La pensée durandienne et l’imaginaire chinois

  • Durandian Thought and the Chinese Imaginary

DOI : 10.35562/iris.853

Résumés

Profitant de la commémoration du cinquantenaire de la création du premier Centre de recherches sur l’imaginaire fondé par Gilbert Durand, Léon Cellier et Paul Deschamps, nous tentons d’approfondir notre réflexion sur les influences réciproques entre l’imaginaire chinois et la pensée durandienne, dont la rencontre se révèle féconde et fructueuse dans les champs interculturels et comparatifs, et semble propice pour la connaissance et le rayonnement de l’un comme de l’autre, et pour le développement futur de la recherche sur l’imaginaire.

While seizing the opportunity to participate in the commemoration of the 50th anniversary of the creation of the first Research Center on the Imaginary Founded by Gilbert Durand, Léon Cellier and Paul Deschamps, this presentation aims to deepen reflection on the reciprocal influences between the Chinese Imaginary and Durandian thought, This encounter proves to be fruitful in both inter-cultural and comparative fields, and is propitious for the knowledge and influence of both cultures. It may well spawn future developments in research on the Imaginary.

Plan

Texte

J’ai été très honorée et très heureuse de participer à ce colloque qui a commémoré le cinquantenaire de la création du premier Centre de recherche sur l’imaginaire fondé par Gilbert Durand, Léon Cellier et Paul Deschamps. Et j’ai été particulièrement contente de pouvoir y participer aux côtés de la professeure titulaire, comme on dit au Canada, Anna Ghiglione, philosophe, sinologue et directrice du Centre d’études de l’Asie de l’Est de l’université de Montréal, dont les travaux novateurs, fructueux et éclairants sur la pensée durandienne et l’imaginaire chinois sont un soutien et un encouragement précieux pour ma propre recherche dans ce domaine.

Comme nous nous sommes réunis sur ce lieu de génie qui a vu naître le premier CRI, il est donc opportun de nous pencher sur le parcours, le développement et le rayonnement de la recherche sur l’imaginaire, mise en évidence et en valeur par l’œuvre des fondateurs du CRI et de leurs nombreux successeurs, comme en témoigne la longue liste, loin d’être exhaustive, des travaux réalisés à partir ou autour de l’œuvre de G. Durand : depuis La Galaxie de l’imaginaire. Dérive autour de l’œuvre de G. Durand, sous la direction de M. Maffesoli, en 1980, jusqu’à Gilbert Durand. De l’enracinement au rayonnement, sous la direction de A. Chemain-Degrange et P. Bouvier, en 2015, édité par l’Université Savoie Mont-Blanc qui nous a accueillis le premier jour, en passant par Le Statut de l’Imaginaire dans l’œuvre de G. Durand, sous la direction de J. Pierre (1990), Lectures de Gilbert Durand à travers le monde, Bulletin de liaison des Centres de recherches sur l’imaginaire, sous la direction de J.-J. Wunenburger (hors-série no 1, 1998), Variations sur l’imaginaire. L’épistémologie ouverte de G. Durand. Orientations et innovations, sous la direction de Y. Durand, J.-P. Sironneau et A. F. Araujo (2011), Les Dynamiques de l’imaginaire, sous la direction de P. Tacussel (2012), L’Imaginaire durandien. Enracinements et envols en Terre d’Amérique, sous la direction de R. Laprée et C. R. Bellehumeur (2013), l’Esprit Critique, « Actualité de la mythocritique. Hommage à Gilbert Durand », sous la direction de F. Gutierrez et G. Bertin (hiver 2014), etc., sans oublier les brillants travaux de J. Thomas, Structures de l’imaginaire dans l’Énéide (1981), de C.-G. Dubois, L’Imaginaire de la Renaissance (1985), de A. Frasson-Marin, Italo Calvino et l’imaginaire (1986), de R. Chemain, L’Imaginaire dans le roman africain (1986), de G. Bosetti, Le Mythe de l’enfance dans le roman italien contemporain (1987), de F. Bonardel, Philosophie de l’alchimie. Grand Œuvre et modernité (1993), de M. Xiberras, Pratique de l’imaginaire. Lecture de Gilbert Durand (2002), de D. Perin Rocha Pitta, Iniciaçao à teoria do imaginàrio de Gilbert Durand (2005), de Gilbert Durand e la « Mitodologia », par A. Iacuele et M. Pia Rosati (Atopon, Quaderno, no 1-2006), de C. Hyung-Joon, Imagination et G. Durand (2009), de F. Gutiérrez, Mitocritica, Naturaleza, funcion, teoria y practica (2012), etc., sans oublier non plus les brillants travaux de S. Vierne qui signe avec G. Durand Le Mythe et le mythique, P. Gallais, A. Pessin, D. Chauvin, A. Siganos, P. Walter, dont l’œuvre est immense, F. Monneyron, I. Buse, A. Verjat, J. M. Zarandona et son prestigieux Centre CLYTIAR (Cultura, Literatura Y Traduccion Iber-ARturica), M. Prat Serra, J. D. Parra, B. Solares, A. Ortiz-Osés, R. Boyer, O. Rimbault, N. Germanaz, etc.

Pour compléter cette longue liste de travaux sur l’imaginaire, aussi bien collectifs qu’individuels, inspirés de l’œuvre de G. Durand, ceux de A. Ghiglione : La Pensée chinoise ancienne et l’abstraction (1999), La Vision dans l’imaginaire et dans la philosophie de la Chine antique (2010), et ceux de moi-même : Mythe, thèmes et variations, co-écrit avec G. Durand (2000), Rabelais. Mythes, images et sociétés (2000), Essais sur l’imaginaire chinois. Neuf chants du dragon (2004) ont l’honneur d’y trouver place. Et ce qui me permet donc de profiter de ces quarts d’« heures propices » pour réfléchir rétrospectivement à l’influence de la pensée durandienne sur les travaux de recherche sur l’imaginaire chinois, et à la comparaison avec l’imaginaire occidental, entreprise par A. Ghiglione et moi-même.

