VII

L'EXPÉRIENCE CHEZ ROGER BACON

A propos de trois ouvrages récents l)

Les nombreux travaux consacrés jusqu'ici à la doctrine et à la personnalité de Roger Bacon, n'ont pas encore eu pour résultat de mettre en pleine lumière cette énigmatique figure et la signification exacte de son œuvre. Car bien des points demanderaient encore à être éclaircis : quelle est en définitive cette doctrine, — si doctrine il y a? quel en est le contenu? de quelles vues s'inspire-t-elle ? quels sont, enfin, les traits caractéristiques qui fout l'originalité du vieux savant d'Oxford?

C'est à résoudre ces questions qu'un nouvel historien, M. Robert Carton, s'est employé dans les trois volumes qu'il vient de faire paraître dans la nouvelle collection d'Etudes de philosophie médiévale publiée sous la direction de M. Etienne Gilson.

Disons tout de suite que ce travail est admirablement mené. L'auteur y fait preuve d'une érudition remarquable et d'une rare sagacité. Au moyen de données éparses et d'indications relativement maigres, il a su dégager de l'œuvre baconienne toute une doctrine originale et cohérente. Doctrine nouvelle, inconnue aux historiens, ou mal comprise d'eux, — l'auteur du moins se plaît à le croire. Doctrine, qu'il a su préciser avec un souci de la nuance, peut-être exagéré, quand il s'agit d'un esprit tranchant comme Bacon, mais dont il a saisi, en tous cas, la véritable inspiration. Ses sympathies- pour l'Kcole franciscaine de saint Bonaventure semblent l'avoir bien servi, sans nuire d'ailleurs en aucune façon à l'objectivité de son jugement.

La doctrine que M. Carton a découverte chez le Docteur Admirable est celle de l'expérience. R. Bacon — on le sait — distingue deux