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À propos de l’ouvrage d’Helmholtz Über die Erhaltung der Kraft sur un principe limité de la conservation de l’énergie

Muriel Guedj1
p. 1-25

Résumés

Incontestablement, La conservation de la force d’Helmholtz constitue un texte qui annonce la conservation de l’énergie, comme en témoignent l’introduction du concept de potentiel, l’importance accordée au concept de travail ainsi que le fort degré de généralité du principe de conservation tel qu’il est exposé. Cependant, ce dernier présente certaines restrictions (statut des pertes, de la chaleur, formalisation mathématique...) qui empêchent la formulation du concept d’énergie totale. Nous montrons que c’est donc la conservation de l’énergie mécanique qu’il convient de lire dans le texte d’Helmholtz. Ces restrictions sont significatives de l’attachement de ce dernier à une mécanique conservative qui rend parfaitement compte du principe fondateur de la théorie (l’impossibilité d’obtenir un mouvement perpétuel) et qui par ailleurs est cohérente avec ses travaux de physiologie.

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Notes de l’auteur

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Texte intégral

Que Michel Paty trouve ici l’expression de mes remerciements pour ses encouragements à publier cet article.

1« ...il fallut surtout que Helmholtz lançât son écrit sur la conservation de la force, retentissant manifeste qui annonçait à la science l’avènement des nouvelles doctrines. » [Duhem 1895, 405]

2Cette opinion de Pierre Duhem concernant le célèbre texte d’Helmholtz Uber die Erhaltung der Kraft [Helmholtz 1847] est généralement partagée par l’ensemble des historiens des sciences qui voient en Helmholtz l’un des pionniers du principe de conservation de l’énergie. Cependant, ces derniers ont des lectures différentes du principe présenté dans le texte de 1847. Ces divergences concernent autant l’interprétation de ce principe que la méthode développée par Helmholtz pour l’établir.

  • 2  Bien que Bevilacqua qualifie de non-achevée l’approche mathématique et qu’il constate l’absence de (...)
  • 3  Dans La fécondité des erreurs, Pourprix souligne l’erreur qui consiste à considérer comme équivale (...)

3Par exemple, C.C. Gillipsie souligne qu’Helmholtz parvient à la conservation de l’énergie par le biais de la physiologie et que cette approche de non-spécialiste est essentielle [Gillispie 1970]. Par contre, T. Kuhn relève que c’est en appliquant un principe de conservation à des phénomènes anciens et connus que Helmholtz annonce ce que Kuhn qualifie d’« hypothèse de la conservation de l’énergie » [Kuhn 1959]. Aucun de ces deux auteurs ne précisent toutefois le sens du terme énergie. D’un autre côté, Y. Elkana affirme la formulation sans ambiguïté et la généralisation du principe par Helmholtz, invoquant les convertibilités mutuelles et la présence d’un principe unificateur avec le terme de kraft [Elkana 1970]. Plus récemment, F. Bevilacqua et B. Pourprix s’accordent sur le fait que l’énergie explicitée par Helmholtz exprime une énergie potentielle et une énergie cinétique avec la conversion d’une forme à l’autre mais chacun de ces auteurs pondère l’universalité du principe de conservation dégagé. Ainsi, Bevilacqua pointe des insuffisances expérimentales et mathématiques2 [Bevilacqua 1993, 295] alors que Pourprix souligne l’attachement du principe de Helmholtz au système des forces centrales3 [Pourprix 2003, 100-104].

  • 4  Le texte de 1847 a été traduit en français par Louis Pérard qui le publie en 1869 sous le titre (...)

4Cet article vise à clarifier ces interprétations du travail d’Helmholtz4 afin de vraiment appréhender ce qui est exposé dans le texte de 1847. Quel principe de conservation est exprimé ? Qu’est-ce qui préside à l’établissement de ce dernier ?

5Pour notre part, nous pensons que le principe de conservation de la force d’Helmholtz concerne en fait le principe de conservation de l’énergie mécanique. Ce dernier est ensuite transposé à d’autres domaines que celui de la mécanique, ce qui est novateur. Cependant l’approche d’Helmholtz présente un certain nombre d’éléments qui restreignent la généralisation du principe de conservation de l’énergie mécanique en vue d’exprimer la conservation de l’énergie totale. Ce sont ces éléments que nous allons pointer ; ils concernent essentiellement la section IV du texte de 1847, intitulé « Equivalent de la force et de la chaleur ».

6Afin de situer le texte d’Helmholtz, nous présentons, dans un premier temps, un bref contexte du travail de ce dernier avant d’expliciter, dans un second temps, le principe de conservation de la force tel qu’il est abordé dans les trois premiers chapitres de l’ouvrage. Le rôle du concept de travail et celui des mathématiques sera plus particulièrement analysé. La troisième partie concerne les concepts de chaleur et de perte ainsi que la notion d’équivalent de la force, et, plus encore, c’est le lien entre ces diverses notions et le principe de conservation de la force qui est interrogé. La dernière partie synthétise tous les éléments précédents pour conclure relativement au principe de conservation de l’énergie abordé dans le texte d’Helmholtz.

1 Le contexte

  • 5  T. Kuhn souligne la nécessité pour les Naturphilosophen de trouver un principe unificateur unique (...)
  • 6  Voir [Bevilacqua 1993] qui s’intéresse plus particulièrement à l’introduction de la force de tensi (...)

7L’émergence du principe de conservation de l’énergie, au milieu du XIXeme siècle, a donné lieu à de nombreux commentaires et les historiens des sciences ont avancé plusieurs causes à cette émergence. Parmi les principaux éléments, il convient de citer notamment les processus de conversion, l’intérêt porté par les ingénieurs aux machines, la progression de la Naturphilosophie5, la réduction des phénomènes physiques à une mécanique conservative [Darrigol 2001], la transition d’un paradigme statique à un paradigme dynamique6... A ces éléments, l’affirmation de C. Smith selon laquelle :

Between Isaac Newton and Albert Einstein no development in physics is more significant than the replacement of the concept of force by the concept of work [Smith 1990, 326]

8non seulement renseigne sur les évolutions conceptuelles, mais plus encore est symptomatique d’une reformulation de la physique dans les années 1840 conduisant dans la seconde moitié du siècle à une physique de l’énergie.

9Sans revenir en détail sur l’ensemble du processus qui conduit du concept de force à celui de travail, il est toutefois intéressant d’en souligner certaines étapes en s’attachant à dégager les amorces d’un principe de conservation.

  • 7  La force vive est notée mv2, (m représente la masse et v la vitesse).