Dans mon intervention sur « Gilbert Durand et l’imaginaire de l’Orient » au colloque sur l’imaginaire durandien organisé par les Professeurs R. Laprée et C. R. Bellehumeur (Université Saint-Paul, Ottawa, Canada, juin 2012), j’ai abordé, d’une façon certes un peu trop rapide, la pénétration de l’œuvre de l’anthropologue français en Orient et en Extrême-Orient, en évoquant le caractère universel de son œuvre, l’influence de H. Corbin et du cercle d’Eranos sur son parcours spirituel ou initiatique, et ses « affinités » avec l’Orient asiatique : l’Inde, le Japon, la Corée, la Chine (surtout son affinité avec la dualitude chinoise du Yin et du Yang), etc. Dans mon autre article « Gilbert Durand et l’imaginaire chinois », rédigé initialement pour le colloque international « La pensée mythique. Figures, méthodes, pratiques » organisé par les Professeurs L. Couloubaritsis, B. Pinchard et J.-J. Wunenburger (Lyon / Bruxelles, octobre 2005), j’ai eu l’occasion d’approfondir mes réflexions sur la méthodologie d’une science de l’imaginaire mise au point par l’œuvre de G. Durand et l’École de Grenoble, et sur les traits fondamentaux et spécifiques de l’imaginaire chinois par rapport à celui occidental, en relevant timidement des coïncidences ou influences réciproques qui marquent ces deux corpus, ou deux « bassins sémantiques », et en établissant un état des lieux, quoique non exhaustif, des travaux de la recherche sur l’imaginaire chinois.

Aujourd’hui, je voudrais donc revenir, avec plus de détails, sur ces deux sujets qui me regardent de très près et qui me tiennent toujours à cœur : celui de la pensée durandienne et celui de l’imaginaire chinois.

L’imaginaire chinois nourrissant la pensée durandienne

Pour préparer le colloque du cinquantenaire du CRI, j’ai relu plus lentement et avec plus de profondeur l’ouvrage phare du fondateur du CRI, Les Structures anthropologiques de l’Imaginaire (SAI), et j’ai eu la grande joie de trouver, ou de retrouver, une multitude de références fascinantes et fort pertinentes, qui pourront tout à fait confirmer, conforter et compléter les idées de correspondance, ou de connivence, réciproque, entre l’œuvre de l’anthropologue français et la culture et l’imaginaire chinois, que j’avais relevées et développées dans mes deux articles mentionnés ci-dessus. Voici quelques exemples, fruits de ma relecture heureuse :

Dans le « Livre Deuxième : Le Régime Nocturne de l’image », que lit-on dans l’un des exergues de la « Première Partie : La descente et la coupe » : « L’esprit des profondeurs est impérissable ; on l’appelle la Femelle mystérieuse… » (p. 225_), un verset tiré du Dao de jing (Tao-Te-King), Le Livre de la Voie et de la Vertu de Lao-zi, l’un des pères du taoïsme chinois ! Un adage si judicieusement choisi et mis en parallèle avec le passage aussi profond que mystérieux du poète romantique allemand Novalis, pour présenter, expliquer, illustrer toute la quintessence et tout le mystère du Régime Nocturne de l’image.

Dans la même partie du livre mentionné ci-dessus, en étudiant les symboles de l’inversion, notamment le schème du redoublement par emboîtement et le procédé de « gulliverisation » cher à Bachelard, après avoir déclaré que « dans l’iconographie, ce redoublement gulliverisant nous paraît être un des traits caractéristiques des arts graphiques et plastiques de l’Asie et d’Amérique », G. Durand reprend les commentaires de Claude Lévi-Strauss sur les motifs chinois de Tao tie (T’ao t’ieh), qui se caractérisent non seulement par le dédoublement symétrique, mais aussi se transforment « illogiquement » et redoublent l’ensemble tout en le gulliverisant, et il remarque que le Tao tie « donne un exemple très net de gulliverisation et d’emboîtement par redoublement d’un thème » (p. 239). Il s’agit en effet d’un motif traditionnel chinois qui représente la tête d’un animal légendaire, féroce et dévorant (dragon, tigre…) et qui orne les cloches Zhong ou les vases tripodes Ding de bronze, trésors de l’antiquité chinoise. D’ailleurs, la forme des caractères chinois Tao tie 饕餮 donnent l’image des monstres dévorants, gloutons ou goinfres, et surtout en haut, la clé hu 虎 : le tigre ; en bas, la clé shi 食 : aliment, nourriture, ou manger, ingérer, boire… mettent en évidence l’idée concrète de manger, d’avaler, de dévorer… et celle plus abstraite d’avidité, de gloutonnerie, de cupidité insatiable… À ce propos, on remarque qu’un masque stylisé des motifs Tao tie figure sur la quatrième de couverture de l’ouvrage de A. Ghiglione consacré à la vision dans l’imaginaire et la pensée chinoise de la Chine antique, et je suppose que celui-ci n’a pas dû être choisi par hasard.

