Revue théologique de Louvain, 23, 1992, 459-471. Jôrg Disse

La temporalité dans l'eschatologie de

Jésus selon la «Dramatique divine» de

Hans Urs von Balthasar

La plupart des interprétations modernes de l'eschatologie de Jésus (ainsi que de celle du Nouveau Testament en général) reposent sur une conception exclusivement anthropologique de la temporalité, si bien que Jésus, lorsqu'il s'exprimait sur le temps, l'aurait conçu entièrement dans le sens d'une succession linéaire historique. Aussi sérieuse que puisse être l'exégèse moderne du point de vue méthodologique, la théologie qu'elle présuppose reste parfois un peu naïve. Si l'on a raison d'exiger aujourd'hui que la théologie dogmatique tienne compte des résultats de l'exégèse moderne, ne devrait-on pas en retour demander à l'exégète aussi une certaine réflexion systématique afin d'éviter qu'il n'interprète ses textes sur la base d'une catégorialité purement séculière?

Hans Urs von Balthasar, dans sa Dramatique divine1, comprend l'eschatologie de Jésus à partir d'une temporalité qu'il conçoit comme essentiellement différente de celle de l'homme en général. L'irruption du Dieu dans le monde que constitue l'événement de l'incarnation entrouvre une brèche dans la pure succession linéaire et nous oblige à reconsidérer la question de l'imminence du règne de Dieu chez Jésus (et dans l'Église primitive) sous un angle nouveau. Il y a un «temps de Jésus-Christ» (DD II.2, 13/14) qui, malgré le fait qu'en tant que vrai homme Jésus soit partie intégrante du temps historique, constitue néanmoins un temps particulier (eine «besondere Zeit», ibid.), dont il faut élucider les conséquences pour sa conscience eschatologique.

Le principe fondamental qui guide l'eschatologie balthasarienne dans