Mosaïques, machines, organismes et sociétés
Examen métadisciplinaire du réductionnisme
Introduction
Le réductionnisme dans les sciences sociales peut-il éclairer la question du réductionnisme en biologie? C'est la question qui m'a été posée. Werner Callebaut et Bernard Feltz nous ont montré l'un et l'autre combien la question du réductionnisme en biologie est étroitement liée à l'objet et aux méthodes de cette discipline. A son objet: peut-on réduire le vivant au non-vivant, l'organisme à la machine? A ses méthodes: peuvent-elles se réduire aux méthodes en usage dans les sciences physico-chimiques, l'explication fonctionnelle en physiologie diffère-t-elle de l'explication causale, etc.? Puisque le problème du réductionnisme en biologie est étroitement associé à son objet et à ses méthodes, on peut pen er que la solution de ce problème est à chercher uniquement du côté de la biologie elle-même. Et dans ce cas il ne sert à rien de se tourner vers d'autres disciplines telles que les sciences sociales. J'essaierai, pour ma part, de montrer qu'une partie de la solution au réductionnisme en biologie peut et doit être cherchée à l'extérieur de la biologie.
Il existe des formes variées de réductionnisme dans les disciplines étrangères aux sciences de la vie; ont-elles un dénominateur commun avec le réductionnisme en discussion dans les sciences biologiques? Voici un tel dénominateur commun: on se demande s'il est légitime de réduire le tout à ses parties, et quels rapports il y a entre les parties et le tout. C'est ce dénominateur commun qui va retenir notre attention tout au long de l'argumentation qui va suivre. Peut-on réduire la niche écologique aux populations qui l'habitent, ces populations à la somme des organismes individuels, ceux-ci aux cellules qui les composent, les cellules à leurs molécules, etc.? Peut-on réduire la communication parlée aux énoncés prononcés par les interlocuteurs, ces énoncés aux propositions élémentaires dont ils sont faits, les propositions élémentaires aux mots, ces derniers aux phonèmes, etc.? Peut-on réduire une société aux acteurs sociaux, et une institution à l'adhésion volontaire de ses membres?