Dans un autre passage un peu plus loin, en étudiant les couleurs dans le Régime Nocturne de l’image, l’auteur des SAI mentionne dans une note : « Soustelle remarque l’importance des couleurs chez tous les peuples qui ont une représentation synthétique du monde, c’est-à-dire organisée comme des points cardinaux autour d’un centre (Chinois, Pueblos, Aztèques, Mayas, etc.). » (p. 250) Il est vrai que dans l’imaginaire chinois des Cinq points cardinaux (Wu-fang 五方) — contrairement à l’Occident qui en a quatre —, le Centre est associé à la Terre et à la couleur jaune, l’aspect capital du symbolisme directionnel chinois, que j’ai eu l’occasion de développer dans mon intervention « La pérégrination vers l’Ouest (Xi you-ji) et les Cinq Points Cardinaux chinois », au colloque de Grenoble en 2004 sur l’imaginaire des points cardinaux, car toute la cosmologie chinoise héritée du Yi-jing est fondée sur une base quinquénaire composée de Cinq Agents ou Éléments (Wu-xing 五行) : le Métal, le Bois, l’Eau, le Feu et la Terre (金木水火土), qui ont engendré également toute une série de correspondances symboliques incontournables de la culture chinoise : les Cinq Vertus fondamentales, les Cinq Relations immuables, les Cinq Saisons, les Cinq organes des sens, les Cinq Viscères, les Cinq Saveurs…

Encore quelques pages plus loin (p. 255), en développant le symbolisme de la mélodie nocturne, G. Durand remarque avec M. Granet : « Ces rêveries sur la “fusion” mélodique que l’on retrouve chez Jean Paul comme chez Brentano ne sont pas sans parenté avec la traditionnelle conception chinoise de la musique, on peut dire que chez les anciens Chinois comme chez les poètes romantiques la sonorité musicale est ressentie comme fusion, communion du macrocosme et du microcosme[…]. » Un tel rapprochement d’idées ou de réflexions provenant des cultures fort lointaines aurait plu à Qian Zhong-shu, qui était l’exemple même de l’ouverture sur l’universalité des cultures (Hommes, bêtes et démons, Introduction, p. 11-12), et dont le style et la verve sont si proches de ceux de G. Durand…

Encore quelques pages plus loin (p. 260), dans son analyse de l’archétype de la féminité dans toutes les cultures humaines, de la « Maman-mer » dans la tradition chilienne et péruvienne à la « terre-mère » chez les anciens Inca, de la Grande Déesse aquatique chez les Indous à l’aquaster mélusinien et morganien dans la tradition occidentale moderne…, il évoque aussi, pour compléter le tableau universel, la Stella maris chinoise Shing-Moo (Xing-mu) et la stupéfaction des jésuites qui évangélisaient la Chine lorsqu’ils s’aperçurent que ces vocables étaient exactement les mêmes qu’utilisait la liturgie chrétienne : « lune spirituelle », « étoile de la mer », « reine de l’océan »…

De tels exemples, révélant le profond intérêt que l’auteur accorde à la référence chinoise, sont nombreux dans les SAI, sans parler d’autres ouvrages de l’auteur, car rien que dans la « Première Partie : La descente et la coupe » du « Livre Deuxième : Le Régime Nocturne de l’image », on peut encore citer l’allusion à la pratique de l’accouchement sur le sol répandue en Chine (p. 262), au rituel sépulcral des anciens Chinois qui bouchent les sept orifices du cadavre, rituel censé procurer la paix et l’immortalité aux défunts (p. 270), à la quête de l’intimité du microcosme pour pratiquer l’involution, chez les adeptes de la Voie ou du Bouddha (p. 278), au symbolisme de la barque et de la navigation maritime, qui constitue un thème récurrent dans la peinture traditionnelle chinoise (p. 286)… Toutes ces trouvailles ou retrouvailles amènent à une réflexion ou une évidence sur cette connivence intellectuelle ou spirituelle entre les cultures différentes, chère à l’anthropologue français comme à un comparatiste chinois nommé Qian Zhong-shu, car c’est le sujet privilégié de l’éminent lettré chinois du xxe siècle, dont l’œuvre n’est rien d’autre qu’une illustration éclatante de la fraternité universelle des cultures. « […] les hommes ont toujours pensé aussi bien » disait C. Lévi-Strauss, qui rejoint par là Jung et Bachelard… Aussi cette entente, accord tacite, entre la pensée durandienne et l’imaginaire chinois est-elle un réel encouragement pour enrichir mes réflexions sur ces deux sujets qui me sont chers… Aussi cette quête ou enquête confirme-t-elle en même temps l’aspect, ou l’accent, nocturne, mystique et synthétique de la pensée chinoise et de l’imaginaire chinois, que j’ai essayé de mettre en évidence dans mes travaux de recherche sur l’imaginaire chinois et comparé entrepris depuis plus de vingt-cinq ans…

