Sommaire. — Pour répondre à la question suivante : Comment atteignons-nous le réel ? M. Nicolai Hartmann a fait appel à l'idée d'une « Erkenntnisponderanz », c'est-à-dire à la notion d'une certaine « pesanteur » de l'acte de connaissance. La présente étude voudrait examiner cette solution. Afin d'en mieux préciser les caractères, on l'a mise en parallèle avec la solution que propose de son côté le R. P. Joseph Maréchal, où l'idée d'un « dynamisme de la connaissance » intervient dans un rôle assez analogue.

Suivant M. Hartmann ce n'est point par des actes de connaissance proprement dits, mais formellement par des actes de l'ordre émotionnel que nous avons d'abord accès au réel. Le contact avec le réel une fois assuré par des actes émotionnels, la connaissance s'efforce ensuite à se représenter les déterminations qualitatives et les relations réalisées dans le réel ; mais elle s'y efforce par des opérations qui portent sur des notions strictement immanentes à la conscience. 11 importe alors de montrer que cette construction immanente peut nous renseigner sur le monde réel lui-même. Le problème est en somme de montrer que c'est bien le même monde réel que nous expérimentons à travers nos actes émotionnels et dont nous déchiffrons la structure catégoriale en formulant des représentations hypothétiques. Précisément dans la représentation même, enfermée dans la conscience, M. Hartmann aperçoit des relations qui la rapportent au réel en soi. Spécialement, dans l'acte de connaissance, nous éprouvons une inadéquation constante entre la représentation ou l'image {Bild) et l'objet même de la connaissance (Gegenstand). Cette inadéquation s'accuse notamment par le fait que toute connaissance nous apparaît comme limitée mais qu'elle vise cependant la totalité d'un objet inépuisable, d'une « chose en soi ». Toute connaissance est ainsi orientée vers un inconnu, voire un inconnaissable, et même vers un « irrationnel », puisqu'il est vécu au cœur de tout acte de connaissance que les formes de