10La physique des forces centrales telle qu’elle est présentée par Laplace consiste à réduire tous les phénomènes physiques à l’action de forces inversement proportionnelles au carré de la distance séparant les corps, ces derniers étant considérés comme des « atomes non ponctuels ». Précisant que les distances mises en jeu interviennent sur le type de force, l’étude des phénomènes célestes se ramène à celle des forces attractives — alors que ce sont des forces répulsives qui interviennent lorsque les distances sont faibles — Laplace en arrive à la conservation de la force vive7. Si Poisson et Fourier, tous deux héritiers de Laplace, ont conduit le programme de ce dernier dans différentes branches de la physique, le style de ces auteurs témoigne d’un tournant esquissé vis-à-vis de la physique laplacienne. Dans le cadre de sa Théorie mécanique de la chaleur, la méthode développée par Poisson pour expliciter l’équation de la conduction de la chaleur, nécessite d’élaborer un modèle complexe et spéculatif rendant compte des relations entre le calorique et les molécules du solide. L’équation alors obtenue révèle une approche mathématique rigoureuse mais complexe. Fourier en revanche traite le phénomène de la conduction de la chaleur comme s’il s’agissait d’un flux continu et ne s’interroge pas sur la nature physique de la chaleur. Son approche se démarque nettement de la physique des forces centrales car si comme Laplace, il privilégie l’analyse mathématique, cette approche exclut tout modèle microscopique pour adopter une théorie de la chaleur macroscopique, géométrique et pratique.

  • 8  Cet aspect est développé dans [Grattan-Guinness 1984].

11Cet « aspect pratique » que doit revêtir une théorie n’est pas sans lien avec la montée en puissance d’une génération d’ingénieurs théoriciens français plus concernés par l’établissement d’une théorie générale des machines que par la mécanique rationnelle. Ainsi, les écrits de Na-vier, Coriolis et Poncelet confirment un glissement du concept de force vers celui de travail, marquant ainsi une orientation vers la physique mathématique de Fourier plutôt qu’un attachement à la force abstraite de Laplace. Cette approche n’est pas fondamentalement novatrice, et Lazare Carnot dans son Essai sur les machines en général, soulignait déjà l’intérêt du concept de travail sur celui de force ; le travail mesurant directement l’effet obtenu par une machine. Cependant, chez cet auteur, le travail n’apparaît pas encore comme un concept indépendant, la conservation de la force vive (exprimée par mv2) jouant le rôle principal. Ainsi, c’est la génération d’ingénieurs suivant celle de Lazare Carnot qui transforme la mécanique en une science du travail. Les termes de travail mécanique ou quantité de travail sont introduits, la force vive sera redéfinie comme étant l/2 mv2, elle correspond au travail accompli. L’équation qui lie la force vive et le travail devient explicite et la distinction des données intérieures ou extérieures est effectuée au sein du principe des forces vives, précisant ainsi les concepts de forces et de travail8.

  • 9  Voir notamment page 325.

12Par ailleurs, les pertes d’effet, pertes de forces vives ou de travail, deviennent un sujet d’étude, les processus mécaniques ne devant pas impliquer de pertes. Ainsi, les pertes qui interviennent lors des chocs ou des frottements sont interprétées comme autant de mouvements ou modifications moléculaires : elles sont en fait dissimulées [Darrigol 2001]9.

13Cette approche est novatrice car elle repose sur une mécanique conservative qui s’attache à distinguer les grandeurs internes des grandeurs externes. Plus encore, le système explicatif avancé souligne le lien explicitement établi entre les grandeurs macroscopiques et les grandeurs microscopiques. Ce dernier aspect s’avère essentiel pour une formulation générale du principe de conservation de l’énergie, incluant notamment l’explicitation de l’énergie interne.

  • 10  « ...dans tout système soumis d’une manière entièrement générale à la loi de la conservation de la (...)
  • 11  Il s’agit du texte d’une conférence donnée par Helmholtz à Kœnigsberg le 7 décembre 1854. Le texte (...)
  • 12  Voir la note 19.

14C’est dans le contexte de la physique laplacienne que s’inscrivent les travaux d’Helmholtz qui reste très attaché aux forces centrales, concepts sur lesquels repose entièrement son mémoire sur la conservation de la force10. Ainsi, en 1854 dans son Exposé élémentaire des forces naturelles11, La mécanique céleste de Laplace est le texte auquel il se réfère pour évoquer la structure et la constitution de l’Univers [Helmholtz 1854, 31 et 39]. Cependant, c’est l’influence de Kant qui apparaît comme étant essentielle. En effet, si dans le texte de 1847 Helmholtz ne cite pas explicitement l’influence kantienne de ses travaux, nous avons trouvé dans la conférence12 donnée à Kœnigsberg en décembre 1854, cette proposition significative :

  • 13  Voir également la référence à Kant et Laplace relativement à l’organisation de la matière sous for (...)

Kant, contemplateur enthousiaste de la composition physique de la terre et de la structure du monde, avait entrepris l’étude des ouvrages de Newton : il prouva combien il en avait pénétré les idées fondamentales en émettant lui-même la féconde pensée que la même force d’attraction qui existe dans toute la matière pondérable, et qui entretient aujourd’hui le mouvement des planètes, pouvait bien avoir existé dans la matière disséminée en vapeur dans les espaces, et formé le système du monde.13 [Helmholtz 1854, 31]

  • 14  Notre approche se limite à présenter l’influence de Kant comme l’un des éléments essentiels à la c (...)

15Ces écrits justifient l’importance de la force d’attraction, force centrale à l’origine du raisonnement d’Helmholtz. Cette interprétation est renforcée lorsque dans la suite de ce même texte il affirme à propos de Laplace : «  Plus tard, de son côté [...], Laplace, conçut la même idée et la propagea chez les astronomes » [Helmholtz 1854, 31] situant ainsi les travaux de ce dernier dans la droite ligne de ceux de Kant qui apparaît, dans les écrits d’Helmholtz, comme étant le seul véritable précurseur14.

2 Le principe de conservation de la force

16« Nous admettons l’impossibilité de créer de rien une force motrice durable par une combinaison quelconque de corps. » [Helmholtz 1847c, 5] L’impossibilité d’obtenir un mouvement perpétuel constitue pour Helmholtz, comme cela avait déjà été le cas pour Carnot et Clapeyron, un principe fondateur sur lequel l’ensemble de la théorie repose. Helmholtz toutefois se démarque de ces deux auteurs en « traduisant » ce principe à l’aide de concepts mécaniques qui en permettent la formalisation. Ainsi, la conversion du travail et de la force vive est exprimée mathématiquement à l’aide de l’expression suivante dont Helmholtz précise qu’il s’agit de la loi de conservation de la force vive :

le premier terme correspond au travail consommé ou produit ; le second est selon Helmholtz la « moitié de la force vive ».

  • 15  L’approche d’Helmholtz consiste à considérer un système de corps soumis à des forces centrales et (...)

17L’argument d’Helmholtz repose sur le fait qu’au cours d’un cycle d’opérations15, le bilan en terme de travail est nécessairement nul. Le contraire entraînerait en effet, la possibilité d’obtenir un mouvement perpétuel ; un excès de travail pouvant être utilisé pour produire du mouvement. Ainsi, le travail est ainsi perçu comme une fonction d’état.

  • 16  Ibid., pages 311–312. Cet aspect sera abordé ultérieurement.