En effet, en relisant G. Durand, je ne peux pas m’empêcher de penser à Qian Zhong-shu, tant leur esprit et leur style se ressemblent et se répondent en infinies résonances spirituelles (Shen-yun 神韵) ! Qian est un des plus grands lettrés chinois du xxe siècle, dont j’ai eu l’honneur de traduire en français, pour la collection « Connaissance de l’Orient » chez Gallimard, l’un de ses recueils Ren shou gui, Hommes, bêtes et démons, composé de quatre nouvelles à la fois drôles et acerbes, nourries de réflexions philosophiques et de références religieuses et littéraires. Né en 1910, fils d’un professeur de littérature chinoise classique, Qian a fait ses études à Oxford et à la Sorbonne dans les années 1930, et après son retour en Chine il a été conservateur en chef de la Section des livres étrangers de la Bibliothèque nationale de Chine, puis professeur d’anglais à la prestigieuse université Qing-hua à Pékin, directeur de recherches de la Section de Littérature chinoise classique de l’Institut de recherches de la Littérature chinoise, et depuis 1982 jusqu’à sa mort en 1998 vice-président de l’Académie des Sciences sociales de la République populaire de Chine. Donc à la fois littéraire, philosophe, sociologue et anthropologue, fin connaisseur aussi bien de la culture chinoise que de la culture occidentale, Qian Zhong-shu, dont le prénom Zhong-shu signifie l’Amoureux des livres, excelle dans presque tous les genres : poésie, calligraphie, œuvre romanesque, critique littéraire… et surtout la somme de commentaires Guan-zhui-bian, Le bambou et le poinçon, véritable monument de la critique littéraire chinoise et sommet de la littérature comparée tant en Chine qu’à l’étranger, qui se caractérise par une érudition gigantesque dans le domaine de la référence. Dans les cinq volumes d’essais — plus de 1800 pages, rédigés en chinois classique —, Qian a entrepris une étude minutieuse et approfondie sur tous les thèmes importants (l’homme, la nature, l’âme, la religion, le pouvoir, le beau, le bien, le vrai, le changement, l’imagination, la traduction…) de dizaines de grands ouvrages canoniques chinois : le Zhou yi, Le Livre des Mutations, le Zuo Zhuan, Commentaires de maître Zuo, le Shi ji – Les mémoires historiques de Si-ma Qian, les entretiens de Confucius, les « proses » de Lao-zi, de Zhuang-zi, de Lie-zi, de Mo-zi, le Shi jing, Le Classique des odes, le Chu ci, Élégies de Chu, le Huai nan zi… qui embrasse aussi bien la littérature, l’histoire, la philosophie que la psychologie, l’esthétique, la linguistique, la philologie… en citant plus de dix mille ouvrages et des milliers d’écrivains, poètes, philosophes, historiens — Tout lettré est un Littré ! — aussi bien chinois qu’étrangers (Platon, Aristote, Shakespeare, Hume, Gombrich, Pascal, Descartes, Boileau, La Fontaine, Rousseau, Hugo, Musset, Baudelaire, Bergson, Valéry, Proust, Bachelard, Hegel, Kant, Leibniz, Goethe, Novalis, Cicéron, Dante, Cervantes, ou encore Spinoza, Marx, Cassirer, Weber, Freud, Foucault, Strauss, Barthes, Jung, Lacan…). Si l’on retrouve, aussi bien chez Qian que chez Durand, cette ouverture sur l’universalité des cultures et ce génie de l’assimilation, qui est un trait capital de la mentalité chinoise — et japonaise aussi —, que l’Occident a peut-être connu à l’apogée de la Renaissance, au xvie siècle, avec Érasme, Guillaume Postel, Rabelais, Montaigne…, on retrouve aussi chez Qian comme chez Durand le même esprit de synthèse, la même érudition, la même acuité intellectuelle. Les deux penseurs, qui se connaissaient et s’admiraient, ont mis en évidence d’une façon éclatante, comme d’un commun accord, la « fraternité des cultures ».

La pensée durandienne éclairant l’imaginaire chinois

Pour préparer cette commémoration, j’ai relu aussi avec beaucoup de plaisir les travaux de mon amie, Anna Ghiglione, philosophe et professeur de philosophie chinoise et de chinois classique à l’université de Montréal. La recherche de A. Ghiglione et la mienne se révèlent tout à fait convergentes et complémentaires. Pour elle, comme le montrent ses deux ouvrages principaux, le but est d’étudier de près, avec précision et raisonnement séquentiel, l’abstraction dans la pensée chinoise ancienne ou la vision dans l’imaginaire et la philosophie de la Chine antique. Dans le premier ouvrage consacré à l’abstraction dans la pensée chinoise ancienne, ses études s’éloignent de l’orientalisme grégaire et traditionnel, mettent en valeur d’autres aspects (oubliés, méconnus ou méprisés…) de la culture chinoise : la quête de la (juste) connaissance, la logique et la rationalité, à partir de la tradition scripturaire de l’époque classique (avant la fondation de l’Empire en 221 av. J.-C.), des réflexions dignes d’être qualifiées de philosophiques, et montrent avec clarté, rigueur et humour les voies qu’emprunte la pensée abstraite en Chine. Dans la deuxième monographie, elle s’intéresse à un point encore plus précis : la vision, et se penche sur des questions telles que : La civilisation chinoise était-elle « visuelle » ? Quelle place les penseurs chinois de l’époque classique (pendant la période dite des Printemps et Automnes et Royaumes Combattants) accordaient-ils à la vue dans leur compréhension du réel ? en étudiant de près les diverses fonctions que revêtent la vue et l’œil (au sens propre, comme organe du corps, et au sens figuré, en tant que métaphore de l’esprit et de son activité pensante) dans les Classiques chinois issus de traditions aussi diverses que le confucianisme, le taoïsme, le maoïsme (Mo-zi), le légisme ainsi que dans les arts divinatoires et dans la mythologie. Elle analyse aussi la constellation d’images langagières — chère à G. Durand —, qui gravitent autour de la vision, notamment la lumière et l’obscurité, le miroir, le reflet, l’ombre et la clarté sur la base de nombreuses preuves textuelles — méthode chère à Qian Zhong-shu. Cette approche originale et audacieuse, tout à fait durandienne, lui permet de conclure que, contrairement à certaines idées reçues, la Chine n’était pas « aveugle » au sens où ses maîtres à penser attribuaient un rôle non négligeable à la vision, dans la quête de la sagesse et dans le développement de la sensibilité humaine.

