ETUDES ET TRAVAUX Varignon et la transsubstantiation
Solange Gonzalez (*)
La situation de la question au XVIIe siècle
La présence réelle du Christ sous les deux espèces du pain et du vin est clairement affirmée lors du synode de Latran en 1059, sans toutefois que soit évoquée sa localisation. Jusqu'alors la position dominante de l'Église sur cette question s'appuyait sur les doctrines de saint Ambroise (1) et de saint Augustin. Le Christ est présent sacramentaliter lors de l'Eucharistie par l'efficace des paroles liturgiques (2). Son corps est spirituel et sa chair n'est pas sensible. Il s'agit, pour la communauté des croyants, de commémorer le souvenir de la Passion, et la manducation du corps du Christ est une nourriture spirituelle. Les discussions s'engagent autour de Béranger de Tours (t 1088) qui refuse de considérer que la substance du pain se transforme en le corps du Christ et voit dans le sacrement l'occasion de commémorer symboliquement le Calvaire du Christ (3). Il importe de noter que les termes de matière, de forme, de sujet et d'accidents sont alors employés et vont occuper de plus en plus l'espace laissé à la pensée pour affronter, avec les outils de la métaphysique, puis ceux de la physique au XVIIe siècle, cette tam magna questio. C'est à Guitmond que l'on doit la première formulation claire de la transsubstantiation, sans que le terme
(*) Solange Gonzalez, CERPHI (Centre d'études en rhétorique, philosophie et histoire des idées), ens-lsh Lyon, 15, parvis René-Descartes, bp 7000, 64342 Lyon Cedex 07. (1) De mysteriis, § 52-54. Ce texte est traduit dans la collection « Sources chrétiennes », n° 25 bis aux éditions du Cerf (Paris, 1980). (2) In Johannis Evangelium tractatus, LXXX, 3, Aurelii Augustini Opera (Turnhout : Brepols, 1954). (3) Epištola ad Ascelium (66 b). Il est intéressant de noter que les partisans de la présence réelle considèrent que l'Eucharistie est une répétition du sacrifice du Christ, tandis que les tenants de la présence symbolique du Christ considèrent que le sacrifice a eu lieu une fois pour toutes.
Rev. Hist. Sci.. 2005, 58/1, 207-223