18Pour Bevilacqua, les travaux des ingénieurs français sont à l’origine de l’approche du concept de travail chez Helmholtz [Bevilacqua 1993]. Il souligne cependant que ce dernier se démarque des études françaises en interdisant toute perte de travail16, perte systématique pour Carnot et Clapeyron.

19Dans la deuxième section, Helmholtz généralise le principe de conservation de la force vive en Principe de la conservation de la force. Pour un point de masse m se déplaçant suivant une direction r sous l’influence d’une force d’intensité φ, Helmholtz écrit :

20En intégrant cette dernière équation entre « Q et q les vitesses tangentielles en deux positions quelconques » et « R et r les distantes correspondantes », il obtient :

  • 17  Pour cette question voir [Bevilacqua 1993, 315—316] et [Pourprix 2003, 98].

équation dans laquelle le premier membre représente la différence des forces vives entre les deux instants considérés. La définition du second membre donne lieu à une justification détaillée : «  Appelons tension la force qui tend à mouvoir le point matériel m, avant que le mouvement soit effectué, par opposition à ce que la mécanique appelle force vive » [Helmholtz 1847c, 73 ]. Ainsi, le second membre de (2) est qualifié de Quantité des Tensions, et la définition qu’en donne Helmholtz évoque davantage un potentiel qu’un travail comme cela est le cas avec l’équation (1). La différence entre le terme de « Arbeit » qui exprime le travail et celui de « Spannkräfte » qui désigne la force de tension, a été pointée par les historiens qui soulignent l’aspect novateur de cette distinction, préfigurant ainsi la notion d’énergie potentielle17. Par ailleurs Helmholtz exprime avec la conservation de la force, non pas un simple principe d’interconversion, mais un véritable principe de conservation pour lequel la force apparaît comme le dénominateur commun des diverses interconversions étudiées.

21Ainsi, en associant la conservation de la force vive à son concept de potentiel ou d’énergie potentielle, c’est la conservation de l’énergie mécanique que Helmholtz exprime dans la seconde partie de son texte, et c’est cette conservation qu’il va généraliser à d’autres domaines de la physique.

3 « Equivalent de la force et de la chaleur » (section IV)

3.1 La chaleur, son équivalent mécanique et les pertes

« Ce que l’on a appelé jusqu’ici quantité de chaleur, n’est qu’une façon d’exprimer, d’une part, la quantité de force vive du mouvement calorifique, d’autre part, l’énergie potentielle des atomes, qui, par une modification de leur arrangement, peuvent être causes d’un pareil mouvement » [Helmholtz 1847c, 92].

  • 18  « ...il semble qu’une hypothèse analogue aux vues d’Ampère peut résumer l’état de la science à ce (...)
  • 19  Ibid., page 93.
  • 20  Il s’agit de la conductibilité, le rayonnement et les échanges de chaleur intervenant lors des cha (...)

22Alors qu’il tente d’expliciter le mouvement en se référant aux travaux d’Ampère18, Helmholtz conclut son développement sur la chaleur en indiquant que la connaissance de sa nature s’avère accessoire devant la nécessité d’appréhender la chaleur en terme de mouvement. La substitution de la conservation de la force à la conservation du calorique est ensuite immédiate : « La conservation de la force aurait lieu dans ce mouvement [c’est à dire la chaleur] dans tous les cas où l’on a reconnu la conservation du calorique19...» Cette substitution en rejetant la conservation du calorique montre qu’Helmholtz semble intégrer le concept de chaleur à la conservation de la force. Cependant, pour illustrer son principe de conservation, Helmholtz limite les exemples20 à des processus purement caloriques tels que la conductibilité ou le rayonnement, et l’exposition et le traitement d’une situation abordant simultanément des échanges de chaleur et de travail ne sont pas évoqués.

23Ainsi, dans ce chapitre consacré à l’équivalent de la force et de la chaleur, Helmholtz ne semble pas viser l’extension de son principe de la conservation de la force aux phénomènes de la chaleur afin de prolonger l’étude entreprise dans les chapitres précédents ; son objectif paraît résider davantage dans la volonté de mettre en adéquation les phénomènes caloriques et le principe de conservation. Finalement, de façon paradoxale, si la chaleur est présentée comme un concept cohérent avec le principe de conservation de la force, son approche indépendante des concepts mécaniques largement explicités lors de l’établissement du principe de conservation, lui confère le statut de concept autonome. Incontestablement l’approche d’Helmholtz est novatrice : la conservation de la force succède à la conservation du calorique. Cependant, elle semble limitée : pourquoi les phénomènes calorifiques sont-ils traités indépendamment ?

24Toutefois, deux brefs exemples, présentés en introduction du chapitre « équivalent de la force et de la chaleur », traitent à la fois des phénomènes mécaniques et caloriques. Dès lors, il est intéressant d’examiner le statut accordé au concept de chaleur lorsque des processus mécaniques sont évoqués.

25L’étude des chocs pour des corps non élastiques ou la prise en compte des frottements lors d’un mouvement quelconque sont les exemples que Helmholtz qualifie de « faits mécaniques dans lesquels on admet jusqu’à présent une perte de force » [Helmholtz 1847c, 87]. La mise en défaut du principe de conservation de la force est alors interprétée comme la perte de force vive associée au dégagement de chaleur. Ces exemples pointent un problème théorique que devrait lever l’acceptation d’un équivalent mécanique à la chaleur. Comment l’introduction d’un équivalent mécanique permet-elle de résoudre le problème des pertes et de rendre cohérent l’ensemble de la théorie?

26En fait, cette question n’est pas directement abordée par Helmholtz qui interroge la nature de la chaleur et son lien avec la force :

« Une certaine perte de force mécanique entraîne-t-elle toujours le dégagement d’une quantité de chaleur déterminée ? Et jusqu’à quel point une quantité de chaleur peut-elle correspondre à son équivalent de force mécanique ? » [Helmholtz 1847c, 88].

  • 21  « Quoique la production de chaleur soit hors de doute, on en a aussi peu cherché les lois et les c (...)

27Les analyses qu’il apporte lui permettent de conclure positivement à la première question et d’affirmer une nature dynamique pour la chaleur. D’autre part, bien que l’ajout d’une note à la traduction française de 1869 indique clairement l’acceptation des résultats obtenus par Joule, et lève ainsi toute ambiguïté concernant la consommation de chaleur mise en jeu dans la production de travail, le texte de 1847 témoigne des doutes persistants relatifs à cette implication21.

  • 22  Le travail de Sadi Carnot, notamment la notion de rendement des machines à vapeur est connu d’Helm (...)

28Finalement, si l’association des pertes de force mécanique et de la chaleur constitue un élément de réponse à la mise en cohérence de l’ensemble de la théorie, la réponse reste implicite car Helmholtz ne suggère aucune approche structurée permettant d’intégrer ces dégagements de chaleur au principe de conservation de la force. Par ailleurs les incertitudes concernant la consommation de chaleur dans la production d’effet mécanique, ne lui permettent pas de pointer le paradoxe qu’il y a à accepter l’existence d’un rendement limité aux machines22 et l’équivalent mécanique de la chaleur.