À ce propos, nous sommes tout à fait d’accord avec l’analyse de A. Ghiglione sur les attitudes « positivistes » de certains lettrés chinois, depuis Confucius jusqu’à Lu Xun, en passant par les légistes de l’époque des Royaumes Combattants et sous le premier empereur de Chine, Qin Shi huang, les néo-confucéens des Song, des Ming, des Qing ainsi que des « néo-confucéens » modernes : Liang Shu-min, Feng You-lan, Qian Mu, Mu Zong-san… En revanche, il est à remarquer que, malgré les méfiances ou hostilités des confucéens ou légistes, le courant magico-religieux d’inspiration taoïste n’a jamais cessé d’exister, simplement il se dissimule, en multipliant ses métamorphoses, pour mieux exister, mieux se faire entendre, et demeure une des sources incontournables de l’imaginaire et de la pensée chinoise. Même Mao Ze-dong (Mao Tse-Toung), dans sa fameuse lettre à Chen Yi sur la poésie, déclare que pour faire de la poésie, on a absolument besoin de recourir à la pensée figurative (Xingxiang siwei 形象思维), donc à l’imaginaire, à l’imagination. Et on sait que Mao était nourri aussi bien des Classiques confucéens et taoïstes que de ceux des marxistes et léninistes, et féru de la poésie, de la littérature et de la philosophie, et lui-même était brillant poète, excellent calligraphe et auteur de plusieurs traités philosophiques, par exemple « De la contradiction », « De la pratique », etc. que A. Ghiglione connaît bien et cite dans son œuvre.

Par ailleurs, sensible aux arts chinois du pinceau — la calligraphie et la peinture à l’encre qui remontent à plus de 3000 ans et qui résistent au défi de la modernité —, A. Ghiglione a tenté de redonner vie à la pensée chinoise traditionnelle par le biais des arts visuels. Comme elle le présente, son initiative est « d’adopter une approche visuelle et pratique de la pensée chinoise » et a pour but de rendre accessibles les réflexions des maîtres à penser de la tradition chinoise par des modes de transmission complémentaires de la philologie (surtout l’analyse de textes) et de la présentation de données historiques — les deux piliers de la sinologie traditionnelle —, notamment par l’exploitation et la production d’images matérielles (peintures paysagères, de personnages, etc.). Car selon elle, « ce médium non verbal qu’est l’image, en effet, permet, en plus de la calligraphie, de s’approcher des contenus textuels, et ce, entre autres, afin de surmonter les difficultés linguistiques ». Mettant donc en pratique la célèbre distinction que le linguiste Roman Jakobson a posé entre trois types de traductions : interlinguale, intralinguale et intersémiotique, et en raison de l’aspect imagé de l’expression écrite dans les classiques chinois et de la dimension incontournable de l’écriture chinoise, car les maîtres à penser de l’antiquité chinoise et leurs compilateurs tissent le discours philosophique par le biais d’images langagières, de figures de sens et de style (métaphores, allégories, analogies, mythèmes, paraboles, etc.) et faisant valoir la théorie du sémitisme des images élaborée par G. Durand, dès les années 1960, dans les SAI, elle a organisé deux expositions, l’une, « Regards contemporains autour de la pensée chinoise ancienne », dans le quartier des artistes de Pékin, le Feng-tai, au Centre d’Échanges Culturels du Pont Marco-Polo, en été 2013, à laquelle j’ai été très honorée et heureuse de participer, l’autre, « La Chine des Sages en images », à l’université de Montréal, au Carrefour des Arts et des Sciences, au printemps 2014. Comme elle remarque judicieusement, « il convient de souligner que les peintures, les estampes et les photographies des rouleaux que nous avons réalisés ne sont pas que de simples illustrations de bribes de pensée : leur polysémie poïétique multiplie les sentiers de la réflexion abstraite soudant un lien d’échange dynamique entre figuration et conceptualisation. En effet, il est impossible de penser sans image. Les maîtres chinois de l’Antiquité avaient bien compris cette tendance générale de la nature humaine consistant à conjuguer le registre verbal (la langue, la parole et l’écriture) avec l’imaginaire (la production d’images linguistiques ou matérielles) ».

Ayant pour objet commun la culture et l’imaginaire chinois et dans le même sillage de la pensée durandienne, ma propre recherche est plus large, plus générale et plus synthétique par rapport à celle de la sinologue de l’université de Montréal.

Si je n’ai pas eu la chance de vivre les premières années ardentes et palpitantes du CRI, j’ai eu, une vingtaine d’années plus tard, l’insigne privilège de pouvoir bénéficier de nombreuses rencontres importantes organisées par le CRI de Grenoble et d’accomplir mes « douze travaux » au sein des CRIs en France comme ailleurs. En fait, dès la fin des années 1980 et le début des années 1990, je me suis initiée à l’étude de l’imaginaire grâce à mon directeur de thèse, le professeur Claude-Gilbert Dubois, et au LAPRIL dont il était directeur, au cours de la préparation de ma thèse à l’université Bordeaux 3. Intitulée Esquisse d’une mythologie rabelaisienne : essai de classification, cette thèse se veut une classification des images rabelaisiennes autour des mythèmes (paquets, essaims, constellations…) aussi bien fondamentaux qu’universels : géants, pérégrinations, combats, etc., et en même temps une réflexion sur ces « formes a priori » qui sont espace, temps et langage dans l’œuvre de Rabelais, et elle est inspirée déjà des théories de la Nouvelle Critique, en particulier celles du structuralisme de C. Lévi-Strauss et celles du « structuralisme figuratif » de G. Bachelard, de M. Eliade et de G. Durand, avec de timides mais tenaces tentatives d’approche comparatiste avec l’imaginaire chinois. Cette étude taxinomique sur l’imaginaire rabelaisien à la lumière de la pensée durandienne m’a permis premièrement de me forger une idée plus précise et approfondie de la Renaissance européenne ambivalente et complexe, époque à la fois « diurne » et « nocturne », avec ses printemps et ses automnes, ses grandeurs et ses décadences, et deuxièmement de m’orienter plus fermement sur le chemin de la connaissance de mes « deux cultures mères » en m’appuyant sur la mythocritique et la mythanalyse, ces nouveaux humanismes qui ne se contentent plus d’une fermeture sur les structures et les constellations de l’Occident (grec, latin, hébreu…) mais se veulent « ouverts » à un comparatisme de « grand large ».

