Le temps qui s'avance et l'instant du changement

(Timée, 37 C-39 E, Parménide, 140 E-141 E, 151 E-155 E)

Aborder la question du temps chez Platon semble imposer comme référence, et comme unique référence, ce qui en est dit dans le récit de Timée. C'est en effet le seul texte où le temps se trouve thématisé, déterminé à la fois dans sa nature et dans sa fonction. En inventant l'image (37 c 6-d 8) de la dimension du paradigme qui aurait pu sembler la plus rebelle à toute imitation sensible — l'éternité — , le Démiurge réussit à rendre encore plus manifeste le lien entre le monde et son modèle. Le temps n'a pas pour effet de conférer une manière d'éternité au monde (l'hypothèse d'une dissolution commune du monde et du temps est maintenue en 38 b), il n'assure qu'une plus grande ressemblance de l'image sensible à son modèle noétique1, c'est-à-dire une plus grande intelligibilité.

Pourtant, deux passages du Parménide (140 e-141 e et 151 e-155 e) parlent également du temps, et c'est surtout à eux que je vais m'attacher. On considère généralement2 que, à la différence du Timée, ils ne peuvent rien nous apporter d'intéressant quant à la conception platonicienne du temps, et le seul problème posé à leur propos est de savoir si on peut attribuer à Platon l'affirmation, évidemment surprenante, que tout être est dans le temps3. La question est à coup sûr importante, mais elle fait du même coup passer au second plan celle de savoir si ces textes ne nous disent pas quelque chose du temps, et quelque chose d'aussi fondamental que ce que nous en dit le Timée.