  • 23  Sur cette question voir [Guedj 2006].

29Ce point de vue est à rapprocher des travaux de William Thomson qui durant la même période s’interroge sur les pertes d’effet dues aux frottements des fluides en mouvement ainsi que sur celles systématiquement observées lors du fonctionnement des machines. La singularité du travail de Thomson réside dans la prise en compte de ces pertes, exprimées sous forme de chaleur, lors de l’établissement des bilans en terme de travail. Et, en définitive, si la réponse apportée par Thomson semble s’opposer à la formulation de tout principe de conservation (il s’agit de concilier les pertes et une conservation), la saisie du problème (comment justifier ces pertes), s’avèrera particulièrement féconde23.

30En résumé, les pertes, et par conséquent la chaleur associée, ne sont pas prises en compte lors de l’établissement de la conservation de la force pour des processus mécaniques et l’« équivalent de la force et de la chaleur » n’apporte pas de réelle réponse aux problèmes des chocs non élastiques ou de la prise en compte du frottement évoqués en début de chapitre. Il semble que le principe de conservation de la force présente ici une limite à sa généralisation. Deux éléments permettent de préciser cette limite, il s’agit d’une part de l’analyse mathématique et d’autre part, des relations entretenues entre les grandeurs macroscopiques et les grandeurs microscopiques.

3.2 Des limites à la généralisation du principe de conservation de la force

31Comme cela vient d’être évoqué, c’est à l’aide de données microscopiques, la quantité de force vive du mouvement calorifique et l’énergie potentielle des « atomes », qu’Helmholtz exprime la chaleur avant d’indiquer qu’il convient de transposer à la conservation du calorique la conservation de la force [Helmholtz 1847c, 93]. Cette étape essentielle vers la généralisation de la conservation de la force n’est cependant pas précisée : comment en effet interprète-t-il cette conservation impliquant des grandeurs microscopiques ? Quel lien existe-t-il entre cette conservation microscopique et la conservation de la force telle qu’elle est présentée tout au long de l’ouvrage, c’est à dire une conservation ne mettant en jeu que des grandeurs macroscopiques ?

32Finalement si la quatrième partie du texte de 1847 apporte des éléments novateurs concernant la nature de la chaleur et son équivalent mécanique, le statut du concept de chaleur ne va pas de soi. Ce dernier semble en effet occuper une position à la fois cohérente et indépendante du principe — macroscopique — de conservation de la force. La cohérence résulte de la possibilité d’exprimer la chaleur à l’aide des concepts centraux de la mécanique. L’indépendance résulte du traitement que lui confère Helmholtz en la dissociant de l’étude des phénomènes mécaniques ou en l’assimilant aux pertes lorsque cette étude est abordée.

33L’absence d’analyse mathématique constitue un deuxième élément empêchant la généralisation escomptée par Helmholtz. Cette absence, dans le chapitre consacré à l’équivalent de la force et de la chaleur, contraste avec la volonté de développer un raisonnement analytique rigoureux lors de l’établissement de la conservation de la force. Pourquoi cette absence et quelles en sont les conséquences ?

34Comme conséquence directe de l’étude proposée dans le paragraphe précédent, l’absence de lien entre les grandeurs physiques microscopiques, mises en jeu dans l’explication de la chaleur, et les grandeurs macroscopiques de la conservation de la force, ne permet pas de produire une expression analytique pour la chaleur.

  • 24  Nous rappelons l’inflexion d’Helmholtz vers l’équivalent mécanique de la chaleur, voir [Helmholtz (...)

35Il ne s’agit pas de rechercher avec l’équivalent mécanique de la chaleur l’étape cruciale qui mène vers la conservation de l’énergie, la trop grande importance accordée à cet élément par les historiens a été soulignée à plusieurs reprises. Plus encore, les travaux d’Helmholtz corroborent cette approche puisque l’établissement de la conservation de la force ne repose en aucun cas sur cet équivalent. Il est bien évident que la prise en compte de ce dernier, en associant la chaleur au travail, conduit à une expression analytique en lien direct avec le principe de la conservation de la force vive24 et autorise alors un principe de conservation plus généralisé car il intègre la chaleur.

36Cette absence d’analyse souligne d’une part, le caractère autonome de la chaleur et laisse d’autre part en état le problème des pertes lorsque des forces mécaniques sont produites à partir de la chaleur. Quel est le statut de ces pertes ? Helmholtz n’envisage pas ce problème comme partie intégrante de son principe de conservation de la force.

37Il convient toutefois de remarquer que la position de ce dernier vis-à-vis des pertes évoluera sensiblement. Ainsi, à l’occasion de la conférence donnée à Kœnigsberg en 1854, Helmholtz indique avoir accepté les résultats de Joule, puis il précise : « Cependant, de ce qu’aucune minime portion de force ne peut s’anéantir, on ne peut conclure qu’elle ne puisse rester stérile pour l’usage de l’homme » [ Helmholtz 1854, 27].

  • 25  Voir les ajouts à la traduction française, [Helmholtz 1847c, 97], ainsi que [Helmholtz 1854, 27]

38Ce court passage, bien que postérieur au texte de 1847, est l’un des seuls montrant l’importance des pertes pour Helmholtz. Cependant, n’ayant pas lui-même abordé la question de la conservation via celle des pertes, il renvoie sur ce point son lecteur aux travaux de Thomson et Clausius25. Concernant l’analyse mathématique et la prise en compte des grandeurs macroscopiques et microscopiques, il est particulièrement intéressant d’examiner les travaux d’Helmholtz à la lueur de ceux de Clausius. En effet, l’approche de ce dernier contribue à clarifier ces deux éléments, confirmant ainsi l’intérêt du renvoi indiqué par Helmholtz. Cet aspect des travaux de Clausius et leur réception par Helmholtz sont présentés dans la partie suivante.

3.3 Théorie de la chaleur : apports de Clausius, réception d’Helmholtz

  • 26  Ibid., p. 18. Il faut noter qu’au moment de la rédaction de ce premier mémoire, Clausius indique q (...)
  • 27  Clausius ne donne pas d’autre explication, sinon celle liée à la précision des expériences décrite (...)

39Dans l’introduction au Mémoire 1 de la Théorie mécanique de la chaleur [Clausius 1868], texte publié en 1850, Clausius rédige un historique bref et efficace présentant les principaux éléments qui rendent compte de la théorie : « La recherche la plus importante sur ce sujet est due à S. Carnot... »26, il souligne dans les travaux de ce dernier la nécessité d’avoir deux corps de températures différentes et indique que le transport de la chaleur entre ces deux corps est la condition impérative à l’obtention d’un travail. Par ailleurs, convaincu par les expériences de Joule27, il signale que l’obtention d’un travail résulte de la consommation, et non du simple transport de la chaleur et conclut : « …la chaleur n’est pas de la matière, mais consiste dans un mouvement des molécules des corps… » [Clausius 1868, 18]

40C’est notamment en s’appuyant sur l’équivalent mécanique de la chaleur, qu’il va préciser la notion de chaleur et indiquer les relations entre chaleur et travail. A cet égard, trois éléments novateurs semblent plus particulièrement se dégager de ce mémoire. Ainsi, au cours d’un cycle d’opérations subies par un gaz, Clausius montre que la chaleur latente n’existe pas, qu’il est nécessaire de distinguer les grandeurs intérieures et extérieures interagissant avec le système et enfin que l’impossibilité de la conservation de la chaleur résulte de cette distinction.