Après la soutenance de ma thèse (1991), je poursuis ma recherche postdoctorale à l’université de Genève pour préparer un diplôme de spécialisation sur la Renaissance, sous la direction du Professeur seiziémiste M. Jeanneret et du Professeur d’histoire de l’art J. Wirth. Les deux mémoires, que j’ai rédigés pour l’obtention du diplôme, portent, l’un sur « Le problème de la langue unique et les rhétoriques de Rabelais », et l’autre sur « Le thème de la Fuite en Égypte dans la peinture flamande du xvie siècle ». Dans le premier essai sur la langue rabelaisienne, j’ai essayé de montrer, à partir du livre majeur de C.-G. Dubois L’Imaginaire de la Renaissance, de la mythocritique durandienne et des études poétiques et rhétoriques de M. Jeanneret, la quête rabelaisienne de la véracité du discours et l’efficacité « bernardine » du mot qui constitue en effet une des caractéristiques de la réflexion linguistique et rhétorique de toute l’époque du xvie siècle, ce que j’ai appelé la « Rédimation de Babel ». Cet article sera publié en partie avec des modifications et amplifications sous le titre de « Rédimer Babel, une Pentecôte rabelaisienne ? » dans les Études sur l’imaginaire. Mélanges offerts à Claude-Gilbert Dubois, ouvrage collectif dirigé par G. Peylet chez L’Harmattan en 2001. Le second essai sur le thème de la Fuite en Égypte constitue une sorte de « variation » dans mes recherches qui se veulent à la fois seiziémiste et comparatiste, tout en mettant en correspondance différents arts, littéraire et plastique. Inspirée de la réflexion majeure de Jakob Boehme sur l’Égypte et de la mythanalyse durandienne, j’ai essayé de repérer et d’étudier trois « mythèmes » de la Fuite et du Repos en Égypte dans la peinture flamande du xve au xvie siècles : privilège du paysage, intégration de toute la scène de la Fuite et du Repos dans un vaste paysage contrairement au rétrécissement italien ; accent porté sur le thème alimentaire : dattes et miracle du palmier, le miracle de la source, le miracle des champs de blé ; le « tressaillement » de la chute des Idoles, spécialement chez Broederlam, Jean Colombe, Gérard David et Patinir. Cette étude montre que la peinture flamande de la Flandre bourguignonne des xive et xve siècles, puis de l’héritage impérial du Téméraire au xvie siècle voit s’épanouir une pléiade d’œuvres fondatrices de la peinture occidentale, dont le « motif » des « Fuites » et du « Repos en Égypte » donnent bien les orientations picturales et symboliques essentielles : la submersion des thèmes religieux dans l’opulence des paysages, l’accent très catholique mis sur les symbolismes « alimentaires » de la terre de refuge égyptienne, et finalement l’opposition polémique (et combien sera-t-elle plus polémique encore avec la vague de l’iconoclasme calviniste au milieu du xvie siècle) entre le « vrai » sacrifice du Christ Aliment divin, Panis angelorum, et les faux sacrifices aux idoles « païennes »… Cet article sera publié dans notre livre co-signé avec G. Durand, Mythe, thèmes et variations, sous le titre de « Héliopolis-sur-Meuse, le thème de la Fuite en Égypte dans la peinture flamande du xvie siècle ».

À partir de 1994 jusqu’à 2016, entre quatre « continuo » de la traduction, Hommes, bêtes et démons de Qian Zhong-shu pour Gallimard, Florilège de Su Dong-po pour You-Feng, L’Épopée des Trois Royaumes de Luo Guan-zhong en cinq tomes pour You-Feng, et une série d’adaptations des romans classiques chinois en Lian huan hua (bandes dessinées chinoises) toujours pour You-Feng : La Falaise rouge, Par trois fois Sun Wu-kong abat la Démone au Squelette blanc… j’ai publié trois monographies, dont deux sur l’imaginaire rabelaisien qui prolongent les réflexions élaborées dans ma thèse : Les Mythologies de Rabelais (1996) ; Rabelais. Mythes, images et sociétés (2000) ; et un sur l’imaginaire chinois appliquant la mythocritique et la mythanalyse comparatives : Essais sur l’Imaginaire chinois. Neuf Chants du Dragon. Mais ce qui m’a beaucoup appris en matière de recherche sur l’imaginaire, c’est ma participation c’est que j’ai pu participer à une vingtaine de colloques internationaux ou publications universitaires au sein du vaste réseau des CRIs aussi bien français qu’étrangers (chinois, belge, roumain, italien, espagnol, canadien…), qui m’a permis d’approfondir ma connaissance de l’étude sur l’imaginaire à travers des sujets variés : « Un Saint Antoine chinois au Gobi » (dans Saint Antoine entre mythe et légende, 1996) ; « L’âge d’or, du Tibre au Fleuve Jaune » (dans L’Imaginaire des âges de la vie, 1996) ; « Le statut saturnien de l’âge de la Grande Concorde (Datong) » (dans L’Âge d’or, 1996), « Esquisse d’une structuration de l’imaginaire chinois » (dans Imaginaire et Littérature II. Recherches francophones, 1998) ; « Rédimer Babel, une Pentecôte rabelaisienne ? » (dans Études sur l’imaginaire. Mélanges offerts à Claude-Gilbert Dubois, sous la direction de G. Peylet, 2001) ; « Atlantides chinoises » (dans Atlantide et autres civilisations perdues de A à Z, sous la direction de J.‑P. Deloux et L. Guillaud, 2001) et « L’Atlantide du… Pacifique ? » (dans Atlantides imaginaires, réécriture d’un mythe (sous la direction de C. Foucrier et L. Guillaud, 2004) ; « Une méthode directive de la naissance et de la disparition des choses : Le Livre des Mutations (Yijing) (dans Loxias : Éclipses et surgissements de constellations mythiques. Littérature et contexte culturel, champ francophone, sous la direction de A. Chemain-Degrange, no 2-3, 2002) ; « Essai sur l’“androgynie” du vêtement en Chine » (dans L’Entre-deux de la mode, sous la direction de F. Franchi et F. Monneyron) ; « La pérégrination vers l’ouest (Xiyou-ji) et les cinq points cardinaux chinois » (dans Imaginaires des points cardinaux. Aux quatre angles du monde, sous la direction de M. Viegnes, 2005) ; « Un chaudron rempli de jiao-zi, ou l’imaginaire nocturne de la cuisine chinoise » (dans Les Cahiers européens de l’imaginaire, no 5, mars 2013, p. 188-194) ; « Les structures fondamentales de l’imaginaire dans L’Épopée des Trois Royaumes de Luo Guan-zhong. Contribution à la mythocritique durandienne » (dans « Actualité de la mythocritique. Hommage à Gilbert Durand », Esprit critique, sous la direction de F. Gutierrez et G. Bertin, 2014 et sa version italienne : Le structture fondamentali dell’immaginario in L’Epopea dei Tre Regni di Luo Guan-zhong Contributo alla Mitocritica durandiana », trad. M. Pia Rosati, dans Atopon, 2015 et Postface pour Actualité de la mythocritique. Hommage à Gilbert Durand) ; « Le mythe du Graal dans la légende arthurienne européenne et dans L’Épopée des Trois Royaumes de Luo Guan-zhong », communication pour les Journées de littérature, culture et tradition arthurienne, Congrès ibérique, sous la direction de J. Miguel Zarandona, Université de Valladolid-Soria, 18-19 novembre 2016, etc.

