«Id est summum omnium quae sunt»
(S. Anselme, «Monologion», chap, i-iv)
Les quatre premiers chapitres du Monologion comptent parmi les pages les plus connues de l'œuvre de saint Anselme. Multiples, quoique souvent foncièrement semblables, en sont les interprétations; nous les évoquerons d'abord brièvement. Par principe de méthode, fondé sur la demande explicite d'Anselme1, nous nous démarquerons de ces interprétations en recherchant comment ces chapitres sont intérieurement unifiés; nous aurons ainsi mis à jour le but précis que veut poursuivre notre auteur. En cherchant alors les sources d'inspiration de nos textes, nous dégagerons les instruments conceptuels qu'ils utilisent. Nous nous attacherons enfin à comprendre les quatre premiers chapitres du Monologion.
1. Diverses interprétations des quatre premiers chapitres du «Monologion»
Les historiens de la philosophie n'envisagent d'unité de ces chapitres que celle d'une répétition d'une même intention, sous divers modes. Etienne Gilson, dans sa Philosophie au moyen âge, pense qu'il y a trois «preuves»2 de l'existence de Dieu dans nos textes; il estime que le chapitre deux fait partie intégrante de la première «démonstration». Mlle S. Vanni Rovighi voit quatre «preuves»3; elle lit nos chapitres en désordre, trouvant dans le troisième la clef d'intelligence des autres, le
1 Anselme conclut la Préface de son Monologion en indiquant l'ordre de transcription de son œuvre: la Préface, la suite des chapitres (cf. 8, 22). L'ordonnance du texte n'est donc pas sans signification. Il en va de même à propos du Cur deus homo (cf. 43, 4-5). Nous citons d'après l'édition critique de S. Schmitt, S. Anselmi Cantuariensis Archiepiscopi opera omma, 6 volumes, Edimbourg, Nelson, 1938-1961; le Cur deus homo se trouve dans le second volume, le Monologion et le Proslogion dans le premier. Nous indiquons la page, puis la ligne concernées.
2 La philosophie au moyen âge. Des origines patristiques à la fin du XIVe siècle, 2e éd. revue et augmentée (Bibliothèque historique), Paris, Payot, 1947, pp. 243-245.
3 5. Anselmo e lafilosofia del sec. XI, Milan, Fratelli Bocca, 1949, pp. 64-78.
