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Philosophie des valeurs en psychothérapie

Published online by Cambridge University Press:  01 September 1963

Henri Gratton
Affiliation:
Montréal

Extract

Dans presque tous les domaines scientifiques, on a tenté d'évincer la réflexion philosophique soi-disant au bénéfice d'objectifs strictement empiriques. La psychothérapie ne fait pas exception.

Freud qui a, pour ainsi dire, inauguré l'ère des psychothérapies a été pour beaucoup à l'origine de cette attitude négative. II considérait la philosophic comme le refuge de la fantaisie abstraite, pour ceux qui ne sont plus à même de s'en tenir à l'observation des faits. II partageait ainsi les préjugés les plus communs de la profession médicale de son temps.

Type
Articles
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Copyright © Canadian Philosophical Association 1963

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References

1 Freud, S., Ma vie et lapsychanalyse, trad, de M. Bonaparte, Paris, Gallimard, 1949 [ouvrage écrit en 1925], p. 93.

2 Voir “La philosophic et la morale psychanalytique”, ds H. Gratton Psychanalyses d'hier et d'aujourd'hui, Paris, Ed. du Cerf, 1955, p. 72s.

3 A. Lalande, ds Vocabulaire technique et critique de la philosophic, Paris, P.U. 8e éd., 1960, p. 1182–1186 : “Si ce qui a prédominé dans la philosophic antique et médievale, c'est le point de vue de l'être et de l'objet; si, ensuite, s'est développée au premier plan une philosophic de la connaissance, une critique de l'esprit, on dirait peut-être que nous assistons à l'avènement d'une philosophie de la valeur […]”.

4 Comme nous le verrons, dans un second article, le psychothérapeute fait face avant tout à l'authenticité subjective des valeurs. Certains se promettent de ne pas toucher à ce qu'ils appellent le “noyau de la croyance dite objective”. Mais, en théorie et souvent en pratique, la visée du psychothérapeute va au delà du subjectif.

5 On a qu'à lire l'histoire de la psychologie expérimentale et de la psychologie medicale d'auteurs tels que Boring et Zilboorg pour s'en convaincre facilement.

6 On peut lire, à ce sujet, un article fort intéressant de Marcel Rioux, “Remarques sur les concepts de vision du monde et de totalité,” ds Anthropologica, Vol. IV (1962), p. 273–291. “Une des tâches importantes de celui qui étudie la méta-anthropologie c'est de trouver les postulants fondamentaux concernant la nature du monde et de l'homme qui ont cours dans un système culturel donné” (Bidney, 1953). Depuis quelque temps, ce problème a cessé d'en être un de méta-anthropologie pour devenir tout simplement un des centres d'intérêts de l'anthropologie (p. 277).

7 On en trouvera un exemple frappant dans : A. Hesnard, L'ævre de Freud et son importance pour le monde contemporain, Paris, Payot, 1960, 390 p. Voi r notre recension dans Sciences Eccl., vol. xiv, (janv.-avril 1962), p. 156–162.

8 On connaît «L'avenir d'une illusion», écrit par Freud en 1929, oû ce dernier cherchait à montrer le caractère illusoire, obsessionnel et hallucinatoire de toute religion. Tout récemment, dans la même veine, René Held a écrit une «Contribution à l'étude psychanalytique du phénomène religieux», ds Revue Fran¸aise de Psychanalyse, t. xxvi, nos 2–3 (mars-juin 1962), p. 211–266. Le réductivisme psychologique y est évident. L'auteur en voulant fuir l'«illusion ontologique » est tombé, à notre avis, dans l'«illusion réductiviste ».

9 Ainsi : « On entend par « source » de l'instinct, le processus somatique qui joue dans un organe ou dans une partie du corps et dont l'excitation est représentée, dans la vie psychique, par l'instinct. On ignore si ce processus est toujours de nature chimique ou bien s'il peut aussi correspondre à la décharge d'autres forces, mécaniques par exemple. L'étude des sources pulsionnelles n'appartient plus au domaine de la psychologie; bien que l'origine et la source somatique de l'instinct soient pour celui-ci un élément simplement décisif; il ne nous est connu, dans la vie psychique, que par ses buts. Une connaissance plus approfondie des sources de l'instinct n'est pas absolument indispensable aux recherches psychologiques » (Métapsychologie (1915), Paris, Gallimard, 1952, p. 34). On peut également lire avec avantage l'étude nuancée de E. Jones, Sigmund Freud, Life and Work, Vol. Ill, ch. 10 : Biology, p. 324–337 (London, The Hogarth Press, 1957).