  • 28  Clausius reprend la distinction introduite par Carnot et précisée par Clapeyron entre deux types d (...)

41Le premier point concerne la définition de la chaleur totale et plus particulièrement celle de la chaleur latente28 lorsque l’hypothèse de l’existence d’un équivalent mécanique de la chaleur est adoptée.

« On parle souvent de la chaleur totale des corps, surtout de celle des gaz et des vapeurs, en comprenant sous cette dénomination la somme de la chaleur libre et de la chaleur latente... » [Clausius 1868, 22]

42Le choix d’une nature dynamique pour la chaleur le conduit à conclure relativement à la chaleur latente : « [cette] dernière n’est pas seulement, comme le nom l’indique, cachée à notre perception, elle n’existe pas le moins du monde ; elle a été consommée en travail dans les changements d’état. » [idem., 24] En effet, dans le cadre de l’hypothèse du calorique, justifier l’existence de la chaleur latente revient à justifier la disparition momentanée d’une fraction de matière.

43Le deuxième point est lié à la nécessité introduite par Clausius de préciser le découpage entre la chaleur et le travail en distinguant des grandeurs qualifiées d’externes de celles qualifiées d’internes. Cette distinction joue un rôle essentiel dans la théorie car Clausius, par la suite, considérera que seules les grandeurs internes se conservent au cours d’un cycle d’opérations.

44Ainsi, il présente deux aspects pour le travail produit :

« D’abord il faut un certain travail pour vaincre l’attraction mutuelle des molécules d’eau et les porter à la distance à laquelle elles se portent les unes des autres dans la vapeur. Ensuite la vapeur doit en se développant repousser une pression extérieure pour se créer de l’espace. Nous appellerons le premier travail intérieur, le second extérieur, et nous ferons la même distinction pour la chaleur latente. » [idem., 24]

45Par ailleurs, au cours d’un cycle d’opérations, le travail extérieur ne peut être nul, parce qu’il dépend de grandeurs comme la pression ou la température. Finalement, en accord avec l’équivalent mécanique de la chaleur :

« la quantité de chaleur qui doit être communiquée à un corps pour le faire passer d’un état à un autre, ne dépend pas seulement de l’état initial et final, mais encore de toute la voie que suit la modification, cela ne se rapporte qu’à la partie de la chaleur latente qui répond au travail extérieur. » [idem., 24]

46Ainsi, ni le travail ni la chaleur ne sont des fonctions d’état ; la chaleur n’est pas une grandeur conservative.

47C’est la question de la formalisation analytique qu’il convient enfin d’examiner. Ainsi, en travaillant à partir d’un cycle d’opérations, Clau-sius exprime un rendement c’est à dire la détermination du rapport entre les grandeurs produites et consommées :

  • 29  Pour plus de détail sur la formalisation de la chaleur voir [idem., 31–34].

où « A est une constante qui représente l’équivalent de la chaleur pour l’unité de travail. » [idem., 33] L’expression du travail résulte de la « combinaison des lois de Mariotte et de Gay-Lussac » [idem., 26] et du fait que le travail produit se confond avec l’aire du parallélogramme décrit par les différentes opérations du cycle. Pour chacune d’entre elles, Clau-sius exprime la variation infinitésimale de chaleur qui correspond à une variation de volume et de température. Il obtient ainsi l’expression de la chaleur consommée29 et exprime le rendement :

  • 30  Comme précédemment, Clausius ne donne dans le texte de 1850 aucun détail de son calcul, et c’est u (...)

48La chaleur n’est pas une fonction d’état, l’équation (I) constitue à cet égard une preuve immédiate, un élément quasiment « visuel » étant donnée la structure même de l’équation. L’objectif de Clausius est désormais de montrer dans quelle mesure Q, la chaleur, se distingue d’une fonction d’état. Quel écart existe-t-il entre Q fonction d’état et Q considérée comme un équivalent mécanique? L’intégration de (I) conduit Clausius à l’expression (Ia) de dQ30 :

« où U est une fonction arbitraire de v et de t ». [Clausius 1868, 35] Si l’introduction de la fonction U n’est pas ici explicitée, son rôle en revanche apparaît immédiatement : il s’agit pour Clausius de distinguer les grandeurs intérieures de celles qui sont extérieures au « système » étudié. Ainsi, U regroupe les grandeurs intérieures alors que le terme

est significatif des grandeurs extérieures. Ce dernier terme étant identifié comme le travail extérieur produit. Finalement, la chaleur totale reçue par un corps se décompose d’une part entre la chaleur interne qui comprend la chaleur libre et le travail interne et qui est une fonction déterminée par l’état initial et final et d’autre part le travail extérieur qui n’est pas une fonction d’état.

49Ainsi, l’approche développée par Clausius le conduit à formaliser l’expression analytique qui lie le travail et la chaleur ainsi qu’à préciser les grandeurs conservatives.

50L’Exposé élémentaire de la transformation des forces naturelles [Helmholtz 1854], constitue un texte central significatif de la réception des travaux de Clausius par Helmholtz et de l’évolution de la pensée de ce dernier.

  • 31  « La chaleur qui se transmet d’un corps chaud à un plus froid peut seule, et en partie seulement, (...)
  • 32  « Mais en y réfléchissant de plus près, on trouve que ce n’est pas le principe fondamental même de (...)

51En effet, l’interprétation qu’il donne en 1854 des travaux de Clausius renforce le point de vue selon lequel le principe de conservation de la force présente des limites à la généralisation. Helmholtz revendique en conséquence, l’indépendance de la loi de Carnot31 vis à vis du principe de conservation de la force et poursuit son intervention en affirmant : « mais Clausius l’a interprétée [la loi de Carnot] de façon à la rendre compatible avec ce principe général ». Helmholtz évoque ici implicitement le paradoxe auquel le lecteur est confronté lorsqu’il découvre simultanément une limitation à la transformation de la chaleur en travail et l’existence d’un équivalent mécanique de la chaleur. La mise en cohérence des résultats de Joule et Carnot par Clausius ne résulte pas, comme le laisse entendre Helmholtz, de la seule nécessité de présenter une théorie excluant toutes les propositions contradictoires. Clausius en effet dénoue le paradoxe apparent des théories de Carnot et Joule en rejetant la conservation de la chaleur et en affirmant, lors du fonctionnement des machines, l’existence simultanée de la production de chaleur en travail et le transport d’une quantité de chaleur du corps chaud vers le corps froid32. Ce processus nécessite par ailleurs d’appréhender l’implication délicate entre la chaleur et le travail pour l’équivalent mécanique pour la chaleur. Dès lors, en indiquant qu’une partie seulement de la chaleur donne lieu à la production de travail, Clausius aborde, quoique implicitement, la question des pertes en soulignant le transfert d’une partie de la chaleur du corps chaud vers le corps froid.

