de voir les exégètes s'attacher avec rigueur au problème plus particulier de l'attitude de Jésus face à la perspective de sa mort violente3.
Au début du ministère galiléen, et durant une assez longue phase de ce ministère, l'éventualité d'un dénouement précipité semble absente de la pensée de Jésus, bien qu'on ne doive pas négliger l'impression que produisit peut-être sur lui la mise à mort de Jean-Baptiste par Hérode. A partir de quand la perspective d'un tel dénouement se précisa-t-elle aux yeux du Maître? C'est impossible à dire, mais Marc suggère de situer ce moment à mi-chemin de la vie publique puisqu'il écrit vers le milieu de son évangile : «(alors) Jésus commença à enseigner que le Fils de l'Homme devrait souffrir beaucoup, etc.... » (Me 8, 31). Et c'est en tout cas dans la seconde moitié de son livret que le plus ancien des évangélistes offre divers matériaux de base pour l'étude de l'attitude de Jésus face à la mort. Si la triple et solennelle prédiction de la Passion exige de difficiles analyses littéraires, leur résultat n'est cependant pas entièrement négatif. En outre, d'autres textes se présentent, tels les récits du repas d'adieu et de l'agonie.
Nous nous bornons ici à une seule question : comment Jésus a-t-il fait face à la mort au cours du repas d'adieu? Plus précisément : nous nous contenterons de présenter une réponse de H. Schûrmann, laquelle nous paraît mériter l'attention par son caractère à la fois critique et constructif4.
1 Texte remanié d'une conférence donnée à Oxford, lors du VIe International Congress on Biblical Studies (avril 1978).
2 H. SchCrmann, Comment Jésus a-t-il vécu sa mort ? (coll. Lectio divina, 93), Paris, 1977, p. 11.
3 Ainsi - pour nous borner ici à quelques études très accessibles - outre le livre cité à l'instant : J. Guillet, Jésus devant sa vie et sa mort, Paris, 1971 ; A. George, Comment Jésus a-t-il perçu sa propre mort ?, dans Lumière et vie, 1971, n° 101, p. 34-59 ; P. Benoit, Jésus et le Serviteur de Dieu, dans J. Dupont (éd.), Jésus aux origines de la christologie, Gembloux, 1975, p. 1 1 1-140 ; X. Léon-Dufour, Jésus devant sa mort, ibidem, p. 141-168 ; M. Bastin, Jésus devant sa Passion (coll. Lectio divina, 92), Paris, 1976 ; Id., L'annonce de la Passion et les critères d'historicité, dans Revue des sciences religieuses, t. 50, 1976, p. 289-329.
4 H. Schurmann, Jesu ureigner Tod, Leipzig, 1975. Dans l'exposé qui suit, toute référence à une page renvoie à la traduction française (mentionnée ci-dessus, n. 2) ; nous nous attachons surtout aux deux premiers chapitres de ce livre, les seuls qui répondent exactement à son titre. - Mgr H. Schûrmann, professeur à Erfurt (Allemagne de l'Est), est aujourd'hui l'un des exégètes catholiques les plus estimés.