J’ai aussi rédigé quatre articles sur la réception de l’œuvre de G. Durand : « Gilbert Durand et l’Imaginaire chinois » (dans Symbolon, Bachelard : Art, Littérature, Science, 8/2012) ; « Gilbert Durand et l’imaginaire de l’Orient » (dans L’Imaginaire durandien. Enracinements et envols en Terre d’Amérique, sous la direction de R. Laprée et C. Bellehumeur, 2013) et « Gilbert Durand au château de Novéry » (dans Gilbert Durand. De l’enracinement au rayonnement, textes réunis par A. Chemain-Degrange et P. Bouvier, 2016), et « L’art et la pensée : univers pictural et anthropologique de Gilbert Durand » (dans Gilbert Durand Peintre, catalogue de l’exposition « L’Aurore dans le crépuscule », sous la direction de C. Durand-Sun, 2016), qui vient de voir le jour grâce au généreux soutien des amis de Gilbert Durand.

À part ces travaux individuels, nous avons aussi réalisé deux publications et un livre en collaboration avec G. Durand : « Renversement européen du dragon asiatique », publié trois fois, dans Rôle des Traditions populaires dans la construction de l’Europe. Saints et Dragons, nos 86-87-88, Cahiers internationaux de symbolisme, 1997 ; Rôle des Traditions populaires dans la construction de l’Europe. Saints et Dragons. Tradition Walonne, no 13, 1997 ; « Il Drago in Asia e in Europa » (trad. M. Pia Rosati, dans Atopon Psicoantropologia Simbolica e Tradizioni Religiose, vol. VI, 2000 et 2007) ; « Du côté des montagnes de l’Est (Taishan). Imaginaire chinois de la montagne » (dans Montagnes imaginaires, montagnes représentées, 2000) ; Mythe, thèmes et variations (2000) qui est composé de dix études sur l’imaginaire, reliés par le fil rouge du « trajet anthropologique » de l’imaginaire traitant tour à tour du labyrinthe au Minotaure, de la divinité mercuriale, de l’arbre divin de l’imaginaire occidental, de l’« orixas » brésilien, du Graal dans tous ses états, de l’« identité culturelle » chinoise, de la « grande concorde » confucéenne et du mythe antonin chinois, Tripitaka au Gobi en quête des soutras bouddhiques…

Parmi toutes ces contributions, la plupart sont une application, dans le texte et le contexte chinois, de la mythodologie durandienne, mythocritique (de textes littéraires ou artistiques) et mythanalyse (de contextes socioculturels), mise au point et mise en pratique patiemment et minutieusement par le fondateur du CRI lui-même, à travers ses nombreux ouvrages ou articles : dès Le Décor mythique de la Chartreuse de Parme (1961), jusqu’à L’Introduction à la mythodologie (1996), en passant par Science de l’homme et tradition. Le nouvel esprit anthropologique (1975) ; Figures mythiques et visages de l’œuvre. De la mythocritique à la mythanalyse (1979) ; L’Âme tigrée (1980), etc. Notre démarche se veut être comparative, pluridisciplinaire, anthropologisante, phénoménologique, ou « psychagogique », visant à faire découvrir un aperçu général, et généralisable, de la pensée chinoise et de l’imaginaire chinois, et elle a pour but d’étudier les structures anthropologiques de l’imaginaire chinois à travers la littérature, la mythologie, la philosophie, la sociologie, l’ethnologie, l’anthropologie… — « L’imaginaire est le lieu de l’entre-savoirs », disait G. Durand — afin de mettre en évidence le caractère primordial et fondamental de l’imaginaire chinois, qui ne privilégie pas les structures héroïques du Régime Diurne, contrairement à l’imaginaire occidental, mais donne plus d’importance aux structures mystiques et synthétiques du Régime Nocturne. Car à l’encontre de l’Occident en général conquérant, la Chine demeure plus souvent proche du souci de l’équilibre, du dialogue, de la convivialité et de l’harmonie. Contrairement à la quête philosophique occidentale depuis Socrate, qui privilégie la recherche de l’immutabilité de l’être, le paradigme philosophique que véhicule et transmet le noyau de la pensée chinois, le Yi jing, Le Livre des Mutations, se soucie de l’impermanence des choses et de la maîtrise des changements. Comme le montre la dualitude chinoise non excluante mais impliquante, qui est le fondement du Yi jing, et qui est représentée traditionnellement par les deux principes fondamentaux ou deux forces primordiales, le Yin et le Yang, dont la parfaite union forme la fameuse image du Tai ji, le Faîte Suprême, qui est bien le modèle symbolique du Dao (Tao) : voie, méthode, loi… pour gérer et harmoniser les dix mille choses du monde.

