MÉLANGES — MENGELINGEN

HUMANISME ET CROISADE: TORRËNTIUS ET LES TURCS

Associer aux Turcs le nom de l'évêque d'Anvers Liévin Torrentius paraîtra sans doute à d'aucuns paradoxal (x). Cet homme d'Église, doublé d'un humaniste, a passé l'essentiel de sa longue carrière au vicariat général de l'évêché de Liège d'abord (1557-1587), à la direction de l'évêché d'Anvers ensuite (1587-1595). Ces régions sont l'une et l'autre bien éloignées des zones d'opérations militaires et du champ d'action diplomatique de l'empire ottoman. Torrentius n'a point eu de contacts directs, — diplomatiques ou guerriers, — avec les Turcs ; il n'a pas eu davantage le loisir de les observer chez eux à l'occasion d'un pèlerinage en Terre Sainte ou d'un voyage en Orient à la recherche d'antiquités, comme en entreprenaient encore à l'époque des humanistes fervents. Il a cherché cependant, le catalogue de sa bibliothèque en témoigne, à s'informer sur eux, à connaître leur histoire, leurs institutions (2). Il a été sensible, surtout, à la menace que constituait pour le monde chrétien leur présence aux portes de l'Occident. Cette préoccupation se marque dans ses écrits. Les productions littéraires qui nous restent de lui ne sauraient être tenues pour une source de l'histoire des Turcs au xvie siècle ; elles méritent de retenir l'attention pour la connaissance intime de leur auteur et la compréhension de son temps. Engagé par ses fonctions dans le conflit politique et religieux qui déchire les Pays-Bas, il ne manque pas de s'intéresser, avec plus ou moins de passion selon les circonstances, aux grands problèmes internationaux ; la question turque n'est certes pas le moindre à ses yeux. Un aspect de la personnalité de l'individu ne s'en trouve pas seulement éclairé ; à travers lui, pensons-nous, c'est la mentalité des ecclésiastiques humanistes de la seconde