  • 33  Clausius donne une interprétation mécaniste de la chaleur.

52Plus encore, sans émettre d’hypothèse sur la nature de la chaleur autre que celle du mouvement33, il formule une expression analytique pour la chaleur qui associe des grandeurs microscopiques et macroscopiques sans que la conservation de la force, ou d’une autre grandeur ne soit ici exprimée. Cette cohérence chez Clausius ne relève pas de la simple juxtaposition des travaux de Carnot et Joule mais bien de la nécessité de considérer ces travaux comme les fondements de la théorie.

53Dans la conférence de 1854, Helmholtz, pourtant très au fait des questions traitées par Clausius, appréhende le travail de ce dernier à travers le prisme de son principe de conservation de la force sans que l’aspect unificateur du travail de ce dernier soit souligné.

4 Conclusion : de la conservation de la force à la conservation de l’énergie

  • 34  Voir la partie consacrée au contexte dans la partie 1.
  • 35  « Deux idées peuvent être prises pour point de départ de ces principes : la première, c’est l’impo (...)

54Nous avons évoqué un certain nombre d’éléments qui constituent chez Helmholtz une limitation à la généralisation de la conservation de la force vers la conservation de l’énergie. Par suite, le lien entre les approches macroscopiques et microscopiques n’est pas clairement identifié, le statut réservé à la chaleur ne la positionne pas à égalité avec les autres grandeurs de la mécanique et l’absence d’analyse mathématique concernant les phénomènes caloriques constitue également un facteur limitatif. Ces aspects nous paraissent singuliers chez Helmholtz qui connaît les travaux d’ingénieurs comme Navier ou Coriolis34 et ceux de Joule et qui ramène ses «  principes de départ »35 à ceux de la mécanique analytique.

55C’est sans doute dans les principes, qui sous-tendent l’ensemble des travaux de physiologie et de physique d’Helmholtz, qu’il convient de chercher l’origine de ces aspects. Ainsi, le rôle accordé à l’impossibilité d’obtenir un mouvement perpétuel a été commenté à plusieurs reprises.

  • 36  En 1845 déjà, Helmholtz soulignait que : « L’une des questions les plus brûlantes dont traite la p (...)
  • 37  Pour cette question, voir [Pourprix 2003, 95], et [Bevilacqua 1993, 299].
  • 38  Sur l’approche commune entre la physiologie et la physique voir Helmholtz [1861, 35].

56Les auteurs soulignent que l’un des principaux objectifs36 d’Helmholtz est de rejeter, en se basant sur l’impossibilité d’obtenir un mouvement perpétuel, la thèse du vitalisme, laquelle interroge ardemment les milieux de la physiologie allemande. Dès lors, les méthodes de la physique, plus précisément celles de la mécanique analytique, en tenant lieu de modèle pour la physiologie crédite cette dernière d’une rigueur qui lui fait défaut37. C’est notamment dans ce contexte qu’il convient d’appréhender le principe de conservation de la force qui apparaît comme une traduction analytique de l’impossibilité d’obtenir un mouvement perpétuel38.

57Le texte intitulé « De l’application de la loi de la conservation à la nature organique » [Helmholtz 1861, 29-41] de 1861 constitue une référence intéressante qui éclaire le principe de conservation de la force et accentue, davantage encore, l’importance accordée par Helmholtz à l’impossibilité d’obtenir un mouvement perpétuel : « Nous pourrions exprimer le sens de la loi de la conservation de l’énergie en affirmant que chaque force naturelle épuise et perd le pouvoir de causer la même altération une seconde fois. Mais alors que pour chaque altération naturelle, la force qui en a été la cause se dépense, il y a toujours une autre force dont le pouvoir de produire d’autres altérations croît, l’augmentation étant équivalente à la dépense de pouvoir de la première force. Ainsi, bien qu’il appartienne à la nature de chaque force inorganique de s’épuiser par sa propre action, la puissance de l’ensemble du système dans lequel se produit l’altération n’est ni épuisée, ni augmentée en quantité, mais seulement modifiée dans sa forme. » [Helmholtz 1861, 30]

  • 39  Dans le passage qu’il consacre à la production de travail par la chaleur, Helmholtz précise sans a (...)

58Cette présentation de la conservation de l’énergie repose essentiellement sur le principe, généralisable à tous les domaines des sciences de la nature, de la conversion qualitative et de la conservation quantitative de la force, et apparaît ainsi comme la transcription physique de l’idée centrale chez Helmholtz selon laquelle il est impossible d’obtenir quelque chose à partir de rien. Les différents exemples présentés ensuite, pour illustrer le principe de conservation ainsi défini, appuient davantage les notions de conversion et de transformation. Par conséquent, hormis le cas des machines, succinctement abordé, le problème des pertes n’est toujours pas traité alors que l’équivalent mécanique de la chaleur est ici clairement identifié39.

59Finalement, c’est dans le cadre d’une mécanique conservative qu’il convient d’apprécier les travaux d’Helmholtz, notamment son texte de 1847. Cette approche, pour laquelle les chocs et les frottements sont discutés en terme de processus microscopiques, présente les pertes de forces vives comme résultant de mouvements moléculaires internes : les pertes n’étant alors qu’apparentes. Dès lors, il est plus aisé d’interpréter les restrictions que nous avons pointées (l’absence de discussion autour de la question des pertes, le statut de la chaleur, le défaut d’analyse de la section IV...), comme résultant de l’attachement d’Helmholtz à une mécanique conservative pour laquelle l’influence des ingénieurs français est non négligeable [Grattan-Guinness 1984, 32-33] et [Darrigol 2001, 341-343].

60En résumé, et conformément à ce qui est annoncé dans l’introduction au texte de 1847, l’objectif d’Helmholtz est de donner un statut universel et fondateur au principe selon lequel il est impossible d’obtenir un mouvement perpétuel. La mécanique analytique, dont les principes se réduisent à celui de la conservation de la force vive, constitue le cadre idéal qui permettra la formalisation analytique de l’impossibilité de mouvement perpétuel de première espèce sous la forme du principe de conservation de la force.

61Paradoxalement, cette approche, qui fait d’Helmholtz l’un des promoteurs de la mécanique conservative, ne lui permet pas de formuler un principe de conservation qui soit généralisé.

« Le système énergétique a pris naissance à la suite de la découverte du principe de la conservation de l’énergie ; c’est Helmholtz qui lui a donné sa forme définitive » [Poincaré 1902, 139].

