Revue des sciences religieuses 70 n° 2 (1996), p. 240-253

VERITE DE LA FOI

ET VIE DES COMMUNAUTÉS

SELON IRÉNÉE DE LYON

Irénée est connu essentiellement par son ouvrage Mise en lumière et réfutation de la pseudognose (1), plus célèbre sous le titre de Contre les hérésies. Le traité d'Irénée est un livre polémique où il s'oppose à différents groupes, ébionites, marcionites et gnostiques. Irénée réfute leurs doctrines et en même temps expose la foi de la grande Eglise qu'il voit menacée.

Ces groupes se présentent en effet comme chrétiens. C'est le cas, par exemple, des valentiniens qui, affirme Irénée, se plaignent à notre sujet : ils pensent comme nous, et nous refusons sans motif d'être en communion avec eux ; ils disent les mêmes choses que nous et ont la même doctrine, et nous les traitons d'hérétiques (Haer 3, 15, 2) !

Irénée refuse de les reconnaître comme chrétiens ; pour lui, ce sont des « hérétiques ». Il reprend ici à son compte la terminologie introduite par Justin, auteur de deux traités aujourd'hui perdus et respectivement intitulés, Contre Marcion et Contre toutes les hérésies (2).

Cependant Irénée emploie plutôt le terme hérétique que celui d'hérésie, mettant ainsi l'accent sur les personnes et sur les groupes (3). Ceci attire l'attention sur un point important qu'Irénée a bien relevé, à savoir que l'hérésie est affaire de communauté, de groupe constitué. Nous allons retrouver cet aspect tout au long de cette étude qui analyse la construction théologique élaborée par Irénée pour délimiter et contrer l'hérésie.

Premier élément de la construction, repris à Justin, l'hérésie est une déviation de la doctrine authentique. Mais, ajoute Irénée, l'hérésie est l'œuvre de groupes qui se séparent de l'Eglise et dévient de