10 Ainsi : « La théorie analytique propose un système de valeurs […]. C'est un système de valeurs soi-disant biologiques […] celui qui est fondé sur le plaisir. » Le principe de plaisir est à la base de la théorie freudienne et de ce que l'on appelle les morales biologiques : l'être vivant tend à survivre, dans son adaptation à l'environnement, il est guidé par le plaisir-déplaisir. Le plaisir correspond statistiquement aux stimulés bénéfiques, le déplaisir aux stimulés maléfiques. […] N'oublions pas que le principe de réalité n'est qu'un principe de moindre déplaisir, renoncement à une satisfaction immédiate pour obtenir une satisfaction future; il est basé sur une acquisition en partie intellectuelle (ou corticale, si l'on préfère) de la capacité d'anticipation (M. Benassy, Intervention au rapport de Ch.-H. Nodet, Quelques réflexions sur les valeurs engagées dans la cure analytique, Rev. Frang. de Psychanalyse, V. 22, (1958), p. 365).

11 Nous voulons signifier la Psycho-somatique issue de Franz Alexander et de Flanders Dunbar.

12 Voir notre article dans Sciences Eccl., Vol. xii (1960), p. 205–227; 377–402 : « Méthode phénoménologique et analyse existentielle en psychothérapie ».

13 Par « valeurs authentiques » on veut désigner avant tout des valeurs subjectivement authentiques.

14 Ainsi en va-t-il généralement des auteurs comme Daim et Caruso, principalement dans leurs volumes Transvaluation de la Psychanalyse (L'Homme et l'Absolu), écrit par Daim, en 1951 : trad, de Jundt, chez A. Michel, 1956; également de Caruso : Psychanalyse et synthèse personnelle (Rapports entre l'analyse psychologique et les valeurs existentielles), paru en 1953, trad, par G. Monnet, chez Desclée de Brouwer, 1959, 245 p.

15 Médard Boss a fait paraître, sur ce sujet, un livre très suggestif, sur lequel nous reviendrons dans la seconde partie de ce travail : « Introduction à la médecine psycho-somatique », trad, par W. Georgi, Paris, P.U.F., 1959, 185 p. L'auteur souligne brillamment les inconvénients du dualisme psychique-somatique en médecine.

16 Ici, l'on rejoint les préoccupations de l'Anthropologie culturelle contemporaine, pour qui les « valeurs » sont particulièrement reliées à la « vision du monde », aux croyances, goûts, jugements de valeur, désirs, règies pratiques, principes, conceptions diverses, etc. Voir plus haut, l'article de M. Rioux, note 6.

17 Les relations déshumanisantes se forment sous le signe du «je» et du « il ». En psychothérapie, ces auteurs tendent à montrer que le psychothérapeute en tenant trop à un rôle de « catalyseur », de « miroir » ou de « bienveillance neutre », même si par là il permet l'abréaction, le transfert et la liquidation (jusqu'à un certain point) des conflits psychiques, ne favorise pas suffisamment le développement des possibilités de « rencontres » vraiment humaines qui, elles aussi, sont de nature à guérir et faire évoluer le psychisme troublé.

18 On sait comment les « grands » de la psychologie des profondeurs, Freud, Adler et Jung étaient tributaires des idées darwiniennes de leur temps. Voir à ce sujet notre volume, cité en note 2.

19 Cette tendance est très nette chez les « néo-freudiens », Fromm, Sullivan et Horney. Voir également note 2.

20 Cette tendance est très nette chez les « existentiels » tels que Frankl et ceux de l'école dite de « Vienne », voir note 12.

21 Pas plus que nous demanderions au philosophe de se faire psychothérapeute, ethnologue, biologiste, etc. Mais il ne lui sera pas moins demande de constater jusqu'à quel point sa philosophic de l'homme sera plus ou moins profonde et souvent réductiviste elle aussi, selon qu'il sera correctement informé ou non des donnees essentielles des diverses disciplines empiriques qui étudient Phomme.

22 J- C. Jung, L'homme à la découverte de son âme, 3e éd., trad, de R. Cahen-Salabelle, Coll. Action et pensée, Genève, Ed. du Mont-Blanc, 1948, p. 26–27.

23 Non plus d'ailleurs qu'en «psychologie clinique»; les psychologues cliniciens utilisent d'ailleurs, la plupart du temps, des concepts freudiens ou sont fortement enclins à mathématiser la réalité psychique sous forme statistique (Voir surtout cette mentalité chez H. J. Eysenck ds Uses and Abuses of Psychology, Pelican Books, A 281, London, 1954. Pour lui, entre autres choses, la psychanalyse ne peut être scientifique parce que non essentiellement expérimentaliste. II représente, à cet égard, une mentalité réductiviste des plus déshumanisantes, très vivante encore, chez les psychologues «expérimentalistes». Cette mentalité tend à faire concevoir les « sciences de I'homme » sur le modéle mathématisé des « sciences de la matiére ».

24 Et non au sens américain comme dans les expressions « anthropologie physique » ou « anthropologie culturelle ».