62Si Poincaré indique ici clairement son point de vue concernant l’apport des travaux d’Helmholtz, il ne manque cependant pas d’ajouter :

« Mais ce n’est pas tout, il faut tenir compte non seulement de l’énergie mécanique proprement dite mais également des autres formes d’énergie. . . » [Poincaré 1902, 142],

renvoyant ici à la nécessité d’établir un principe de conservation de l’énergie qui soit général. C’est dans la même direction qu’opère Brunhes lorsqu’il pointe la limite constituée par un principe de conservation mettant uniquement en jeu les grandeurs mécaniques que sont les énergies cinétiques et potentielles :

« Il faut à tout prix faire intervenir la notion de chaleur dans la définition de l’énergie, sous peine de sacrifier la vérité à une fausse simplicité » [Brunhes 1909, 268].

  • 40  II ne s’agit pas de détailler davantage la nature de la chaleur mais de s’interroger sur les liens (...)
  • 41  Dans les sections V et VI Helmholtz transpose son principe de conservation de la force notamment a (...)

63En évoquant la nécessité d’associer la chaleur à la définition de l’énergie, Brunhes ne soulève qu’un des aspects du problème. L’impossibilité d’introduire le concept d’énergie interne si la chaleur n’est pas clairement identifiée40, ainsi que l’absence de distinction, entre les grandeurs internes et extérieures au système étudié, sont également des éléments significatifs de ce problème. C’est en ce sens que le principe de conservation de l’énergie introduit par Helmholtz est limité même si sa présentation permet d’appréhender le bilan énergétique de systèmes autres que des systèmes mécaniques41.

  • 42  Voir la préface XVIII.
  • 43  Voir par exemple la conférence de 1854 déjà citée ou la série de conférences données à Carlsruhe p (...)

64Transposée à la conservation de l’énergie, il n’y a qu’un pas entre cette analyse et la conclusion de Poincaré qui annonce : «  Le mécanisme est incompatible avec le théorème de Clausius » [Poincaré 1908]42. Et finalement la question qui se pose est la suivante : une théorie mécanique de la chaleur constitue-t-elle un cadre pertinent pour que le principe de conservation de l’énergie puisse être formulé de façon générale ? En effet, cela a déjà été souligné, pour les questions relatives à l’« équivalent de la force et de la chaleur », dans les ajouts au texte de 1847 ainsi que dans des conférences plus tardives43, Helmholtz renvoie son lecteur vers les travaux de Thomson et Clausius. Ces auteurs avec des approches très différentes parviennent à exprimer un principe de conservation qui prend en compte la chaleur et distingue, tant pour le travail que la chaleur, les grandeurs intérieures des grandeurs extérieures au système. Ainsi, Thomson définit dans le cadre d’une théorie dynamique [Smith & Wise 1989, 237-281] de la chaleur, l’énergie mécanique totale, expression qui correspond en fait à une énergie totale dont l’une des composantes est bien identifiable à l’énergie interne même si le terme n’est pas formulé tel quel par Thomson.

65Nous avons rappelé le contexte de la théorie mécanique de la chaleur dans lequel Clausius introduit la différentielle totale U qui regroupe les grandeurs intérieures au système. C’est en montrant que ni le travail ni la chaleur, ne sont des fonctions d’état, qu’il est amené à faire cette introduction.

66En définitive, ni Thomson ni Clausius ne donnent, au début des années 1850, une définition de l’énergie introduisant explicitement le concept d’énergie interne, pourtant, chacun d’eux, avec un style qui lui est propre, pointe les éléments nécessaires à la généralisation du principe de conservation de l’énergie.

67L’intention est plus remarquable chez Thomson considéré avec Helmholtz, comme l’un des promoteurs d’une mécanique conservative. La singularité de Thomson réside sans doute dans la volonté de saisir à tout prix le problème des pertes quitte à sortir un peu du cadre délimité par la mécanique conservative, ce qu’Helmholtz, par souci de généralité, n’a pas entrepris.

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Notes

1  IUFM, 2 place Marcel Godechot, BP 4152, 34092 Montpellier Cedex 5

2  Bien que Bevilacqua qualifie de non-achevée l’approche mathématique et qu’il constate l’absence de travaux expérimentaux (en opposition aux travaux de physiologie qui reposent entièrement sur une démarche expérimentale), il indique que cette approche d’Helmholtz permet de souligner l’effort théorique basé sur l’impossibilité d’obtenir un mouvement perpétuel.

3  Dans La fécondité des erreurs, Pourprix souligne l’erreur qui consiste à considérer comme équivalent le caractère central des forces et l’impossibilité d’obtenir un mouvement perpétuel. Il indique toutefois que cette erreur d’Helmholtz s’est avérée fructueuse puisqu’elle a permis à ce dernier de construire le concept de force de tension.

4  Le texte de 1847 a été traduit en français par Louis Pérard qui le publie en 1869 sous le titre Mémoire de la conservation de la force. Il existe des modifications substantielles entre le texte allemand et la version française; cette dernière en effet, comporte des ajouts (introduction des termes d’énergie actuelle et énergie potentielle par exemple) qui modiient le texte original d’Helmholtz. Il est essentiel de noter que la traduction française a été soumise à Helmholtz qui a porté à cette dernière un certain nombre de modifications (principalement des notes). Ainsi, il convient de considérer la version française comme un texte signiicatif de l’évolution de la pensée d’Helmholtz entre 1847 et 1869.

5  T. Kuhn souligne la nécessité pour les Naturphilosophen de trouver un principe unificateur unique à tous les phénomènes naturels. Il cite l’affirmation de Schelling selon laquelle «  les phénomènes magnétiques, électriques, chimiques et finalement même organiques étaient interconnectés en une grande association... [qui] s’étend sur toute la nature. » Cité par [Kuhn 1977, 149].

6  Voir [Bevilacqua 1993] qui s’intéresse plus particulièrement à l’introduction de la force de tension et note l’aspect novateur constitué par l’égalité, réalisée par Helmholtz, entre la force vive qui est une grandeur dynamique, et la quantité des tensions qui est une grandeur statique. [Pourprix 2003] souligne le passage des conceptions statiques aux conceptions dynamiques comme élément pertinent pour l’émergence du principe de conservation de l’énergie. Ce thème est également développé avec précision dans [Smith & Wise 1989], voir par exemple le chapitre 8 de ce dernier.

7  La force vive est notée mv2, (m représente la masse et v la vitesse).

8  Cet aspect est développé dans [Grattan-Guinness 1984].

9  Voir notamment page 325.

10  « ...dans tout système soumis d’une manière entièrement générale à la loi de la conservation de la force vive, les forces élémentaires des points matériels sont des forces centrales. » [Helmholtz 1847c, 71]

11  Il s’agit du texte d’une conférence donnée par Helmholtz à Kœnigsberg le 7 décembre 1854. Le texte « Exposé élémentaire de la transformation des forces naturelles » est publié avec le« Mémoire sur la conservation de la force », traduction française de L. Pérard de 1869.

12  Voir la note 19.

13  Voir également la référence à Kant et Laplace relativement à l’organisation de la matière sous forme de nébuleuses lors de la constitution de l’Univers, p. 29.

