Alexis Bertrand, professeur de philosophie du jeune Blondel
Au début d'octobre 1878, Maurice Blondel entrait en classe de Philosophie au lycée de Dijon. Il y avait pour maître Alexis Bertrand. De ce dernier, nous savons, par Blondel lui-même, qu'il fut un biranien convaincu et qu'il aida au discernement de sa vocation philosophique. C'est à peu près tout. Mais quelle était, plus précisément, sa pensée? Quel fut au juste son enseignement? Quels thèmes furent traités? Quel fut ce premier contact de Blondel avec la philosophie de son temps et à quoi dut-il forcément réfléchir en écoutant son professeur? Put-il trouver chez lui des éléments utiles pour son œuvre personnelle? C'est à ces questions que nous voudrions essayer de répondre dans les pages qui suivent.
Des cours de Bertrand1, les «Archives Blondel» de Louvain possèdent des résumés très complets (cinq gros cahiers) de la main même de Maurice Blondel (qui s'en resservit plus tard pour ses propres cours aux lycées de Chaumont, Montauban et Aix). Ces cahiers nous permettent de nous faire une idée très nette de l'enseignement de Bertrand2.
Pour celui-ci, la Philosophie comprend principalement la Psychologie et la Théodicée. L' esthétique, la logique et la morale sont intégrées dans la
1 Les cours de Philosophie avaient lieu deux fois par semaine, en plus des heures de Français, de Latin, d'Allemand, de Mathématique, de Physique, de Chimie, d'Histoire et de Géographie.
2 On trouvera sur A. Bertrand (1850-1922) une notice biographique et biblio-gra- phique dans le Supplément de la Revue de Métaphysique et de Morale, numéro d'octobre / décembre 1923, p. 16. Nous y ajouterons les éléments suivants: Bertrand commence à enseigner en 1868; il devient titulaire de la classe de Philosophie en 1873, d'abord en d'autres villes, puis à Dijon, où il est nommé en septembre 1878. Maurice Blondel fit donc partie de sa première classe dijonnaise (il y remporta le premier prix d'excellence et le prix de dissertation). En 1881, Bertrand passe du lycée aux Facultés de Dijon pour y remplacer Henri Joly, appelé à suppléer Caro à la Sorbonne. Trois ans plus tard, il est nommé professeur à la Faculté des Lettres de Lyon où il restera jusqu'à l'âge de soixante-dix ans. Dans son discours de rentrée de novembre 1884, le Doyen de la Faculté des Lettres de Dijon lui dit adieu au nom de ses collègues et fit son éloge: «Hardi dans ses affirmations, mais toujours respectueux des croyances et des traditions opposées aux siennes, ferme et résolu, mais tolérant, notre collègue avait inspiré à ses élèves une estime véritable.»
