Revue théologique de Louvain, 25, 1994, 5-29. Adolphe Gesché

L'agonie de la Résurrection ou la Descente aux Enfers

En choisissant de parler de la Résurrection de Jésus par le biais du thème de la Descente aux Enfers, on choisit l'abord le plus difficile et le plus problématique. Celui de tous les risques de la naïveté cosmologique et de tous les dangers de la dérive mythologique.

Il y a d'autres approches, plus rationnelles: historique, anthropologique, linguistique, eschatologique. Il y a d'autres choix de vocabulaire, plus conceptuels: réveil, vie, exaltation, seigneurie, puissance de l'Esprit. Pourquoi tenter, en un domaine déjà si difficile et délicat, démarche aussi paradoxale?

Parce que le langage cosmologique et le discours mythologique ont des capacités que n'a pas la raison purement rationnelle. Le langage cosmologique, avec bien sûr ses risques de dérive gnostique, permet un déploiement qu'un langage abstrait («mort», «vie», «résurrection») ne prend pas en compte. Les Pères grecs l'avaient bien compris, qui ont tant recouru, dans leur christologie et dans leur sotériologie, aux représentations cosmiques, et non point aux seules ressources métaphysiques. Quant au discours mythologique, malgré ses dangers de dérive pseudo-historique, n'est-il pas reconnu, par l'herméneutique d'aujourd'hui, comme plus riche que le discours de «simple raison»1. Joue ici la fameuse «distance herméneutique», que permet précisément le recours à un schème culturellement éloigné.

Kant déjà, à propos du péché originel, reconnaissait aux «représentations religieuses» une force que n'a pas la philosophie, alors même qu'elle parle, elle aussi, d'un «mal radical»: «Le même genre de représentation dont use l'Écriture pour décrire l'origine du mal» ne peut certes être pris par le philosophe comme une explication historique, mais il «s'accorde bien» avec ce qui, dans sa recherche de «l'origine rationnelle, demeure pour (lui) impénétrable. Il n'existe pas pour nous de raison compréhensible, poursuit Kant, pour savoir