14  Notre approche se limite à présenter l’influence de Kant comme l’un des éléments essentiels à la compréhension des travaux d’Helmholtz. L’analyse de cette influence et toutes les nuances qu’il convient d’apporter relativement à cette question ont été débattues à plusieurs reprises. Voir plus particulièrement « Helmholtz and Kant : the Metaphysical Foundations of Uber die Erhaltung der Kraft », [Heimann 1974b].

15  L’approche d’Helmholtz consiste à considérer un système de corps soumis à des forces centrales et pour lequel un bilan est effectué une fois que tous les corps de système ont retrouvé leurs positions initiales. Ibid., page 65.

16  Ibid., pages 311–312. Cet aspect sera abordé ultérieurement.

17  Pour cette question voir [Bevilacqua 1993, 315—316] et [Pourprix 2003, 98].

18  « ...il semble qu’une hypothèse analogue aux vues d’Ampère peut résumer l’état de la science à ce sujet » et Helmholtz annonce que chaque molécule peut avoir trois types de mouvements : « 1o Déplacement du centre de gravité ; 2 o Rotation autour du centre de gravité, 3 o Déplacements relatifs de ces différents éléments. » Ibid., page 93.

19  Ibid., page 93.

20  Il s’agit de la conductibilité, le rayonnement et les échanges de chaleur intervenant lors des changements d’état

21  « Quoique la production de chaleur soit hors de doute, on en a aussi peu cherché les lois et les conditions que les lois et les conditions de sa disparition. » [Helmholtz 1847, 94].

22  Le travail de Sadi Carnot, notamment la notion de rendement des machines à vapeur est connu d’Helmholtz.

23  Sur cette question voir [Guedj 2006].

24  Nous rappelons l’inflexion d’Helmholtz vers l’équivalent mécanique de la chaleur, voir [Helmholtz 1847c, 89].

25  Voir les ajouts à la traduction française, [Helmholtz 1847c, 97], ainsi que [Helmholtz 1854, 27]

26  Ibid., p. 18. Il faut noter qu’au moment de la rédaction de ce premier mémoire, Clausius indique qu’il n’est toujours pas en possession du texte de Carnot et que ce sont les écrits de Clapeyron et de W. Thomson qui lui servent de support.

27  Clausius ne donne pas d’autre explication, sinon celle liée à la précision des expériences décrites par Joule, pour justifier l’existence d’un équivalent mécanique de la chaleur.

28  Clausius reprend la distinction introduite par Carnot et précisée par Clapeyron entre deux types de chaleur (chaleur libre et chaleur latente). Ce découpage permet par exemple de justifier une détente isotherme, alors qu’un échange de chaleur intervient entre le réservoir et le corps, ou encore une détente adiabatique pour laquelle la température diminue sans qu’aucun échange de chaleur ne soit intervenu.

29  Pour plus de détail sur la formalisation de la chaleur voir [idem., 31–34].

30  Comme précédemment, Clausius ne donne dans le texte de 1850 aucun détail de son calcul, et c’est une addition datée de 1864 qui apporte les indications nécessaires. Voir [Clausius 1868, 90–93], Addition B.

31  « La chaleur qui se transmet d’un corps chaud à un plus froid peut seule, et en partie seulement, être transformée en travail » [Helmholtz 1854, 27].

32  « Mais en y réfléchissant de plus près, on trouve que ce n’est pas le principe fondamental même de Carnot, mais l’assertion qu’il ajoute qu’il n’y a pas de chaleur perdue, qui est en contradiction avec la nouvelle manière de voir ; car dans la production du travail il peut bien se faire en même temps qu’une certaine quantité de chaleur soit consommée et qu’une autre soit transportée d’un corps chaud à un corps froid et les deux quantités de chaleur peuvent se trouver dans un rapport déterminé avec le travail produit. » Clausius [1868, 21]

33  Clausius donne une interprétation mécaniste de la chaleur.

34  Voir la partie consacrée au contexte dans la partie 1.

35  « Deux idées peuvent être prises pour point de départ de ces principes : la première, c’est l’impossibilité d’accumuler indéfiniment du travail par les effets d’une combinaison quelconque de corps. La seconde, c’est la possibilité de ramener toutes les actions de la nature à des forces attractives et répulsives dont l’intensité ne dépend que de la distance des points qui agissent les uns sur les autres. » [Helmholtz 1847c], Introduction.

36  En 1845 déjà, Helmholtz soulignait que : « L’une des questions les plus brûlantes dont traite la physiologie concerne l’essence de la force vitale dans toute son immé-diateté. Est-ce que la vie des corps organisés résulte d’une force autonome qui se renouvelle sans cesse par elle-même et qui agit conformément à ses fins, ou est-elle le produit des forces déjà présentes dans la nature inanimée, mais modifiées par le mode particulier de leur concours ? » [Helmholtz 1845, 13].

37  Pour cette question, voir [Pourprix 2003, 95], et [Bevilacqua 1993, 299].

38  Sur l’approche commune entre la physiologie et la physique voir Helmholtz [1861, 35].

39  Dans le passage qu’il consacre à la production de travail par la chaleur, Helmholtz précise sans ambiguïté, que l’on observe une perte de chaleur. Cependant, il ne donne aucune indication permettant d’appréhender cette perte dans le cadre de son principe de conservation. Voir [Helmholtz 1861, 32].

40  II ne s’agit pas de détailler davantage la nature de la chaleur mais de s’interroger sur les liens entretenus par le concept de chaleur avec les grandeurs mécaniques mobilisées pour exprimer le principe de conservation de l’énergie.

41  Dans les sections V et VI Helmholtz transpose son principe de conservation de la force notamment aux domaines de l’électricité et du magnétisme, son approche repose entièrement sur les résultats obtenus dans le cadre de la mécanique.

42  Voir la préface XVIII.

43  Voir par exemple la conférence de 1854 déjà citée ou la série de conférences données à Carlsruhe pendant l’hiver 1862-1863, in Science and Culture Populär and Philosophical Essays Hermann von Helmholtz, Edited with an introduction by D. Cahan, The University of Chicago Press, 1995.

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Pour citer cet article

Référence papier

Muriel Guedj1, « À propos de l’ouvrage d’Helmholtz Über die Erhaltung der Kraft sur un principe limité de la conservation de l’énergie »Philosophia Scientiæ, 11-2 | 2007, 1-25.

Référence électronique

Muriel Guedj1, « À propos de l’ouvrage d’Helmholtz Über die Erhaltung der Kraft sur un principe limité de la conservation de l’énergie »Philosophia Scientiæ [En ligne], 11-2 | 2007, mis en ligne le 27 juin 2011, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/philosophiascientiae/331 ; DOI : https://doi.org/10.4000/philosophiascientiae.331

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Auteur

Muriel Guedj1

Equipe REHSEIS (UMR 7596) CNRS et Université Paris 7

muriel.guedj@montpellier.iufm.fr
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Droits d’auteur

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