Revue des sciences religieuses 73 n° 3 (1999), p. 293-313

RHÉTORIQUE, HISTOIRE ET DÉBATS THEOLOGIQUES

A propos d'un ouvrage sur Simon « le magicien » (1)

« Médisez, médisez, il en restera bien quelque chose »... Simon, le Père de toutes les hérésies fut-il victime de ce mécanisme très particulier de la rumeur médisante ? Entre l'attitude d'un Simon vers les années 36-37 et la mise par écrit des événements, vers les années 70-90, et surtout à la présentation, avec Justin, puis Irénée et le corpus attribué à Hippolyte (pour ne pas parler d'Epiphane) d'un Simon, père de toutes les hérésies, magicien démoniaque, comment décider ce qui provient de la controverse initiale, de la rumeur et des rédacteurs successifs ?

C'est à cette question épineuse que s'attaque, avec clarté et rigueur, l'ouvrage de Florent Heintz. Utilisant les nombreux travaux récents sur la rhétorique antique, il tente de rendre compte des mécanismes qui ont conduit à accumuler sur le personnage de Simon tous les ressorts de la calomnie rhétorique qui pouvaient exister contre un prophète thaumaturge. Son travail, centré sur l'étude d'Actes, 8, 5-25, est éclairé - ce qui n'avait jamais été fait jusqu'à ce jour de façon aussi systématique - par une très importante documentation littéraire, païenne et patristique.

Autant que par la rigueur de la démarche, nous nous sommes sentis interpellés par le questionnement qu'elle suscite quant aux rapports qui relient la formalisation du texte, sa signification et son historicité. C'est pourquoi, il nous a paru intéressant de prolonger ce qui au départ devait être une simple présentation d'ouvrage par une réflexion sur les autres agents qui, en dehors des procédés rhétoriques participent à la construction du texte. Nous aborderons donc successivement le processus qui de l'analyse et du décryptage des moyens rhétoriques mène vers une reconstruction historique débarrassée des faux-semblants,