Confucius disait « À quinze ans, je m’appliquais à l’étude. À trente ans, mon opinion était faite. À quarante ans, j’ai surmonté mes incertitudes. À cinquante ans, j’ai découvert la volonté du Ciel… ». Si l’on peut extrapoler, si l’on en croit le grand maître de la pensée chinoise, Wu chi er zhi tain ming (五十而知天命), à cinquante ans, on devrait découvrir la volonté du Ciel, et le CRI devrait connaître aussi le dessein céleste concernant son propre destin. Ce qui est certain, c’est que d’après le Yi-jing, Le Livre des Mutations, noyau de la pensée chinoise, le cinquantième hexagramme, Ding 鼎, le Tripode ou le Chaudron, est un signe de très bon augure, puisqu’il signifie Suprême Fortune, Succès et Prospérité… et que l’emblème de l’hexagramme, le caractère Ding 鼎 (fig. 1), offre l’image du chaudron : en bas sont les pieds, puis la panse, puis les oreilles, c’est-à-dire les anses, et, tout en haut, les anneaux qui servent à le porter, et l’image du chaudron évoque l’idée de cuisson, d’alimentation.

Figure 1. – Le caractère chinois Ding.

Figure 1. – Le caractère chinois Ding.

L’hexagramme Ding (fig. 2) lui-même évoque aussi l’idée de la préparation des aliments, avec, au-dessous, Xun, le bois ou le vent ; au-dessus, Li, le feu ou la flamme. Mais le chaudron n’est pas seulement une vulgaire vaisselle, un ustensile de cuisine, c’est aussi un objet magique, tout comme le Graal arthurien, doté d’incorporation divine, et, depuis l’Antiquité, il est emblème du souverain et de l’Empire et porte l’image du monde. Fondre un tripode signifie littéralement fonder une dynastie, un royaume ou un empire. Associé aux deux hexagrammes Jing, le puits, et Ge, la révolution, la mue, qui le précèdent dans le cortège des 64 hexagrammes, le Ding évoque aussi la réforme, la transformation… Aussi, pourrait-on dire que l’année du cinquantième hexagramme Ding, le Tripode, est l’année de bonne chance, de réussite, de prospérité. C’est pourquoi, en 1995 la Chine a offert un Tripode géant de bronze : « Merveilleux Tripode du Siècle » (Shi ji bao ding 宝鼎) à l’ONU à New York pour le cinquantenaire de sa fondation_, et en 2015, le cadeau spécial que le Président chinois Xi Jin-ping a offert à l’ONU à New York pour fêter ses 70 ans : « Zun de la Paix » (He ping zun 和平尊), orné de multiples animaux fabuleux : dragon, phénix, éléphant, Tao-tie… et de nuages de bon augure, n’est autre qu’un des avatars du primordial Tripode Ding.

Figure 2. – L’hexagramme Ding.

Figure 2. – L’hexagramme Ding.

À ce propos, le CRI en tant que « creuset alpin », véritable melting-pot, fait bien partie de la vaste constellation de chaudron magique ou de Graal initiatique, où ont été forgés, aux temps propices et sur des lieux de génie, au moins deux ou trois générations de chercheurs de l’imaginaire…

En tout cas, nous nous réjouissons de voir tant d’amis réunis pour célébrer ce jubilé du CRI et nous lui adressons nos sincères félicitations pour son anniversaire et nos meilleurs vœux pour son brillant avenir… Nous espérons que ce colloque ouvre une nouvelle période faste pour la recherche sur l’imaginaire, comme l’annonce Jean-Jacques Wunenburger dans son article éclairant et enthousiaste : « L’épistémologie de l’anthropologie de l’imaginaire selon Gilbert Durand » : « La pensée de G. Durand est, sans doute, encore à comprendre, à découvrir, à approfondir, à mettre en œuvre dans des champs nouveaux. Sa réception change selon les périodes et selon les catégories dominantes. Il est probable que l’évolution actuelle des neurosciences, de la naturalisation de l’esprit, des progrès de l’interculturalité favorise une nouvelle séquence de réception, non seulement en France mais dans le monde… » La douzième édition des Structures anthropologiques de l’Imaginaire, qui vient de voir le jour, semble arriver à point nommé, à l’instar de notre colloque qui fête le cinquantenaire de la création du CRI, pour confirmer ce heureux présage. En chinois, on dit tian-shi di-li ren-he (天时地利人和) : temps céleste, lieu favorable, entre gens consentants animés de la même conviction…

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Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Chaoying Durand-Sun, « La pensée durandienne et l’imaginaire chinois », IRIS [En ligne], 39 | 2019, mis en ligne le 15 décembre 2020, consulté le 10 mai 2024. URL : https://publications-prairial.fr/iris/index.php?id=853

Auteur

Chaoying Durand-Sun

Chercheur associé des CRI et traductrice littéraire.
Présidente d’honneur de l’Association des amis de Gilbert Durand

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