Être laïc en Pologne aujourd'hui

L'élection de Jean -Paul II a provoqué, comme chaque événement spectaculaire, une brusque fièvre parmi les éditeurs. Il en est résulté une série de publications sur le Pape et l'Église de son pays, dont le niveau, certes honnête, ne dépasse guère la qualité d'un bon reportage. Néanmoins, deux livres d'avril 1979 émergent nettement de cette grisaille. L'un et l'autre s'attachent à comprendre la situation actuelle de la Pologne à partir de l'analyse des années d'après-guerre. Le terme - bien ambigu - de «laïc» permet de les rapprocher en soulignant leur complémentarité : l'un d'entre eux vient d'un témoin de la gauche laïque, tandis que l'autre fait entendre la voix du laïcat catholique polonais.

Dans L 'Église et la gauche : le dialogue polonais, Adam Michnik concentre son attention sur la défense des droits essentiels de l'homme1. Son ouvrage, qui a été publié en polonais en 1977, explique le lent cheminement qui a abouti à la collaboration actuelle de la gauche laïque et de l'Église de Pologne. Représentant courageux de la «dissidence» polonaise, Adam Michnik s'est fait connaître par ses interventions au sein du KOR (le Comité d'autodéfense sociale) et de «l'Université volante». Il raconte - et il justifie - le changement d'attitude de son parti vis-à-vi§ de l'Église. Au sortir de la guerre, les préjugés anticléricaux - préjugés partiellement fondés sur une vieille expérience d'intolérance - l'emportaient sur tout autre sentiment. Pour la gauche, l'Église demeurait le véritable obstacle à l'épanouissement des droits de l'homme; paradoxalement toute attaque, même si elle violait les droits de l'homme, était approuvée par la gauche. Petit à petit, celle-ci a perçu que l'Église faisait autre chose que de défendre des privilèges injustes : dans un pays livré à l'arbitraire, elle devenait le principal rempart du droit. C'est autour de ces valeurs fondamentale que, en Pologne, l'Église et la gauche ont noué, depuis quelques années, leur dialogue2.

Cet ouvrage, rédigé primitivement pour les Polonais et surtout pour la gauche polonaise, se recommande par quelques qualités fondamentales : honnêteté exemplaire dans l'approche de l'autre, lucidité étonnante dans l'analyse politique. En le lisant, on ne peut oublier que ce jeune auteur marxiste - il n'a guère plus de 32 ans - n'est pas un théoricien détaché du réel : il ne cesse de payer de sa personne au service de son idéal3.